MAUGER Hippolyte [MAUGER Marie, Hippolyte, Antoine, Éloïse]

Par Claude Pennetier

Né et mort à Dun-sur-Auron (Cher) : 17 septembre 1857-23 mars 1946 ; industriel corroyeur ; militant socialiste ; député et sénateur du Cher.

Hippolyte Mauger
Hippolyte Mauger

Son père Pierre Mauger (1828-1887) était juge de paix, mais Hippolyte fut élevé par son oncle maternel, Hippolyte Périot (1833-1909) petit industriel et maire de Dun-sur-Auron. Hippolyte Mauger vécut dans un milieu hostile à l’Empire. En 1870, âgé de treize ans, il faisait la lecture publique des journaux républicains. Il fit son apprentissage dans une maison de chapellerie à Nevers (Nièvre) en 1872, puis travailla quelque temps comme employé de commerce à Bourges et Saint-Amand-Montrond. Son oncle le prit comme associé dans son entreprise de corroyage. En fait Hippolyte Périot, séduit par l’intelligence du jeune homme, avait conçu pour lui des ambitions politiques. Sa correspondance prouve qu’il faisait tout pour mettre son neveu en avant : il l’incitait à prendre en charge la lutte contre le phylloxera, les sociétés de secours mutuels. Hippolyte Mauger, débarrassé de tous soucis matériels, put se lancer dans l’activité politique, mais ses idées n’étaient pas encore bien arrêtées. Le commissaire spécial de Dun-sur-Auron écrivit le 1er avril 1894, sans doute avec quelque exagération : « C’est un vrai caméléon politique. Je me suis laissé dire qu’il y a dix ou quinze ans, on l’aurait connu réactionnaire puis républicain libéral, opportuniste, radical et enfin depuis l’année dernière socialiste-révolutionnaire » (Arch. Dép. Cher, 25 M 45). Le député radical Lesage porta les mêmes accusations contre Mauger à la tribune de la Chambre des députés en novembre 1904. Une chose est sûre, le jeune industriel entretint de très bons rapports avec les radicaux jusqu’en 1889-1890. C’est vraisemblablement à l’occasion des grandes grèves des bûcherons de l’hiver 1891-1892 que le fossé se creusa entre lui et les héritiers de la tradition républicaine des années 1870. Mauger, militant infatigable, était présent dans tous les villages en lutte, expliquant la nécessité de l’organisation syndicale et empêchant habilement les radicaux d’utiliser les réunions pour leur propagande électorale. Le socialiste Mauger devint rapidement très populaire dans les cantons forestiers du Saint-Amandois. Le sous-préfet notait en 1910 : « Le parti républicain a toujours été profondément divisé dans cette circonscription (2e de Saint-Amand), où l’on s’affirme volontiers maugiste ou antimaugiste. Les radicaux de la région ont toujours été nettement antimaugistes » (29 avril 1910, Arch. Dép., 20 M 41). Leur haine les conduisit à s’attaquer à la femme de Mauger, institutrice à Dun-sur-Auron ; elle fut déplacée en 1893 puis suspendue en 1898, et demeura six années sans pouvoir exercer.

