Par Madeleine Rebérioux
Né le 25 janvier 1863 à Roanne (Loire), mort le 28 octobre 1952 à Toucy (Yonne) ; militant syndicaliste et socialiste.
Dans la famille d’Émile Marcoux, on était de père en fils artisan plâtrier. La mort en couches de sa mère laissa l’enfant, pendant ses premières années, pratiquement à la rue. Élevé par une sœur, elle-même ouvrière-tailleuse, il ne fréquenta l’école que quelques mois pendant quelques années. À dix ans, il fut placé à Saint-Étienne dans l’imprimerie d’un quotidien et il devint apprenti typographe. Il partageait ses soirées entre la bibliothèque municipale, la société de gymnastique et les cours du soir, avide d’apprendre avec cette ardeur qu’on retrouve chez tant d’ouvriers autodidactes.
En 1880, il commença son tour de France. Chaque ville, de 1880 à 1890, lui fut l’occasion d’une activité militante dans le syndicat de sa corporation : à Lyon (1880-1882) où il poussa la Société typographique à adhérer à la Fédération typographique française ; à Avignon (1882-1883) ; à Toulouse (1883-1885) ; à Bordeaux (1885) ; à Tours (1885-1886), où il fonda le syndicat de l’imprimerie et fut renvoyé pour fait de grève ; enfin, dans l’Yonne, à Sens (1887) et à Laroche (1887-1890), où il fonda le syndicat Gutenberg dont il devint le secrétaire trésorier.
C’est son mariage avec une institutrice de Laroche, Berthe Vincent, qui le fixa dans l’Yonne. Lorsque l’imprimerie où il travaillait fut fermée, il dut changer de métier. Il devint chef monteur électricien d’abord à Melun (1890-1891), puis à Auxerre, enfin à Toucy où, de 1893 à 1923, il cumula pendant trente ans toutes les fonctions dans la petite usine, sans un jour de repos officiel : situation peu compatible avec l’activité syndicale.
Émile Marcoux s’orienta alors — l’époque y était d’ailleurs propice — vers le socialisme. Abonné à la Petite République, il réunit dans un Cercle d’études sociales plusieurs petits artisans, quelques fonctionnaires et paysans, de rares ouvriers, participa en 1897 à la fondation de la fédération des travailleurs socialistes de l’Yonne et contribua, en 1900, à la fondation de son journal, le Travailleur socialiste de l’Yonne, auquel il collabora régulièrement, sous le pseudonyme de Verluisant, depuis la fin de 1902. En 1904, la fédération fit éditer son petit Guide des militants. Très ignorant du marxisme, très hostile au guesdisme, aux tendances anarchistes et à l’insurrectionnalisme de Gustave Hervé, le socialisme qu’il préconisait se situe plutôt dans la tradition de Benoît Malon. Il tenait que "la constitution du prolétariat en un vaste parti de classe a fait tomber dans l’oubli les principes essentiels de la philosophie socialiste" et qu’il fallait essentiellement éduquer les travailleurs pour leur enseigner la "morale altruiste" — l’individualisme et donc l’égoïsme étant la base même du système capitaliste. Fort de cette certitude, il multipliait les "conférences éducatives" sur "la morale", sur "l’idéal" socialistes, sur le comportement quotidien des socialistes. "Le mariage, écrivait-il dans l’une d’elles, publiée en 1913 par le groupe de Toucy, ce sera [...] l’attraction de deux êtres bons, obéissant aux lois charmantes de la reproduction, mais sans pratiquer pour cela la culture du lapinisme."
Il mettait d’ailleurs en pratique ses préceptes. Bon camarade, comme il était de règle dans la fédération de l’Yonne, il vivait dans les meilleurs termes personnels avec ceux-mêmes qu’il critiquait ; et les militants de passage, deM. Roldes à J. Lorris, d’A. Richard à Z. Camélinat et à G. Hervé, trouvaient toujours une place à table et le lit fait dans la mansarde qui leur était réservée à l’usine de Toucy. Lors de l’unité, le cercle d’études sociales devint le groupe cantonal SFIO de Toucy. C’est dans ce groupe qu’Émile Marcoux, "parlementaire" passionné, s’acharna à découvrir, en vrai pédagogue socialiste, des militants susceptibles de le remplacer et de créer de nouveaux groupes dans le canton.
En 1923, Émile Marcoux fut exclu du Parti communiste pour appartenance à la Franc-maçonnerie. Il créa une Fédération socialiste SFIO en juillet 1924 et en assura le secrétariat. Candidat aux élections sénatoriales du 7 janvier 1927, il recueillit 12 voix sur 866 inscrits. Sa démission du secrétariat fédéral, en janvier 1928, fut interprétée comme une rupture : "Le voilà, lui aussi qui s’en va dégoûté de la politique et des politiciens. Qui pourrait croire que c’est la maladie ou la vieillesse qui le chasse de l’arène" (Le Travailleur, 2 février 1928). Il reprit cependant quelques activités en mai 1930 en tant que gérant et rédacteur du Réveil de l’Yonne, journal socialiste (n°1-39, 17 mai 1930-18 avril 1931). Gaston Clémendotlui succéda.
Il devait mourir à 90 ans en 1952.
Par Madeleine Rebérioux
ŒUVRE : Guide des militants, brochure, 1904. — La Morale et l’idéal socialistes, brochure, Toucy, 1913.
_ Collaboration au Socialiste de l’Hérault (cf. par exemple, "La morale socialiste", 8 mai 1904.
SOURCES : Lettre de M. Horace Marcoux. — Le Travailleur Socialiste de l’Yonne. — Le Réveil de l’Yonne, 1930-1931.