MARTEL Henri

Par Yves Le Maner

Né le 3 août 1898 à Bruay-sur-Escaut (Nord), mort à le 27 novembre 1982 à Sin-le-Noble (Nord) ; ouvrier mineur ; militant syndicaliste et communiste du Nord ; membre du bureau de la Fédération CGTU du Sous-sol (1933-1935), vice-président du syndicat CGT des mineurs du Nord (1936-1939), secrétaire général puis président de la Fédération nationale du Sous-sol CGT, président du syndicat des mineurs du Nord ; président de l’Union internationale des mineurs (1947-1961) ; secrétaire de la région Nord du PC (1934), membre du comité central et du bureau politique du PCF ; conseiller d’arrondissement ; conseiller général du Nord (1933-1940 puis 1945-1971) ; député du Nord (1936-1940, 1945-1946, 1951-1958 et 1962-1967) ; conseiller de la République (1946-1951).

Henri Martel appartient à une dynastie de mineurs qui travailla aux mines d’Anzin dès que celles-ci furent créées. Les Martel figurèrent toujours à l’avant-garde du mouvement ouvrier du bassin minier du Nord, représentatifs à chaque génération de l’idéologie la plus radicale. Le grand-père paternel d’Henri Martel fut licencié pour fait de grève en 1866 et dut s’expatrier dans le Pas-de-Calais où il travailla aux mines de Liévin. Le père, né en 1877, fut un militant anarchiste actif qui diffusa l’Action syndicale, la Guerre sociale et les Temps nouveaux dans les corons et fit partie du noyau dirigeant du jeune syndicat de Benoît Broutchoux. Son père et sa mère, domestique, vivaient ensemble sans être mariés.

Le jeune Henri fréquenta peu l’école. Il contribua très tôt aux revenus familiaux en grapillant du charbon sur les terrils pour le vendre et, à l’âge de dix ans, s’embaucha comme manœuvre dans le Bâtiment avec des horaires de travail oscillant entre 12 à 15 heures par jour. A onze ans, il travaillait de nuit à la verrerie de Denain, ce qui permettait au patron d’éviter les foudres de l’inspection du travail qui n’intervenait que le jour pour contrôler l’âge des ouvriers. Déjà solidement bâti, Henri Martel descendit pour la première fois à la mine, comme galibot, à l’âge de douze ans et demi, au puits 2 bis des mines de Dourges (Pas-de-Calais). Il prit sa première carte syndicale en avril 1911 au syndicat "broutchoutiste" d’Hénin-Liétard et devint immédiatement un militant très actif. En conséquence, il dut travailler successivement dans neuf compagnies minières différentes dans les quatre années qui précédèrent la Première Guerre mondiale. Mais dès cette époque, Henri Martel s’était affranchi de l’influence libertaire de son père. Après de longues discussions politiques avec ce dernier, il adhéra en mai 1912 à la section des Jeunesses socialistes de la cité Port-Arthur à Dourges. Réfugié à Paris au début de la guerre, il milita au sein de la section des JS du XVIIIe arr. avant d’être mobilisé en 1917, passant au front en 1918.

Démobilisé en mai 1920, embauché à la compagnie de Bruay (fosse n° 2), Henri Martel rejoignit la CGT et fit campagne au sein des Comités syndicalistes révolutionnaires des mineurs pour l’affiliation à la IIIe Internationale. Abatteur à la fosse Notre-Dame à Waziers (Nord), il y créa une section syndicale en février 1921 qui s’affilia à la CGTU lors de la scission. Martel en fut élu trésorier, puis, à partir de 1923, secrétaire. Membre du Parti communiste dès 1921, secrétaire de la section locale de Waziers, il se consacra cependant en priorité à l’action syndicale. Membre du comité régional des mineurs unitaires de 1923 à 1925, il accéda, à cette dernière date, au bureau de la Fédération CGTU du Sous-sol, poste qu’il conserva jusqu’à la fusion de 1935 (voir Thiébaut Henri).

Dans une corporation où les confédérés restaient largement majoritaires, Henri Martel parvint à acquérir une forte popularité et à créer un bastion unitaire dans le Douaisis, autour de Sin-le-Noble où il résidait. Licencié en 1928, il fut réembauché l’année suivante après son élection au poste de délégué mineur du puits Notre-Dame d’Aniche, mandat qu’il conserva en tant que titulaire jusqu’en 1936 et en tant que suppléant jusqu’en 1939. Président du syndicat unitaire des mineurs du Nord, il fut mandaté pour faire partie de la délégation française au Ve congrès de l’ISR à Moscou en 1930 mais ne put effectuer le voyage, son passeport lui ayant été refusé par le préfet du Nord.

