Par Jacques Girault
Né le 9 mars 1892 à Toulon (Var) ; mort le 5 juin 1968 à Collobrières (Var) ; instituteur ; militant syndicaliste ; militant socialiste ; conseiller d’arrondissement du canton de Collobrières (1928-1943) ; maire de Collobrières (1953-1965).
Fils d’un ouvrier charron et d’une cuisinière, Victor Mathieu se maria en septembre 1921 à Toulon (Var). Instituteur au Muy, puis à Collobrières, directeur d’école à La Garde (1938-1941), il termina sa carrière comme directeur de l’école de Collobrières.
L’activité militante de Mathieu, membre du Parti socialiste SFIO (d’après une lettre à la direction du Parti en octobre 1945), s’exerça dans un premier temps dans le syndicalisme enseignant. Membre de l’Amicale, membre du conseil syndical du syndicat de l’enseignement laïc en mars 1920, il devint délégué à la propagande de l’Union générale, section départementale du Syndicat national en 1925. Membre du conseil syndical, responsable de la défense laïque à partir de 1928, il prit souvent la défense de la politique des députés socialistes SFIO en matière d’enseignement et polémiqua dans les réunions sur ces questions avec les partisans d’une plus grande indépendance syndicale (Florentin Alziary et Joseph Pascal notamment). Il écrivit, avant le congrès national de 1931, un long article dans le bulletin syndical sur « Le cinquantenaire de l’école laïque » (avril 1931). Ayant défendu le blâme au lieu de l’exclusion des syndiqués ayant participé à l’organisation des examens malgré les consignes de grève, délégué au congrès national de 1931, il y préconisa le principe de l’adhésion unique au Syndicat national (CGT) contre ceux qui pratiquaient la double affiliation (Syndicat national et syndicat unitaire). Il vota dans la suite du congrès différemment de l’autre délégué, Alziary. En 1932, lors de l’assemblée générale, il s’opposa aux militants les plus pacifistes reprenant les analyses socialistes en matière de désarmement. Toujours secrétaire de la commission de défense et d’action laïque, il devint secrétaire général intérimaire en octobre-novembre 1933. Lors des réunions du conseil syndical et de l’assemblée générale qui suivit, le 18 octobre 1934, s’engagea une vive discussion sur le cumul des responsabilités politiques et syndicales. Mathieu se solidarisa avec le secrétaire Joseph Villevieille et, battu, abandonna ses responsabilités syndicales.
Mathieu militait aussi au sein de la Ligue des droits de l’Homme. Le congrès de la Fédération du Var le désigna, le 22 février 1920, comme secrétaire fédéral adjoint. Il prit part aux attaques socialistes contre le secrétaire Edmond Barbarroux et devint secrétaire fédéral lors du congrès de Draguignan, le 25 février 1923 ; il conserva ces responsabilités jusqu’au Front populaire et participa à plusieurs congrès nationaux, parfois rapporteur ou président de commissions. Après la guerre, en juillet 1947, il fut désigné par le congrès national de Clermont-Ferrand comme membre du comité central. Libre penseur, Mathieu appartenait à la loge « La Réunion » du Grand Orient de France (30e).
Son action politique occupait aussi une grande place. Membre de la commission exécutive du comité général varois pour l’élection rouge aux élections législatives de 1924, président du comité de Collobrières, Mathieu assurait le secrétariat de la section socialiste SFIO locale depuis cette époque. Il participait régulièrement aux congrès fédéraux et intervenait souvent dans un sens favorable aux analyses de Pierre Renaudel. Il devint très vite un des responsables fédéraux : commission des conflits à partir de 1928, commission de vérification des mandats lors des congrès, comité fédéral à partir de 1929. Lors des intenses discussions de 1933, il prit souvent le parti de Renaudel. Un des six membres chargés de la commission provisoire de la Fédération socialiste varoise (Le Petit Var, 13 novembre 1933), il signa, trois jours plus tard, l’appel aux socialistes demandant de suivre les élus et Renaudel. Aussi, lors du premier congrès fédéral du Parti socialiste de France, était-il désigné au comité fédéral. Il devait revenir au Parti socialiste SFIO trois ans plus tard et représenta la section socialiste SFIO de Collobrières au congrès fédéral en mai 1938 qui l’élut à la commission de discipline.