Mauger participa constamment au bureau de la Fédération PSR du Cher. En 1901, il prit position contre Cougny et Breton, représentants du courant réformiste dans le Cher. Dans les congrès socialistes nationaux, il intervint régulièrement en faveur des travailleurs des champs. Entré jeune dans l’action sociale, il contribua à fonder plusieurs sociétés mutuelles ou coopératives, en assura tantôt le secrétariat, tantôt la trésorerie. Il fut administrateur de la caisse locale de Crédit agricole de Dun-sur-Auron et secrétaire du syndicat de lutte contre le phylloxera. Aux côtés de Baudin, il participa à la création de syndicats de bûcherons, de carriers et de maçons. Son expérience de la vie ouvrière, ses contacts avec les milieux paysans, l’instruction qu’il se donna (il avait épousé une institutrice), lui valurent une grande audience régionale qui tourna à l’avantage du socialisme. Sa femme participa à son action ; elle fut déplacée en 1893 et, en 1898, fut suspendue : elle demeura alors six années sans pouvoir exercer. Au congrès de la salle Japy à Paris (décembre 1899), il représenta six groupes socialistes et quatre syndicats adhérents du PSR, ainsi que la 2e circonscription de Saint-Amand. Le 8 décembre, au cours de la sixième journée, Mauger déposa et fit adopter par l’unanimité du congrès une motion attirant l’attention des militants sur « les prolétaires de la terre » (compte rendu pp. 383-385). Au congrès de la salle Wagram (1900), Mauger représenta le groupe adulte et la Jeunesse du PSR de Dun-sur-Auron, ainsi que trois syndicats ouvriers de cette localité : ceux des ouvriers carriers, des journaliers et des maçons. Il fut fidèle à la règle de conduite qu’il avait définie à Japy : il s’attacha à répandre le socialisme dans les campagnes et appela les paysans au syndicalisme. En août 1903, à Nevers, c’est lui qui présida le 2e congrès de la fédération nationale des bûcherons. L’année suivante, à Bourges, il représenta sept syndicats bûcherons du Cher au XIVe congrès national corporatif, 8e congrès de la CGT. Il participa au congrès de Lyon (1901), au congrès d’unité de Paris (avril 1905) et aux congrès nationaux de Chalon-sur-Saône (octobre 1905), Limoges (1906), Toulouse (1908), Saint-Étienne (1909), Nîmes (février 1910), Saint-Quentin (1911), Lyon (1912) et Amiens (1914). À Saint-Étienne, Mauger prétendit que les paysans ne connaissent pas le socialisme et que, le plus souvent, les socialistes les effraient par des mots. Il éveilla l’intérêt de Jaurès en expliquant une forme de mise en valeur des communaux de Dun-sur-Auron.

Il s’implanta solidement dans son arrondissement. Élu conseiller municipal de Dun en 1892, il se présenta aux élections législatives de 1898 dans la 2e circonscription de Saint-Amand et recueillit 3 172 voix contre 5 826 au député républicain-socialiste sortant Lesage et 3 904 au candidat de droite, Berthoulat. Par son action infatigable en faveur du syndicalisme bûcheron et ouvrier, Mauger renforça son audience. Dans sa profession de foi pour les élections législatives d’avril 1902, il déclarait : « Depuis plus de vingt ans, mêlé à toutes les luttes politiques et économiques de cette région, j’ai toujours combattu avec ardeur pour le triomphe de la République et de la cause ouvrière. Les nombreuses organisations ouvrières dont j’ai été le promoteur et qui existent dans notre région, sont là pour en témoigner et si en particulier les ouvriers du bois ont vu s’améliorer leur situation, ils le doivent à l’action incessante que j’ai exercée depuis plus de dix ans, en dépit des persécutions dont les miens et moi, avons été l’objet. Depuis quatre ans, j’ai répondu à tous les appels qui m’ont été adressés, j’ai fait de nombreuses réunions et conférences publiques, collaboré à la formation de plus de vingt syndicats. » Il recueillit les fruits de son action en obtenant dès le premier tour 4 278 voix. Au second tour, le député radical sortant, Lesage, soutenu par la Fédération socialiste autonome, fut élu avec 5 167 voix, Mauger regroupait 4 506 voix et les candidats nationalistes 3 310. Son score s’améliora légèrement en 1906, avec 4 520 sur 13 597 votants. En 1910, il enleva le siège par 7 522 suffrages sur 16 763 inscrits et le conserva en 1914 par 6 170 sur 16 283. Mauger avait été élu conseiller général du canton de Nérondes en 1910 après y avoir échoué en 1906. En 1912, candidat au Sénat, il groupa 138 délégués sur 700 électeurs.

