Par Rémi Skoutelsky
Né le 21 novembre 1909 à Tourtoirac (Dordogne), mort le 5 janvier 2001 à Saint-Médard-d’Excideuil (Dordogne) ; instituteur en Haute-Vienne ; militant syndicaliste du SNI ; représentant de la FEN au Conseil économique et social (1959-1968) ; militant socialiste.
Fils d’un employé à la compagnie de chemins de fer Paris-Orléans, Charles Martial ne reçut aucun sacrement religieux. Il fit ses études au cours complémentaire, puis à l’École normale d’instituteurs de Limoges (Haute-Vienne) de 1925 à 1928. Il se maria le 22 juillet 1934 à Bordeaux (Gironde) avec une institutrice. Ils eurent un fils et une fille.
De 1931 à 1934, Charles Martial exerça à Limoges, à l’école de la société immobilière où il fit la connaissance d’Henri Aigueperse, puis il enseigna dans diverses communes rurales du département (Fromental 1934-1937, Bussière-Galant 1937-1940). Il employa certaines méthodes de l’École moderne (Célestin Freinet). Pendant l’été de 1933 à 1937, il dirigea une colonie de vacances à l’île d’Oléron.
Dès sa sortie de l’école normale, il adhéra au Syndicat national (CGT), comme tous ses camarades de promotion. Plus âgé, Henri Aigueperse fut son "maître en syndicalisme". Lecteur assidu de La Révolution prolétarienne, il n’adhéra pas à la Fédération unitaire de l’enseignement. Considérant la direction départementale du SN comme dépourvue de dynamisme, il forma, en 1930, autour de sa promotion et des suivantes, un Groupe de jeunes rassemblé autour d’un journal La Jeune vague, lu par plusieurs centaines d’instituteurs, qui pratiquaient un syndicalisme de terrain. Contacté par Georges Fournial, communiste, membre du comité central des Groupes de jeunes, il refusa d’y adhérer. En 1932, constituant une liste « jeunes syndicalistes révolutionnaires », il fut élu avec deux autres camarades (sur quinze sièges) au conseil syndical de la section départementale du SN. La grève du 12 février 1934, à laquelle Charles Martial participa, provoqua la démission des dirigeants de la section, remplacés par Aigueperse, Martial et leur équipe.
Charles Martial prit en charge la commission d’action sociale au sein du conseil syndical du Syndicat national des instituteurs après la fusion de la fin de 1935. Élu en 1937 secrétaire général de la section départementale, il conserva cette fonction jusqu’en 1939. Lorsqu’en février 1938, le SNI mit en place une commission nationale des jeunes, il fut élu secrétaire de cette commission sur proposition d’André Delmas. Depuis 1937, Martial était membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT. En 1938, il participa au congrès du SNI (Montrouge — appuyant les ex-confédérés — et au congrès de la CGT ((Nantes, 14-17 novembre). Le 30 novembre 1938 , il fit grève et fut sanctionné d’une retenue de huit jours de salaire.
Charles Martial adhéra aux Jeunesses socialistes SFIO en 1928, et en devint le secrétaire fédéral en 1930. Membre de la commission administrative départementale de la SFIO, il collabora au Populaire du centre. Il prit position en faveur de l’intervention en Espagne et contre la « pause » décidée par le gouvernement du Front populaire. S’il approuva les accords de Munich, il ne fut pas, selon sa formule, un « extrémiste de la paix », et se déclara hostile à tout nouvel accord après l’Anschluss. Partisan du non-cumul des mandats politiques et syndicaux, il démissionna de la commission administrative de la SFIO de Haute-Vienne en 1937, mais resta au Parti socialiste.
Mobilisé en 1939, revenu en Limousin en 1940, il fut déplacé à Séreilhac et constamment surveillé. À la Libération, il réussit le concours d’entrée à l’École normale nationale d’apprentissage et suivit une formation d’économe. Il exerça cette profession de 1946 à 1948 dans des centres d’apprentissage de Limoges. Lors de la scission syndicale de 1948, il n’était pas membre du SNI ; gardant ses distances vis-à-vis du courant Force ouvrière, attaché à l’unité syndicale, il fut, une fois la rupture consommée, partisan de l’autonomie.
À la les rentrée 1948, Charles Martial accéda à un poste de professeur de français au cours complémentaire de Limoges, après avoir été admissible au concours de l’inspection primaire trois ans plus tôt. Revenu au SNI, il fut élu au conseil syndical et, en 1951, au conseil départemental de l’enseignement primaire de la Haute-Vienne. Il démissionna collectivement à la demande du SNI pour protester contre la politique répressive du gouvernement et sa politique antilaïque à la fin de 1953. Il fut réélu en janvier 1954 avec plus de voix qu’en 1951. Il fut délégué à tous les congrès du SNI.
En 1949, Martial fut appelé à Paris pour co-diriger SUDEL (coopérative d’édition du SNI). Il tint une rubrique régulière dans la partie pédagogique de L’Ecole libératrice sur les publications de SUDEL entre 1951 et 1954. Il y publia en 1956 avec Louis Desbordes un Recueil de 50 examens types, pour la préparation du certificat d’études primaires. Contraint de revenir à Limoges en 1951 en raison de graves problèmes de santé, il réintégra son poste. En 1957, il fut élu secrétaire général de la FEN de Haute-Vienne.
En 1959, la FEN le choisit comme son premier représentant au Conseil économique et social et y siégea jusqu’en 1968. Membre de l’équipe dirigeante de la FEN, il écrivit deux rapports pour le CES, l’un sur l’insuffisance de la recherche en France, l’autre relatif à « la loi programme sur l’équipement socio-éducatif du pays ». Il participa également à la commission du Plan. Collaborateur régulier de L’Enseignement public et de L’École libératrice dans laquelle, à partir de 1960, il tint une rubrique sous le titre général « chronique économique et sociale ».
Martial était également membre du conseil d’administration de la CASDEN-BP (banque des enseignants) et, pendant dix ans, de celui de la MRIFEN dont il fut élu vice-président en 1963. Il publia plusieurs articles dans la presse syndicale sur les compléments de retraite proposés par cette mutuelle.
Retraité, il se consacra à l’Association nationale pour le transport des élèves de l’enseignement public, dont il fut secrétaire général pendant quinze ans, tout en assurant le secrétariat du groupe de la FEN au CES. En 1973, il fonda, avec Robert Chéramy notamment, le Centre de recherche et d’études sociales, assurant jusqu’en 1986 la rédaction du mensuel du centre La Conjoncture économique, sociale et syndicale.
Charles Martial présenta plusieurs communications dans le cadre du séminaire sur l’histoire du syndicalisme enseignant organisé par le Centre fédéral FEN et le Centre de recherches d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme (Université de Paris I).
Par Rémi Skoutelsky
SOURCES : Fondation Jean Jaurès, 12 EF 87. — Charles Martial : un militant syndical au Conseil économique et social, Centre de documentation de la FEN, CHSFR-FEN (Vidéo). — Témoignage autobiographique. — Presse syndicale cité. — Renseignements fournis à Jacques Girault en 1975. — Entretien avec l’intéressé, 1989.