Son action à la tête du syndicat des mineurs du Nord fut marquée par la volonté de concilier la revendication et l’organisation sociale parmi les mineurs. Au premier titre, il dirigea la plupart des grèves des mineurs unitaires dans le bassin du Nord et notamment le grand mouvement de 1931, quant au second, il fut administrateur de la Sécurité sociale minière dès 1923, au niveau local, avant d’accéder au conseil d’administration de la Caisse nationale autonome des mineurs dont il devint vice-président après la Seconde Guerre mondiale. A l’issue de la réunification syndicale de 1935, Henri Martel fut élu vice-président du syndicat CGT des mineurs du Nord (voir Legay Kléber) et membre de la commission administrative de l’Union départementale des syndicats du Nord ; il conserva ces fonctions jusqu’à l’éviction des militants communistes des instances dirigeantes des syndicats du Nord par la tendance Syndicats de Dumoulin et Legay, en 1939.

Bien qu’elle ait été plus longue à se dessiner, la carrière politique d’Henri Martel fut tout aussi importante que sa carrière syndicale. Dans un premier temps, il s’était confiné dans un rôle strictement local, à la tête de la section, puis cellule de Waziers et au sein du comité de la section d’arrondissement (transformée en rayon en 1924) de Douai. Mais, en 1926, après une première crise interne au PC dans le Nord, il était entré au comité régional. En 1929, selon Vassart, il entra au comité central du Parti, mais c’est l’année 1931 qui devait être déterminante pour la suite de sa carrière militante. Dans l’élan suscité par la grande grève des mineurs, il accéda en effet au conseil municipal de Waziers et au conseil d’arrondissement pour le canton de Douai-Nord. Remarqué par la direction du PC pour ses hauts faits répétés, Martel connut alors une promotion rapide ; en août 1932, en application d’une proposition de Fried , notifiée par le Comité exécutif de l’IC, il fut nommé membre suppléant du Bureau politique du PC en compagnie de trois autres syndicalistes qui s’étaient signalés par leur activité : [ Martha Desrumeaux, C. Tillon et R. Arrachard. Cette cooptation visait à renforcer les liens entre le PC et la CGTU par l’intermédiaire de militants fortement liés à la base. Martel devait siéger pendant quelques années au bureau politique ; il ne fut officiellement élu au comité central qu’en 1936.

Son rôle au niveau national fut paradoxalement assez limité. Il préféra en effet consolider l’implantation du PC dans le Nord et en particulier dans le bassin minier. Secrétaire du rayon de Douai, il fut appelé aux côtés de A. Ramette au secrétariat de la région Nord lors de la nomination de Florimond Bonte à l’Humanité en 1934, mais il ne conserva cette fonction que pendant une dizaine de mois. Le 27 juillet 1934, il fut l’un des signataires du pacte d’unité d’action, entre le Parti socialiste SFIO et le Parti communiste. Conseiller général du canton de Douai-nord depuis 1933, Henri Martel fut élu député de la 1re circonscription de Douai lors des élections de 1936 ; il l’emporta au second tour avec 13 296 voix contre 11 245 au républicain de gauche Delsant. A la Chambre, il siégea évidemment à la commission des mines et de la force motrice, déposant de nombreuses propositions de loi en faveur de ses anciens camarades de travail.

Mobilisé en septembre 1939, Henri Martel fut libéré après quelques jours en raison de sa qualité de parlementaire. Resté fidèle au PC, il fut arrêté le 8 octobre 1939 et déchu de son mandat le 20 février 1940. Condamné pour "reconstitution de ligue dissoute", le 3 avril 1940, à cinq ans de prison de 4 000 f d’amende, il fut incarcéré à la Santé, puis à l’Ile de Ré, à Tarbes, au Puy, avant d’être transféré, en mars 1941, à la prison de Maison-Carrée à Alger. Libéré en 1943 par le débarquement des troupes anglo-américaines, il se consacra à l’organisation des syndicats en Oranie avant d’être envoyé à Londres où il travailla au cabinet de François Billoux. Il fit également partie de l’Assemblée consultative d’Alger au titre de la CGT. Ses deux fils, Aimable (prénommé Henri dans le recueil Lettres des Fusillés, 1958), né en 1920, et Germinal (né en 1921, instituteur, membre du comité central des JC), avaient été fusillés par les Allemands en 1942 et 1943 pour faits de Résistance (voir J.-M. Fossier, Zone Interdite, op. cit.).

