Par André Balent
Né le 29 septembre 1913 à Paimbœuf (Loire-Inférieure), mort le 16 août 2002 à Céret (Pyrénées-Orientales) ; instituteur puis professeur d’enseignement général des collèges (PEGC) ; militant socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales (1932-1940 ; résistant ; militant du PCF à Céret (1943-1983) ; adjoint au maire de Céret (1965-1983).
Fils d’un percepteur qui fut tué en 1915, Pierre Mau, adopté par la Nation en septembre 1918, fit sa scolarité primaire à Céret puis fréquenta le cours complémentaire. Après avoir obtenu le brevet élémentaire, il entra en 1930 à l’École normale de Perpignan. En 1932, il participa avec d’autres élèves des Écoles normales de Perpignan à la fondation du groupe des Étudiants socialistes. En 1933, il fut nommé à Taillet (Pyrénées-Orientales) puis, après le service militaire, à Calmeilles de 1935 à 1938 et à Elne.
Pierre Mau fit son service militaire au 28e régiment du génie en garnison à Montpellier (Hérault). Appelé le 20 octobre 1934, il fut libéré de ses obligations militaires le 12 octobre 1935. Le 11 février 1938, la commission de réforme de Montpellier prononça son maintien en activité en dépit d’une tachycardie permanente avec palpitations. Son état physique était en effet satisfaisant. Il assuma parfaitement les rigueurs de la vie en plein air et les longues marches dans les montagnes du Vallespir lorsque au printemps et été 1944, il oeuvra à la constitution du "maquis 44 ’’ et à sa logistique.
À sa sortie de l’École normale, Pierre Mau avait adhéré au Parti socialiste SFIO et au Syndicat national des instituteurs. Il collabora au Cri cérétan, « journal d’union des gauches ». Bien que membre de la section socialiste d’Elne, il militait à Céret où il revenait fréquemment. Il était très lié au leader SFIO de cette ville, Joseph Parayre , député puis sénateur des Pyrénées-Orientales, dont il assura pendant quelque temps le secrétariat particulier. Il fréquenta un groupe de communistes animé par Jean Paloma qui organisait les passages en Espagne de volontaires des Brigades internationales et de munitions. Militant de la Bataille socialiste depuis 1935, Mau adopta, pendant l’automne 1938, des positions résolument antimunichoises.
Avant 1939, Mau fit partie, pendant une année, du bureau (ou du conseil syndical ?) de la section départementale du SNI. Après l’exode des républicains espagnols en janvier-février 1939 et leur internement dans divers camps, Pierre Mau reçut, au nom du SNI, un droit de visite au camp de Barcarès afin de pouvoir contacter les enseignants espagnols et, éventuellement, les faire sortir.
Mau s’était marié en septembre 1936 avec Thérèse Clarimon qui avait participé activement aux grèves de juin à Céret. Ils eurent deux enfants, une fille et un fils Jean-Pierre, médecin anesthésiste, adjoint à la culture de Céret (2012).
Pierre Mau fut mobilisé le 26 août 1939 à Montpellier au Centre mobilisateur du Génie qui avait succédé au 28e régiment du génie, dissous lors de la déclaration de guerre. Il fut affecté à la 91e compagnie de télégraphistes. Hospitalisé une première fois à Soissons (Aisne)le 10 févier 1940, il en sortit le 10 avril 1940. Il prit part en mai 1940 aux opérations de Belgique. Son unité s’étant divisée, Pierre Mau rejoignit Saint-Quentin (Aisne) puis Évreux (Eure) où il contracta une bronchite qui nécessita son hospitalisation à Lorient (Morbihan) le 4 juin 1940 où il fut fait prisonnier. Le 26 juillet 1940, il réussit à s’évader et revint à Céret. Il travailla à l’école primaire d’Elne, puis au cours complémentaire (plus tard collège) de Céret, jusqu’à sa retraite en 1972.
À la fin de 1941, sollicité par Marceau Gitard, un ancien policier révoqué par Vichy, Pierre Mau devint responsable de « Combat » pour le secteur de Céret. Dès janvier 1942, il collabora avec le Parti communiste clandestin de la ville organisé par Ferréol Matheu afin de diffuser les tracts et les journaux, quelle que fût l’origine de ces publications clandestines. Cette entente fut officialisée, à Céret, en juin 1942. En mars 1942, Pierre Mau avait été contacté par Jean Olibo pour participer à la reconstitution d’une organisation socialiste clandestine. Il accepta de s’occuper d’un petit secteur géographique regroupant quelques villages aux alentours d’Elne, abandonnant ses responsabilités à « Combat ». Par la suite, alors qu’il était actif dans la résistance en Vallespir, il fut en contact avec des membres du CAS comme Edmond Barde et Noël Figuères. Il adhéra à « Libération-Sud », puis intégra les MUR. À la fin de février 1943, il participa à la création de l’Armée secrète des MUR et fut désigné comme responsable de l’organisation de l’AS pour le secteur de Céret-Aspres avec Adrien Malart et Victor Roqueta. Localement l’unité d’action entre Parti communiste clandestin et résistance non communiste s’était réalisée. Le poids de l’élément communiste fut déterminant dans les choix politiques qu’opéra Pierre Mau : tout en conservant ses responsabilités au sein de de la Résistance non communiste il adhéra au PCF en janvier 1943. En décembre 1943 la mise en place du futur comité local de Libération eut lieu et, en janvier 1944, le comité d’entente de la Résistance cérétane fut créé. Dès le mois de février 1944, un petit maquis s’implanta dans les bois proches du village de Saint-Marsal, avec des réfractaires du STO, qui préfigurait le « maquis 44 » que Pierre Mau eut pour tâche de mettre en place dès l’annonce d’un débarquement allié et qui participa à des accrochages avec l’armée allemande. Le 19 août 1944, le « maquis 44 » pénétra dans Céret et installa les nouvelles autorités après avoir livré un combat près du pont du Vilar (commune de Reynès) contre un convoi allemand avec des éléments du « maquis 44 ». Cette action lui valut une citation à l’ordre du régiment (12 février 1945) par le général Zeller, commandant la 16e région militaire (Montpellier) : « Véritable chef, courageux, hardi et d’un grand ascendant sur ses hommes. S’est entièrement dévoué à l’organisation du maquis de Céret ». Dans les semaines qui suivirent la Libération de Céret, Pierre Mau demeura mobilisé dans les FFI. Le 1er septembre 1944, il fut affecté au Bataillon de sécurité des Pyrénées, formé dans les Pyrénées-Orientales afin de surveiller la frontière franco-espagnole. Il fut démobilisé le 15 octobre 1944.