Dès la déclaration de guerre, Mauger s’affirma partisan de l’union sacrée et vota les crédits de guerre. Absorbé par sa vie parlementaire, il se désintéressa de l’activité socialiste dans le Cher et refusa même de payer sa cotisation mensuelle. En mai 1917, la section minoritaire de Bourges demanda son exclusion et celle de Dumas, député de la 1re circonscription de Saint-Amand. La commission d’arbitrage désignée par le conseil fédéral (et composée de Durand, Lucain, Rougeron) porta un jugement sévère : « Voici plus de deux années que les citoyens Mauger et Dumas s’abstiennent systématiquement, on peut dire, de vivre la vie fédérale, qu’ils n’entrÉtiennent plus aucune relation avec l’organisme fédéral et qu’ils ne participent plus ni aux réunions du conseil fédéral ni aux congrès départementaux. Cette situation ne peut plus durer plus longtemps sans aboutir fatalement à une rupture que, nous le savons d’ailleurs, nos élus envisagent d’un cœur léger, si nous en croyons leurs déclarations l’an dernier à Vierzon. Cette rupture, la Fédération a conscience d’avoir tout fait pour l’éviter » (Fonds Mauger, 7 F 68). En fait, Mauger refusait tout contrôle de la Fédération sur son action parlementaire. Blâmé en septembre 1919 pour avoir voté les crédits militaires, il considéra que la fédération lui avait « rendu sa liberté d’action ». Il fut exclu le mois suivant, pour son vote en faveur du traité de Versailles. Avant de quitter la SFIO, Mauger avait participé à une commission chargée d’étudier les bases d’une nouvelle Internationale « démocrate socialiste », avec l’aile droite des partis socialistes anglais, américain et belge (Dossier « IVe Internationale », 7 F 68).

Mauger se présenta aux élections législatives de novembre 1919, sous l’étiquette : socialiste indépendant. Il fut battu mais obtint 15,8 % des électeurs inscrits (18,5 % à la liste socialiste). Sa popularité dans les milieux ruraux lui permit d’entrer au Sénat en janvier 1920. L’année suivante, il retrouva son siège en faisant liste commune avec ses anciens adversaires, J.- L. Breton et Pajot. Sa profession de foi affirmait son « opposition énergique au bolchevisme et aux doctrines qui érigent la violence en système et conduisent à la guerre civile ». Réélu en 1929, il était, en 1938, vice-président de la gauche démocratique radicale et radicale-socialiste du Sénat. Il fut battu aux élections de 1938.

Hippolyte Mauger avait épousé en 1891 Marie Bailly (1867-25 février 1932 à Paris), institutrice, militante syndicale, féministe et pacifiste. Son corps repose au cimetière de Dun-sur-Auron. Devenu veuf, il se remaria avec une directrice d’école parisienne, elle aussi veuve et militante féministe, Jeanne Méo.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121147, notice MAUGER Hippolyte [MAUGER Marie, Hippolyte, Antoine, Éloïse] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 11 mars 2021.

Par Claude Pennetier

Hippolyte Mauger
Hippolyte Mauger

ŒUVRE : H. Mauger, dont les archives ont été déposées aux Archives Départementales du Cher, a collaboré à l’Émancipateur, organe de la fédération SFIO à partir de 1906. Deux ans plus tôt, il avait donné au Mouvement socialiste deux articles intitulés « La Fédération nationale des Bûcherons », 15 novembre et 1er décembre 1904.

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Cher, 7 F, 20 M 41, 25 M 178 (fonds Mauger). — Presse socialiste locale, en particulier, le Démocrate du Cher, l’Émancipateur et l’Avenir du Berry.Dictionnaire, t. 14. — Comptes rendus du congrès de Japy et des congrès nationaux du Parti socialiste. — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., pp. 370-371 et Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 210 à 229, passim. — Comptes rendus de congrès. — A.-M. et Claude Pennetier, A. Gosnat, Mémoires de Maîtrise, op. cit.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 371.

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