Nommé par Benoît Frachon pour reconstituer la Fédération CGT du sous-sol, avec Seyne, Duguet et Sinot, H. Martel s’occupa du Nord-Pas-de-Calais avec Calonne et Foulon. Leader incontesté du PC dans le Nord avec A. Ramette, H. Martel fut élu conseiller général puis député dans la 3e circonscription de ce département en 1945, mandat qu’il abandonna l’année suivante pour siéger au Conseil de la République. Son passage à la Constituante fut marqué par le vote de la loi de nationalisation des Houillères dont il fut l’un des signataires et le rapporteur. Il cumulait alors une impressionnante série de fonctions : maire de Sin-le-Noble, conseiller général du canton de Douai-nord (1945-1971), président du syndicat CGT des mineurs du Nord, secrétaire adjoint de la Fédération du Sous-sol. Il continua de mener de front carrière politique et carrière syndicale. Fin 1947, il fit partie du comité national de grève, mis en place par le Bureau confédéral, qui jouait le rôle de "tampon" entre la direction confédérale et le mouvement de grève. Porté au secrétariat général de la Fédération nationale du sous-sol de la CGT au début des années cinquante, il conserva cette responsabilité jusqu’en 1959, date à laquelle il reprit la direction du syndicat régional des mineurs du Nord, après avoir cédé sa place à Delfosse.

En 1977, il était président d’honneur de ce syndicat ainsi que de la FNSS. Henri Martel eut également d’importantes fonctions au sein du mouvement syndical international : déjà membre du Comité international des mineurs à l’ISR avant-guerre, il fut, en 1945, l’un des fondateurs de l’Internationale minière dont il fut membre du bureau jusqu’à la scission. En juillet 1947, il fut le président-fondateur de l’Union internationale des syndicats de Mineurs (affiliée à la FSM) dont il conduisit la destinée jusqu’en 1961, date à laquelle il demanda à être relevé de ses fonctions ; il resta cependant membre du comité administratif jusqu’en 1969. Entre-temps, il avait appartenu au Comité syndical franco-soviétique.

Réélu au CC du PC à la Libération, Henri Martel y siégea jusqu’en 1959 lorsque des ennuis de santé (début de silicose) le contraignirent à une première diminution de son activité ; il continua néanmoins de faire partie de la commission centrale de contrôle financier. Conseiller de la République de 1946 à 1951 (il assura pendant quelque temps la vice-présidence de cette assemblée), il fut élu député de la 3e circonscription du Nord en 1951 et réélu en 1956. Battu en 1958, il retrouva un siège en 1962, mais cette fois dans la 14e circonscription. Il se retira définitivement de la vie parlementaire en 1967.

Toujours maire de Sin-le-Noble en 1977, Henri Martel pouvait alors déclarer : "Je pense avoir laissé plus qu’un souvenir quand je disparaîtrai." En 1980, il fit partie du Bureau de l’Amicale des vétérans du Parti communiste.

Henri Martel était marié à Élise Wouzez, née le 11 mai 1898 à Manières.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article120445, notice MARTEL Henri par Yves Le Maner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 11 août 2012.

Par Yves Le Maner

SOURCES : Arch. Dép. Nord, M 35/8, M 37/90b, M 37/94, M 154/191 et M 154/195c. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 5304. — Arch. Jean Maitron. — Arch. J. Charles. — RGASPI, Moscou, 495 270 32, mais le dossier est vide car versé au RGANI. —L’Histoire, 28 février 1980. — J. Dandoit, Mémoire de Maîtrise, Lille III, 1973, op. cit. — St. Courtois, Thèse, op. cit. — J.-M. Fossier, op. cit. — Ch. Tillon, On chantait rouge, op. cit. — H. Jourdain, Comprendre pour agir, Éditions sociales, 1982, p. 73. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires, op. cit.La Mine et les Mineurs en 1900, dossier réalisé par le CRDP de Lille (1979) avec une interview d’Henri Martel réalisée en 1977. — Entretien avec Henri Martel. — État civil.

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