Pierre Mau fut membre du comité local de Libération et du comité de Libération de l’arrondissement de Céret. Il siégea dans ces deux organismes au titre du Front national. Le conseil municipal provisoire de Céret fut mis en place le 14 octobre 1944. Pierre Mau fut désigné pour en faire partie.
Pendant plusieurs années secrétaire à la propagande ou trésorier de la section du PC de Céret, Mau fut candidat aux élections municipales en 1947, 1953 et 1959, sans toutefois être élu. En 1965, il se présenta à nouveau sur la liste d’union de la gauche conduite par le socialiste Michel Sageloli*. Il fut élu adjoint au maire de Céret, Michel Sageloli, en 1965, 1971 et 1977 et occupa le poste d’adjoint au budget. Dans son livre autobiographique, Michel Sageloli [Sageloly] maire socialiste, très modéré, de Céret évoqua son « ami Pierre Mau qui pendant les trois mandats s’est montré d’une fidélité et d’une efficacité exemplaires ». Il fut aussi candidat aux élections cantonales du 8 mars 1970 dans le canton de Céret. Il obtint 1731 voix contre 2760 à Michel Sageloli (conseiller général sortant socialiste) et René Boudou (Union de la majorité, droite). Il se désista en faveur de Sageloli qui fut réélu. Favorable à l’« eurocommunisme » tel que le concevait par exemple le PCI, Pierre Mau rédigea un rapport sur l’orientation du PCF qu’il tenta de soumettre à la section de Céret. Mais ce rapport « eurocommuniste » fut, selon son témoignage, « refusé ». Il reprochait également au PCF son « manque de démocratie ». À la suite d’une péripétie électorale locale en 1982, Pierre Mau quitta le PCF. Il fut l’un des résistants signataires de l’appel départemental "Pour la démocratie, nous refusons la haine" publié à l’initiative de l’un d’entre eux, Jean Rostand*, dans L’Indépendant (édition de Perpignan) du 15 février 1984.
Piere Mau participa à la vie culturelle de Céret stimulée par la présence de nombreux artistes et la création d’un musée d’art moderne (Voir Crastre Victor). Il était passionné par la tauromachie —dont Céret était devenu le "bastion" dans les Pyrénées-Orientales— activité qu’il soutint avec constance. Cet amour de la tauromachie le rapprocha de Paul Guitard : bien que leurs itinéraires politiques aient divergé, ils nouèrent une solide amitié.
Pierre Mau milita également dans les rangs du SNI. À la Libération, il fut amené à participer à l’expérience du syndicat unique de l’Enseignement (voir Ferdinand Baylard) affilié à la CGT qui disparut à la fin de 1947, lorsque la scission de FO fut consommée. Pierre Mau, quant à lui, milita dans les rangs du SNI Il s’associa au plan départemental aux activités du courant « cégétiste » de la FEN et plus tard à celles de la tendance « Unité et Action ». Toutefois il n’occupa plus de fonctions dirigeantes au sein du SNI.
Pierre Mau reçut la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze et en 1945 et la médaille de la Résistance (décret du 10 janvier 1947).
Par André Balent
SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 660. — Archives syndicales du SU de l’enseignement des Pyrénées-Orientales et du SNI détenues par M. Michel Ribera consultées en 1984. — Le Cri socialiste, 6 octobre 1934, 13 octobre 1934. — L’Indépendant, 9 mars 1970, 15 février 1984. — Annuaire-guide des Pyrénées-Orientales, Nîmes, Chastanier et Alméras, 1937. — Pierre Mau, La Résistance à Céret, rapport dactylographié, 3 p., s.d. (1945). — André Balent, notice DBMOF, XXXVI, 1990, pp. 105-106. —Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, pp. 427, 514, 515, 549, 580, 584, 586, 587, 589, 828, 1085. — Jean Larrieu, « Aspects de la Résistance française dans la montagne catalane », Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, LIe volume, Montpellier, 1980, pp. 235-244. — Michel Sageloly [Sageloli], Le XXème siècle à Céret où je suis né au Moyen-Âge, Céret, Presses du Courrier de Céret, 2000, 192 p. [pp. 112 sq. ; p. 147]. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales, Biographies, Lille, Marxisme/Régions, 1994, 182 p. [pp.146-151]. — Témoignage de Michel Ribera. — Entretiens avec Pierre Mau, Jean Jorda, Jean Olibo, Marcel Maynéris, Lucette Pla-Justafré. — État civil de Céret.