MARTY Michel

Par André Balent, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 28 mars 1890 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 15 novembre 1943 à l’hôpital Laënnec (Paris VIIe arr.) ; frère d’André Marty et Jean Marty  ; militant communiste des Pyrénées-Orientales puis de la région parisienne.

Deuxième fils de la famille Marty, Michel souffrait depuis son enfance d’un handicap physique (paralysie infantile) et d’une grave difficulté d’élocution accentuée après une nouvelle attaque de paralysie en 1922. Il aida son père de 1905 à 1917 comme cuisinier et maître d’hôtel et reprit, sans succès, la gérance de l’hôtel Régina après la mort du père. Sa maladie l’exempta du service militaire en 1910 mais il fut affecté en 1917 dans le service auxiliaire sur la côte méditerranéenne. Intelligent et volontaire, il acquit une certaine instruction mais ses études secondaires furent interrompues à l’âge de dix-neuf ans. Il avait une certaine connaissance des langues étrangères : allemand, anglais, espagnol mais il ne pouvait s’exprimer correctement. Il affirmait avoir lu tous les livres de Lénine édités en français jusque 1932 et même 8 tomes du Capital de Marx qu’il reconnaissait n’avoir pas vraiment assimilé.

Jusque 1919 il ne connaissait rien, disait-il, de la vie politique. Mais quand son frère André fut emprisonné il adhéra au comité de défense des marins.

Fut-il un temps secrétaire du groupe anarchiste de Perpignan comme l’affirme le militant libertaire A. Cané  ? Celui-ci l’ayant bien connu à l’époque du comité de défense des marins, l’information peut être prise en compte. Notons seulement qu’elle n’est pas confirmée par d’autres sources. Au cours de l’année 1920, Michel et son frère Jean adhérèrent à la section socialiste de Perpignan. Il était présent, le 20 novembre 1920, à la réunion qui se prononça pour l’adhésion à la IIIe Internationale. Toutefois il n’adhéra pas au parti communiste immédiatement après le congrès de Tours (décembre 1920), bien que collaborateur du journal communiste Le Socialiste des Pyrénées-Orientales qui disparut en août 1921 et fut remplacé par L’Ordre communiste, hebdomadaire interfédéral publié à Toulouse.

Il adhéra au parti à Perpignan en 1923 et fut l’animateur et l’organisateur de la campagne pour la libération des marins de la Mer Noire emprisonnés, « à un rythme des brigades de choc bolcheviks » (autobiographie). Son rôle dépassa largement le département comme en témoigne sa place, le 10 juillet 1920, à la présidence du meeting organisé salle Wagram à Paris par le comité de défense des marins de la Mer Noire. Par son intermédiaire, André Marty communiquait avec l’extérieur, mais, le 6 octobre 1920, la police le surprit en chemin de fer, entre Montpellier et Nîmes, porteur d’une importante liasse de lettres et de documents de la main du prisonnier. Son état de santé incita la justice à le mettre en liberté provisoire dès le lendemain. De juillet 1921 à juillet 1923, il se dépensa sans compter, multipliant les contacts avec les radicaux, les socialistes, les francs-maçons. Ce fut après la libération de son frère en juillet qu’il s’affirma comme un militant communiste de premier plan. En 1924, le Bulletin communiste publia plusieurs articles marqués par un ton dur et même sectaire. Compensant des difficultés oratoires par un zèle et une volonté qui imposaient le respect aux militants, il parcourut pendant un an le département, multiplia les réunions, dynamisa et créa des organisations communistes. Son départ, fin mars 1924, fut ressenti comme une perte par la Fédération.

Michel Marty passa un an à Cormeilles-en-Parisis où habitait André, puis une autre année chez Jean à Aulnay-sous-Bois, avant de venir loger, en décembre 1927, à la coopérative « Le Progrès » à Aubervilliers. Il aurait travaillé un temps comme maître d’hôtel. Michel Marty passa ensuite trois ans à Moscou (1930-1933) puis à son retour, en avril 1933, il habita chez son frère André dans le XXe arr. et enfin dans un hôtel du XVe arr.