Son assise locale se renforçait. Président du cercle de l’Avenir social qui se confondait avec la section socialiste, Mathieu dirigeait, depuis sa création en 1929, le syndicat agricole des propriétaires de Collobrières destiné à la défense contre les déprédations commises dans la forêt par les personnes ramassant les débris de liège. Lors des élections législatives de 1928 et de 1932, il joua un rôle particulièrement actif dans la campagne du candidat socialiste SFIO, Léon Chommeton. Il présida même le congrès de la troisième circonscription de Toulon, le 13 décembre 1931, qui discuta de l’organisation de la campagne électorale.
Aussi, candidat socialiste SFIO au conseil d’arrondissement dans le canton de Collobrières, fut-il élu sans adversaire, le 14 octobre 1928, avec 300 voix sur 1 116 inscrits. Étant le plus jeune élu, il devint secrétaire du conseil, puis le présida au début des années 1930. Avec l’étiquette PSDF, il fut réélu, contre un seul adversaire communiste, soutenu par la SFIO, le 7 octobre 1934, avec 477 voix sur 1 281 inscrits. Revenu au Parti socialiste SFIO, il affronta le conseiller général sortant, l’ancien député socialiste Chommeton, devenu USR Le 10 octobre 1937, Mathieu n’obtint que 264 voix sur 1 299 inscrits. Vice-président du conseil d’arrondissement depuis 1937, il en fut déclaré démissionnaire d’office le 6 mai 1943. Il écrivit à la direction du Parti en octobre 1946 avoir été démissionné d’office en octobre 1940.
Ses multiples responsabilités politiques, ligueuses et maçonniques en faisaient un des hommes-clefs du département. Son rôle fut important lors de l’élection sénatoriale d’octobre 1935 où il assura l’homogénéité du vote de ses amis francs-maçons en faveur des trois élus, eux-mêmes francs-maçons, le radical-socialiste René Renoult, le socialiste PSDF Gustave Fourment et le socialiste SFIO Henry Sénès. Après la guerre, il continua cette action auprès des grands électeurs francs-maçons.
Devenu directeur d’école à La Garde en 1938, Mathieu, dans les discussions entre socialistes SFIO se rangea derrière les analyses de Paul Faure, reprises dans le Var par Jacques Toesca. Violemment attaqué par L’Émancipation nationale, le 15 et le 22 décembre 1940, critiqué par la section locale de la Légion des combattants français, dénoncé comme officier de loge dans la presse, contesté par le nouveau maire de La Garde nommé par le gouvernement, il ne fut pas révoqué. Le Petit Var, le 14 juillet 1941, rapporta les termes de son allocution lors de la cérémonie de prestation du serment de la Légion. Évoquant le drapeau français, les grands héros de l’histoire, il recommandait aux enfants de réaliser « la devise que le maréchal Pétain souhaite voir adopter pour notre pays : Travail, Famille, Patrie » et concluait par un appel à l’union autour du maréchal. Mais à la rentrée de 1941, il ne reprit pas son poste. Avait-il démissionné volontairement ou avait-il été démissionné d’office de son poste comme un rapport, à la Libération, l’affirma ? Selon un rapport des Renseignements généraux du 15 novembre 1941, il aurait été relevé de ses fonctions. Retiré dans sa propriété de Collobrières, selon le même rapport, pendant la guerre, il avait « subi les vexations allemandes pour avoir recueilli des réfractaires et assuré la diffusion des journaux de la résistance ».
