MARTY Jean, Prosper

Par André Balent, Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel

Né le 10 mai 1893 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 29 juin 1976 à Drancy (Seine-Saint-Denis). Médecin, frère du secrétaire du Parti communiste André Marty et de Michel Marty. Militant communiste des Pyrénées-Orientales puis socialiste d’Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise).

Le plus jeune des trois fils Marty fit ses études au collège de Perpignan puis à la faculté de Montpellier et à celle de Bordeaux, grâce aux encouragements et à l’aide financière d’André. La correspondance de ce dernier témoigne de sa sollicitude envers son cadet : ainsi en mars 1910 lui écrit-il qu’il est « assez satisfait de sa place en mathématiques » en lui rappelant que « les plus grands philosophes ont été auparavant de forts mathématiciens ». Mobilisé comme médecin, il fut réformé pour blessures de guerre, se maria en juillet 1917 à Paris (XVIIIe arr.) et put reprendre ses études de médecine.

Jean Marty adhéra à la section socialiste de Perpignan dès 1920 et, l’année suivante, signa la motion d’adhésion sans réserve à la IIIe Internationale. Le 20 novembre, il avait été, avec Jean Malterre et Sigismond Moszkowski l’un des principaux artisans de l’adhésion à l’IC de la majorité de la section socialiste de Perpignan et de la Fédération des Pyrénées-Orientales. Tout naturellement, Jean Marty siégea dès 1921 à la commission administrative de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales. En 1921-1922, Jean Marty acheva ses études de médecine à Paris et fit de fréquents séjours à Perpignan où ses talents d’orateur étaient appréciés. Il participa activement, par la plume (notamment dans le journal l’Internationale) et par la parole, à la campagne pour la libération des mutins de la mer Noire. Son nom et son contact direct avec André qu’il pouvait visiter en prison, donnaient à ses interventions dans les meetings — ainsi à celui du Pré-Saint-Gervais le 29 juillet 1922 — un poids particulier. Ses correspondances avec L.-O. Frossard et avec Cachin, ainsi que celles de son frère Michel, avaient permis préparer le première candidature d’André Marty, candidat d’amnistie aux élections municipales de Charonne le 2 octobre 1921. La correspondance de Jean Marty avec L.-O. Frossard donne le ton de discussion privées : Jean Marty lui communique une lettre de Jean Longuet à Michel Marty du 5 septembre. Celui-ci dit qu’il est nécessaire de la candidature de Marty n’ait pas un caractère sectaire et qu’il soit « le candidat commun de tous les socialistes », en rappelant que le sortant décédé, Reisz [Eugène Reisz, ouvrier métallurgiste, conseiller municipal de Charonne depuis 1912, mort le 30 juillet 1921] étant socialiste, il y quelques résistances dans les rangs du PS. La réponse de Michel est ferme : « Je ne vois nullement d’esprit sectaire dans leur [celle des communistes] manière d’agir (...) Je ne puis admettre les « résistances » dont vous parlez (...) il n’est pas pour moi un candidat politique : il est candidat de tous ceux qui luttent pour une humanité meilleure ! Et je n’ai pas à la patronner auprès de tel au tel parti. » Elle peut être soutenue par tous ceux qui sont véritablement socialistes ou même républicains ». Une lettre de Jean Marty à Cachin confirme les états d’âme d"’André au cours de l’année 1922 : « L’esprit d’André est très mauvais, je ne veux pas vous le cacher. J’ai eu toutes les peines du monde à l’empêcher de démissionner de ses mandat (...) Il a très sévèrement critiqué les communistes Garchery Jean Garchery], Dormoy [Dunois ?], Lafont Ernest Lafont]. Ce fut un véritable réquisitoire. Je me hâte d’ajouter qu’il m’a dit : « Remarque je n’envisage pas les dissidents ou autres parce qu’ils ne m’intéressent pas. » Malgré cela, je crois fort que cet état d’esprit anarchiste d’André aille empirant et je veux que vous sachiez cela. André a préparé tout un questionnaire pour le CD à sa sortie et il jugera m’a-t-il dit. » (Musée de l’histoire vivante, 81 21086, communiqué par Eric Lafon.).

En 1923, le Parti communiste présenta Jean Marty à des élections législatives partielles en Seine-Inférieure et en Seine-et-Oise.

