MARZORATI Jean-Jacques

Par Michel Rosier

Né le 30 mars 1918 à Boghari (Algérie), mort le 8 juin 2009 à Paris ; avocat ; conseiller municipal du Mans (Sarthe) ; secrétaire de la fédération socialiste SFIO de la Sarthe et membre du comité directeur du Parti socialiste SFIO.

Jean-Jacques Marzoratti naquit à Boghari (Algérie) d’un père belge, chercheur en médecine tropicale, qui mourut en 1919, sa mère, née en Algérie, devenant mancelle après son remariage avec Jacques Michon, veuf, bientôt ingénieur à la Compagnie Électrique Maine - Anjou. Élève au Mans du lycée Montesquieu, Jean-Jacques Marzorati militait dès 1934 aux Jeunesses socialistes sur le plan local, également national et même international.

Il fut mobilisé en mai 1940 pour la courte bataille de France et obtient la Croix de guerre. Démobilisé, Il épousait en 1941 Annie Bouvier, petite-fille du député de la Sarthe Pierre Ajam et fille d’un avocat manceau. Ils devaient avoir cinq enfants. Deux d’entre eux, François et Hélène, devaient militer au PS dans la Sarthe dans les années 1970.

Présent dans la Résistance avec d’autres socialistes sarthois, Jean-Jacques Marzoratti entra au Comité départemental de Libération où il représentait les professions libérales. Il était devenu un avocat manceau aussi actif que talentueux. Délégué à la propagande, il était alors l’un des principaux orateurs de la fédération sarthoise du Parti socialiste SFIO. Au congrès national de son Parti, en août 1945, il fut chargé de défendre l’unité organique avec le Parti communiste. Très minoritaire sur cette thèse, homme de conciliation animé par le patriotisme de parti, il se rangea finalement à l’argumentation de Jules Moch, ce que lui reprochèrent les militants sarthois.

Jean-Jacques Marzoratti fut élu en juin 1948 secrétaire de la fédération de la Sarthe. Candidat aux élections cantonales (1949 et 1955) et municipales (1953), il fut conseiller municipal du Mans. Ce fut l’époque la plus active de sa vie politique : il était délégué des Nations Unies pour la Sarthe, fondateur et responsable local du Mouvement européen dont il se montra un prosélyte convaincu et entreprenant. Son ardeur européenne lui valait d’être élu membre du Comité directeur du Parti socialiste en 1954, en pleine bataille de la CED. Il le resta jusqu’en 1963, fidèle du patron national du Parti, Guy Mollet. Pendant ces années de la Troisième Force puis du passage de la SFIO à l’opposition, il s’employa à limiter la régression de l’influence militante d’un Parti dont il défendit avec conviction la politique majoritairement favorable à la CED.

Actif dans la lutte contre le mouvement Dorgères alors vigoureux dans la Sarthe – il était l’avocat de la Mutualité Sociale Agricole – cet anticommuniste tranquille était capable de dialoguer avec le concurrent de l’extrême-gauche alors en pleine croissance locale. Aux élections cantonales de 1955, son désistement permit au Mans la défaite du maire gaulliste Chapalain, ancien de la SFIO, et surtout la première élection du communiste Robert Manceau au conseil général. Ce choix valut à Marzorati la vive hostilité de la droite mancelle.

En septembre 1956, à la suite d’un différend professionnel exploité contre lui par des confrères du barreau du Mans, il quitta brutalement la Sarthe, remplacé par Robert Collet à la tête de la fédération socialiste. Il partagea son activité parisienne entre des missions nationales et internationales pour le PS et l’écriture d’articles pour « Le Populaire », le journal du Parti où il fut accueilli par Guy Mollet. Il travailla au côté de Georges Brutelle, le secrétaire général adjoint du PS SFIO et noua une amitié durable avec Claude Fuzier.

Lors des élections législatives de 1958, il fut candidat de son Parti dans l’Oise, face à Robert Hersant.

Puis, nouveau virage, Il devenait, dans les années soixante, conseiller juridique de la jeune République algérienne, collaborant avec le ministre Ahmed Boumendjel. Plus tard, il devait assurer une fonction identique en France dans le vaste domaine de la propriété forestière.

Jean-Jacques Marzorati avait présidé de 1946 à 1948 l’Amicale des anciens élèves du lycée Montesquieu du Mans ; militant actif des Foyers ruraux dans le sud-est de la Sarthe, il fut en 1953-1954 le président entreprenant du Comité départemental d’aide aux sinistrés. Il appartenait de 1950 à 1957 à la loge mancelle du Grand Orient de France « Les Amis du progrès ».

Sa personnalité, foisonnante et décalée, tolérante et généreuse, en un sens peu sarthoise, en faisait un citoyen du monde, socialiste de l’universel, internationaliste pour deux, idéologue plus que praticien, dans la fidélité au dernier Léon Blum, celui de l’après 1945. L’homme aimait la vie. Il constituait un mélange subtil et détonnant de dilettantisme et d’esthétisme. Son style oratoire devait tout à sa pratique d’avocat : il plaidait. Peut-être faut-il voir, dans la disparition prématurée du père, la cause de sa disponibilité à toutes les sollicitations, facilitée par un redoutable entregent ? Cette attitude paraît résumée par le rôle positif et apprécié de Marzorati lors des festivités du 700e anniversaire de la consécration de la cathédrale Saint-Julien du Mans, en mai 1954. Désigné par le maire gaulliste du Mans dans l’idée de le compromettre auprès de la gauche laïque, « Marzo » devait présider les séances de travail du comité d’organisation et prendre en charge la représentation théâtrale du « Mystère de la Passion » joué par les Théophiliens de Paris, donnant « une fois de plus, la mesure de sa largeur de vue et de ses qualités d’organisateur » (Le Maine Libre, édition spéciale du dimanche 16 mai 1954). Le franc-maçon nouait à cette occasion une relation durable avec le vicaire général du Diocèse, Mgr Julien Gouet.

Le 12 juin 2009, à ses obsèques au cimetière du Père-Lachaise, la triple référence à la franc-maçonnerie, au catholicisme et au socialisme illustrait la tolérance et l’œcuménisme qui le caractérisaient.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article120801, notice MARZORATI Jean-Jacques par Michel Rosier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 14 août 2012.

Par Michel Rosier

SOURCES : Archives OURS. — Archives Départementales de la Sarthe. — Archives de la fédération socialiste de la Sarthe, archives de la loge « Les Amis du Progrès », entretiens avec Jean-Jacques Marzorati par Frédéric Cépède et Michel Rosier (1983, 1997, 2002, 2005), ouvrage de Joseph Estevès « 200 figures de la Résistance et de la Déportation en Sarthe » (Le Mans, 2009).

fiches auteur-e-s
Version imprimable