Ayant repris son poste de directeur d’école à Collobrières, il continua à jouer un rôle local. Membre du comité local de Libération, le 20 août 1944, il participa au comité chargé d’administrer la commune en tant que délégation municipale. Elu conseiller municipal (373 voix sur 589 votants) sur la liste socialiste SFIO, il fut membre des commissions du ravitaillement et de l’Instruction publique). Quand le comité fédéral socialiste SFIO se réunit, le 4 décembre 1944, pour examiner s’il fallait maintenir au Parti les élus, son cas fut « réservé ». Mathieu fut réintégré peu après. Secrétaire de la section socialiste SFIO de Collobrières, président du cercle de l’Avenir social, il se présenta aux élections municipales sur la liste socialiste, le 19 octobre 1947 (non élu avec 212 voix sur 535 votants). Retraité, candidat sur la liste "d’union républicaine socialiste et d’intérêt local", le 26 avril 1953, élu avec 292 voix sur 588 votant, il devint maire avec 7 voix contre 6 à son concurrent. Réélu conseiller municipal au deuxième tour, en mars 1959 (288 voix sur 554 votants, puis 305 sur 581 votants), il conserva son poste de maire avec une voix de majorité. Il cessa de participer aux réunions du conseil en mars 1964 et ne se représenta pas en 1965.
Mathieu, toutefois, entra en conflit avec la Fédération socialiste SFIO. Quand le comité fédéral socialiste SFIO se réunit, le 4 décembre 1944, pour examiner s’il fallait maintenir au Parti les élus, son cas fut « réservé ». Il fut réintégré peu après. Secrétaire de la section socialiste SFIO de Collobrières depuis 1945, président du cercle de l’Avenir social, membre du comité de la fédération socialiste SFIO, il présidait la commission des conflits. Désigné, le 28 janvier 1945, par les délégués des sections du canton pour être candidat au conseil général, il ne reçut pas l’appui de la Fédération, qui soutint le maire du Lavandou, Marius Dorie. Devant cette situation où la Fédération lui préférait un adhérent récent au Parti, il maintint sa candidature comme « socialiste indépendant ». Après avoir obtenu 604 voix au premier tour, il fut battu, le 30 septembre 1945, avec 1 011 voix sur 2 919 inscrits. Mathieu, lors du congrès fédéral, le 3 octobre 1946, fut accusé d’« indiscipline grave » et fut exclu. Il décida alors de rompre avec le parti, tant qu’il ne serait pas réintégré. Ce qui ne tarda pas à arriver puisque la commission nationale des conflits du Parti lui donna un avertissement après qu’il eut fait appel.
Redevenu membre du comité fédéral dans les années 1950, Mathieu ne se prononça pas dans le débat, en 1955, concernant l’accord entre socialistes et communistes toulonnais (voir Edouard Le Bellegou), demandant le renvoi du litige devant la commission nationale des conflits, ce qui revenait à approuver l’accord passé avec les communistes toulonnais. Il devint, après le congrès fédéral de Toulon, le 26 juin 1955, membre de la commission fédérale des conflits.
Son épouse, née Marie, Joséphine, Albine, Andrée Girard, siégea au conseil municipal de Collobrières d’avril 1945 à octobre 1947, élue sur la liste socialiste SFIO avec 373 voix sur 580 votants, membre des commissions du ravitaillement et de l’Instruction publique.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat. F7/13085. — Arch. Dép. Var, 2 M 5 294, 6 25, 4 M 44, 45, 46, 50, 14 M 72, 18 M 90, 92, 3 Z 2 10, 4 6, 14, 20, 3 Z 20 2. — Arch. Com. Collobrières. — Arch. OURS, fédération du Var. — Arch. Jean Charlot (Centre d’histoire sociale du XXeme siècle). — Arch. privées : Florentin Alziary, Pierre Fraysse. — Presse nationale et locale. — Sources orales. — Notes de Jean-Marie Guillon.