Pour quelles raisons Jean Marty, interne à l’hôpital Saint-Jean de Perpignan, quitta-t-il le Parti communiste pendant l’année 1924 ? Lors du congrès de Paris (octobre 1922) il avait lutté avec « intransigeance » pour la Gauche qui lui paraissait « la plus proche du bolchevisme officiel » (lettre à Méric, le Courrier socialiste, 10 janvier 1925). Il resta semble-t-il proche du courant Souvarine mais il n’en fit pas état dans l’annonce de sa rupture. Avait-il gardé des liens avec la Franc-maçonnerie ? Était-il choqué de n’être invité à prendre place sur les listes communistes aux élections de mai 1924, ni en Seine-et-Oise (où son frère était tête de liste), ni dans les Pyrénées-Orientales ? Sa première lettre de démission datée du 26 mai 1924 rappelle sa participation à la campagne : « Je quitte ce Parti après avoir pris position avec ma fédération dans la bataille électorale où j’ai, avec la dernière énergie, attaqué le Bloc national et le Bloc des Gauches. » Ses motivations semblaient surtout personnelles : « Je ne pourrais rester une heure de plus dans ce Parti auquel j’ai sacrifié avec ma santé, l’avenir des miens, de ma femme, de mon enfant, de ce second bébé que j’attends. Mais en échange de ce dévouement si peu ménagé, je n’ai, hélas, pas trouvé le moindre sentiment de solidarité, force des partis révolutionnaires, et c’est plutôt rejeté de vous tous que de mon propre gré me voici isolé aujourd’hui, à jamais » (BMP, n° 69). Ses frères obtinrent qu’il revienne sur sa décision mais, le 3 décembre, il écrivit, d’Aulnay-sous-Bois, à Pierre Semard de vouloir bien le considérer « définitivement et irrévocablement comme démissionnaire du Parti communiste ».

Médecin à Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise), sa participation intermittente à la vie publique sembla dominée par le souci de se démarquer d’un frère trop connu avec lequel les relations relevaient du strict domaine privé. Dans une lettre du 6 novembre 1952, André Marty rappelait qu’il n’eut que quatre rencontres avec lui pour régler des affaires de famille entre 1924 et 1939.

En mai 1925, Jean Marty fut candidat aux élections municipales d’Aulnay sur une liste socialiste-communiste et fut battu avec 17 % des suffrages exprimés au premier tour puis 24 % au second. Il se tint ensuite momentanément à l’écart de la politique mais devint avec brio un des animateurs de la vie culturelle locale et directeur du bureau municipal d’hygiène. De nouveau candidat « indépendant de gauche » aux élections municipales de 1935, il prit au second tour la tête d’une liste de « défense républicaine » pour faire barrage aux communistes. En vain, car la liste communiste de Nilès remporta la majorité des sièges. Alors que sa propre liste avait cinq élus, Jean Marty arriva lui-même parmi les derniers et fut largement battu. Les élections ayant été annulées, notamment sur sa demande, il ne se représenta pas en 1936 et la liste communiste fut élue en entier.

Jean Marty se trouvait en Algérie en 1941. Il participa au groupe clandestin « Combat-Empire » dont il animait l’action en Kabylie. En 1943, il fut placé à la tête des services d’hygiène scolaire du CFLN dont il était aussi orateur-propagandiste en Algérie et en Tunisie.

Rentré en France en novembre 1944, il reprit bientôt son cabinet d’Aulnay puis fut nommé conseiller technique au ministère de l’Éducation nationale.

Il fut finalement élu conseiller municipal d’Aulnay sur la liste du maire socialiste sortant, Herbaut, en 1959.

Franc-maçon, Jean Marty avait sans doute été initié à Perpignan comme son frère André. Il fréquenta dès 1925 une loge de la région parisienne (La Renaissance, Grand Orient), eut des responsabilités en 1933 et fut vénérable de la loge d’Aulnay de 1950 à 1952. Ses responsabilités maçonniques furent utilisées pour accabler son frère lors de « l’affaire Marty ». La commission d’enquête interrogea longuement André Marty, le 31 octobre 1952, sur ses relations avec son frère et avec la franc-maçonnerie (Jean Marty aurait participé à un banquet avec le préfet Baylot) pour étayer la campagne sur le frère d’André Marty, un franc-maçon qui « a des liaisons avec des milieux policiers » (l’Humanité, 12 novembre 1952). « Il sait bien nager, il n’a pas besoin de moi » répondait André Marty aux accusations d’interventions en faveur de la carrière de son frère.

Tout en prenant soin de ne pas le rencontrer, c’est chez Jean qu’André Marty trouva de l’aide pour entreposer ses meubles et se faire aider pour la recherche d’un logements dans les Pyrénénes-Orientales.

Jean Marty était chevalier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article120750, notice MARTY Jean, Prosper par André Balent, Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par André Balent, Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel

SOURCES : Arch. Nat. F7/12948, 13021, 13165. — Arch. André Marty. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 29/8 et 30/14, 1 W 398. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, série M, non classée (versements 1956 et 1959) — Arch. Dép. Var, 4 M 45. — Arch. Com. Aulnay-sous-Bois. — Arch. Grand Orient. — Bibliothèque marxiste de Paris, microfilm n° 69. — Arch. comité national du PCF, dossiers « Affaire Marty ». — Le Cri catalan, 1920-1921. — Le Courrier socialiste, 10 janvier 1925 (publication de deux lettres de Jean Marty). — L’Humanité, 16 juin 1923. — Le congrès de Tours, édition critique, op. cit. — A. Balent et M. Cadé, Histoire du Parti socialiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation (1895) au congrès de Tours (1920), numéro hors série de Conflent, Prades, 1982. — M. Cadé, Le Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation à sa dissolution (1920-1939), Thèse, Toulouse, 1984. — A. Rosarde, Historique du Parti communiste jusqu’en mars 1925, manuscrit inédit. — État civil. — Notes de Jacques Girault et Jean Maitron.

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