D’abord membre de la cellule de Citroën, il milita ensuite de 1927 à 1930 à celle de l’usine à gaz de la Villette. Il était membre du Bureau du 1er rayon de la Région parisienne (Ier , IIe , Xe et XIXe arr.) et affecté à deux reprises à l’agit-prop. centrale, chargé du contrôle de la presse du parti de province, de la rédaction du Bulletin de la presse et du contrôle des journaux d’usine. Ce fut d’ailleurs son thème d’intervention, le 21 octobre 1925 à la Conférence nationale d’Ivry. Pendant l’année 1926, il traduisit des textes de l’allemand (Les marins allemands révolutionnaires en 1917, préface de André Marty, 1926, 46 p.), multiplia les articles dans le Bulletin hebdomadaire de la presse communiste et publia la brochure Fraternisation, sous-titrée : « Esquisse historique de la tradition du prolétariat français." Les 11 et 19 février 1926, il intervint dans la tribune de discussion ouverte dans l’Humanité en vue du prochain congrès national du parti. Sa contribution portait sur « les limites du front unique" qui "ne peut pas être l’unité politique avec la social-démocratie ». Il estimait que « le plus grave péril pour le parti n’est pas à gauche, mais il est à droite ». Le secrétariat lui répliqua aussitôt : « N’en déplaise à Michel Marty, on ne combat pas l’opportunisme par le gauchisme, mais on combat l’une et l’autre de ces déviations également désastreuses pour le prolétariat. » Il protesta dans l’Humanité du 7 juin 1926 contre la qualification de « gauchiste » qui lui avait été plusieurs fois décochée au cours d’une conférence de la Région parisienne. Quelques jours plus tard, il intervint au Ve congrès du parti tenu à Lille du 20 au 26 juin et se prononça en faveur du rapport moral et de l’action menée contre la guerre du Maroc ; il critiqua la lettre dite des 250 adressée le 25 octobre 1925 au comité exécutif de l’IC, lettre très sévère à l’égard de la politique menée par la direction du Parti communiste et s’affirma « contre la représentation des tendances dans les organismes dirigeants du parti » et en faveur des directions homogènes en « respectant toutefois la liberté d’expression de l’opposition dans tous les organismes du parti » (compte rendu, p. 129).

Dans son autobiographie de 1932, Michel Marty insistait sur sa fidélité à la ligne de l’Internationale communiste et son combat incessant contre les « déviations ». Il indiquait en particulier qu’en février 1924, au congrès de la Fédération des Pyrénées orientales il intervint contre la motion du comité directeur du parti trop conciliante avec l’opposition trotskyste. Il s’éleva avec virulence contre les déviations « de droite » de Loriot, Delfosse, Gayman, des centristes Bunet, Morin. Il prétendait que seul, en 1926, il réclama une campagne contre Poincaré représentant de « la dictature du gros capitalisme » et dénonça les accords circonstanciels avec le bloc bourgeois lors des élections sénatoriales de la Seine en 1927 ; dans les Cahiers du Bolchévisme du 31 mai 1927 il se prononça pour une critique implacable et « prolétarienne » des chefs socialistes. Il défendit la tactique « classe contre classe » contre « Loriot et les gauchistes de Suzanne Girault ». Il critiquait (avec le 1er rayon) systématiquement l’Humanité et le « libéralisme pourri » à l’égard des élus municipaux qu’il fallait chasser et du groupe parlementaire qui doit être dirigé et contrôlé par le Bureau politique. S’affirmant contre Treint en décembre 1927 il écrivit : « Hors de l’IC point de salut pour un révolutionnaire marxiste... Vive la discipline et l’unité du parti bolchevik mondial !" Il dénonça l’idéologie de "La Révolution prolétarienne », en particulier de Louzon dans les Alpes-Maritimes. Dans ce même département il réussit à battre en 1931, « grâce au fonctionnement régulier de la fraction » le secrétaire Gioffret de la Fédération unitaire de l’Enseignement laquelle revint à la majorité confédérale communiste.

Membre du bureau du 1er rayon et du comité de la Région parisienne, Michel Marty apporta sa « Contribution au redressement du parti » dans les Cahiers du bolchevisme d’août 1928 en insistant sur le fonctionnement des cellules. En janvier-février 1929, il reprit les attaques lancées deux années plus tôt contre les chefs socialistes mais en étendant ses critiques aux chefs socialistes de gauche, estimant que « la démagogie du socialisme de gauche est la plus dangereuse ». Son intervention au congrès de Saint-Denis (avril 1929) fut consacrée à dénoncer les « courants opportunistes dans les fractions syndicales » (l’Humanité, 4 avril 1929).

Michel Marty encourut pour ses écrits plusieurs condamnations. C’est ainsi qu’en septembre 1925, il fut inculpé et condamné, par défaut, à huit mois de prison et 1 000 F d’amende pour incitation de militaires à la désobéissance dans un article publié par l’Humanité du 2 février sous le titre « A bas la guerre du Maroc ». Le 27 avril 1929, il fut une nouvelle fois condamné par la même chambre à huit jours de prison et 500 F d’amende pour le même motif (article paru dans l’Humanité du 2 juin), jugement confirmé en appel le 30 août.

Recherché en raison de ces condamnations il passa dans l’illégalité. D’abord trois mois en Seine-et-Oise pour contrôler la presse, il se rendit par la suite dans les Alpes-Maritimes. Il tint des réunions à Valauris puis, après avoir été verbalisé, il alla dans le bassin minier du Gard en 1930-31. Il y créa une cellule de jeunes mineurs qui permit l’élection d’un délégué unitaire et participa à l’organisation des chômeurs et à des manifestations de rues. Il se félicita qu’en mars 1931, au 11e Plenum du CE du Komintern, son rapport d’activité ait été cité par Piatnitski. De retour dans les Alpes-Maritimes, il aida à la création de cellules des traminots et des cheminots.

Recherché en raison de ces condamnations, il procéda à de fréquents déplacements en province et se réfugia finalement à Moscou dans les premiers mois de 1930. Il fut employé au bureau international de documentation dépendant du Komintern, où furent utilisées ses connaissances des langues étrangères : allemand, anglais, espagnol. Il fit un séjour dans un sanatorium où Marcel Cachin lui rendit visite le 29 décembre 1932.

Rentré le 3 avril 1933 à Paris, sa peine ayant été suspendue du fait de la discussion en cours d’un projet de loi d’amnistie, il fut affecté comme permanent à la section centrale d’agit-prop du parti. Le même mois il participa activement à la grève des ouvriers des usines Citroën et fut appréhendé le 24, alors qu’il haranguait les grévistes, rue Balard dans le XVe arr. Il fit une tournée de propagande dans le Var en mars 1935 et laissa le souvenir d’un homme très malade. Sa mise à l’écart de la section de l’agit-prop puis son échec à la direction du rayon du XVe arr., dont il démissionna en mai 1935, l’affectèrent. Il semble que Michel Marty ne se soit pas adapté au tournant de 1935.

On manque d’information sur les années qui suivirent. Sa santé de plus en plus défaillante l’avait peut-être tenu à l’écart des responsabilités. Le 31 août 1939, il fut arrêté dans les jardins du Champ-de-Mars alors qu’il vendait une brochure intitulée Lénine. Conduit au commissariat du Gros-Caillou dans le VIIe arr. pour distribution de tracts communistes sur la voie publique, il fut condamné à trois mois de prison et 50 F d’amende. Le 22 mars 1940, il fut appréhendé dans les couloirs du Palais de justice puis relâché le lendemain en raison de son état de santé. Il parlait difficilement et marchait péniblement. Hospitalisé à l’hôpital Laënnec, à Paris (VIIe arr.), Michel Marty mourut le 15 novembre 1943 et fut enterré à Bagneux (Seine). Son corps fut exhumé, en novembre 1947, pour être enseveli dans le caveau familial de Perpignan. Sur sa tombe on peut lire : « Mort à Paris victime de l’occupation fasciste allemande » et le faire-part précise qu’il était décédé dans sa cinquante-troisième année « à la suite du double emprisonnement subi sous l’occupation allemande ».

Les rapports de police comme certains militants ont parfois eu des jugements durs sur ce militant desservi par son handicap, son humilité et sa tenue négligée. Mais ceux qui l’avaient bien connu dans les années vingt n’oubliaient pas sa vivacité d’esprit et sa volonté. Les années passant, très malade, il en vint à reprendre sans nuance et avec sectarisme certains thèmes ouvriéristes, jusqu’à provoquer un phénomène de rejet chez les militants parisiens.

Son autobiographie du 29 janvier 1932 fait apparaître, outre son ouvriérisme, un souci quasi maladif de condamner les déviations... surtout si elles sont droitières. Par ailleurs on y trouve une certaine autosatisfaction : n’affirme-t-il pas, en conclusion, que son rapport ne marque que les côtés positifs, la vérification de ses faiblesses pouvant se faire... « en consultant les collections de l’Huma et des Cahiers du Bolchevisme ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article120758, notice MARTY Michel par André Balent, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 1er décembre 2019.

Par André Balent, Jean Maitron, Claude Pennetier

ŒUVRE : Fraternisation, Librairie de l’Humanité,1925, 48 p.

SOURCES : Arch. Jean Maitron (fiche Batal). — Arch. Nat. F7/13090, 13091, 13119, 13131, 13164, 13165. — Arch. Dép. Var, 4 M 46, 3 Z 4 29. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versements de 1956 et 1959. — Bibliothèque marxiste de Paris, microfilm 88, 96, 151, 165, 166, 167, 189, 193, 221, 270, 279, 282. — Le Cri catalan, 1920-1921. — A. Balent et M. Cadé, Histoire du Parti socialiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation (1895) au congrès de Tours (1920), numéro hors-série de Conflent, Prades, 1982. — M. Cadé, Le Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation à sa dissolution (1920-1939), Thèse, Toulouse, 1984. — A. Cané, Contre-Courant, 29 mars 1953 et 10 mars 1954. — État civil. — Notes de Jacques Girault. — Témoignages recueillis par André Balent et Michel Cadé. — Archives RGASPI, Moscou, 495 270 665.

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