MAUNOURY Henri, Auguste, Emmanuel

Par Alain Dalançon

Né le 15 août 1898 à Gorges (Manche), mort le 26 juin 1953 à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine) ; instituteur puis professeur ; militant socialiste du Pas-de-Calais, adjoint au maire de Lillers (Pas-de-Calais) ; secrétaire du SNEPS (1934-1939), secrétaire général du SNCM (1947-1949), secrétaire général adjoint du SNES (1949-1953), secrétaire permanent de la FEN (1948-1953).

Fils d’Henri Ernest, instituteur à Boisrobert (Manche), Henri Maunoury naquit dans la commune natale de sa mère, Augustine Faudemer, sans profession.

Il suivit la voie de son père et entra à l’École normale d’instituteurs de Saint-Lô (Manche) en 1914. Il y obtint le brevet supérieur en 1916 puis, comme tous les jeunes gens de sa classe d’âge, fut appelé sous les drapeaux le 16 avril 1917. Incorporé dans un régiment d’infanterie coloniale, il combattit sur le front à partir de décembre 1917.

Démobilisé en octobre 1919, il rejoignit un poste d’instituteur à Octeville, commune limitrophe de Cherbourg (Manche), puis fut nommé en 1920 instituteur délégué à l’école primaire supérieure de garçons de Lillers. Dans cette cité ouvrière où s’était développée l’industrie de la chaussure à partir d’une coopérative ouvrière fondée en 1907 par un militant socialiste et syndicaliste de la CGT, Alphonse Tellier, devenu maire en 1919, Maunoury devait travailler et militer durant plus de deux décennies comme socialiste et comme syndicaliste. Il habitait boulevard de Paris. Il épousa le 3 août 1929, à Huelgoat (Finistère), Germaine Poulhet, avec laquelle il eut une fille, Anne.

Henri Maunoury enseigna dans l’EPS, reconstruite en 1931 et baptisée Anatole France, jusqu’en 1946-1947, en gravissant lentement les grades de l’enseignement primaire supérieur. Comme il avait obtenu trois certificats de licence (littérature française, histoire moderne et contemporaine et géographie) à la Faculté des Lettres de Lille en 1922-1923, il devint professeur adjoint en 1924, fut titularisé l’année suivante, puis chargé d’enseignement en 1945, promu au cadre supérieur en 1946. Dès 1938, il avait tenté vainement d’obtenir, en tant que responsable syndical, que les PA devenus chargés d’enseignement en 1945, qui avaient obtenu la première partie du professorat ou qui étaient possesseurs de trois certificats de licence équivalents, deviennent professeurs.

Militant du Parti socialiste SFIO, peu après son arrivée à Lillers en 1920, Henri Maunoury prit rapidement une place importante dans la fédération comme propagandiste. Rédacteur de critiques pour L’Éclaireur, il participait activement aux campagnes électorales. En 1928, il aurait contribué à la victoire de Tellier dans la première circonscription de Béthune. Il était, avant la Seconde Guerre mondiale, trésorier de la fédération cantonale de Lillers, et siégea de 1921 à 1939 à la commission exécutive de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, dont il fut plusieurs fois délégué au conseil national : ainsi les 2 et 3 février 1929, en compagnie du député Raoul Évrard*. Lors du congrès de la fédération, le 4 novembre 1934 à Béthune, il fit voter une motion sur l’unité d’action. La presse de droite se déchaîna alors, l’accusant d’avoir déclaré vouloir y « joindre les anciens élèves de l’école publique ». Il démentit mais Le Guetteur de Lillers continua à reprendre cette allusion malveillante. Aussi écrivit-il, le 5 décembre 1934, au directeur du journal pour lui demander de faire cesser ces informations erronées.

À partir de 1929, Henri Maunoury siégea au conseil municipal de Lillers, dont le maire était toujours Alphonse Tellier, qui venait de perdre son siège de député socialiste. Il devint adjoint au maire en 1934, et à cette occasion, la presse de droite affirma que cette nomination était illégale, assimilant cette situation à l’interdiction faite aux instituteurs d’être élus dans leur commune d’exercice, ce qui le conduisit une nouvelle fois à écrire à la presse pour rétablir la vérité. Il intervint à la fin de la campagne électorale de 1936 dans quatre chefs-lieux de canton de circonscription. En 1938, en tant que premier adjoint, il fut amené à remplacer souvent Alphonse Tellier, toujours maire et redevenu député en 1936. Il se présenta à plusieurs reprises aux élections cantonales (conseil d’arrondissement) à Lillers et fut candidat de la SFIO aux élections sénatoriales d’octobre 1938.

Parallèlement à son engagement politique, Maunoury militait à l’Amicale des maîtres de l’enseignement primaire supérieur et professionnel qui se transforma en Syndicat en 1930 et s’affilia à la Fédération générale de l’enseignement-CGT. Il fut élu à la commission administrative du syndicat national en 1931 sur la liste d’opposition conduite par Alcée Marseillan, qui devint majoritaire sur la base d’une affirmation forte du syndicalisme et de l’affiliation à la FGE-CGT. Il fut en outre secrétaire de la section départementale du SNEPS jusqu’en 1939. Il ne tarda pas à s’affirmer comme un des militants les plus importants de ce syndicat, membre du bureau national, secrétaire chargé des professeurs adjoints et fut élu membre du Comité consultatif de l’enseignement de second degré pour les PA des EPS en 1938. Il siégeait en outre au bureau de la mutuelle « La Tarnaise », fondée par Marseillan, qui accueillit en 1939 les membres du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire et ceux du Syndicat des professeurs d’école normale.

C’est lui qui fut le rapporteur de l’importante motion sur la revalorisation de la fonction enseignante au congrès national de Pâques 1938, où il montrait sa connaissance très approfondie des questions corporatives de la Fonction publique. Il siégeait en effet en même temps aux CE nationales de la FGE (dans les commissions corporative et pédagogique) et de la Fédération générale des fonctionnaires.

En novembre 1938, Gustave Pacquez, devenu secrétaire général du SNEPS, et lui annoncèrent leur intention de voter contre la grève à la CE de la FGE. Mais les deux militants n’eurent pas exactement la même position après la décision de la fédération de s’associer au mot d’ordre de la confédération pour le 30 novembre 1938 : alors que Pacquez manifesta en permanence son hostilité à la grève, estimant même que les décrets-lois Daladier-Raynaud étaient parfaitement légaux, Maunoury estima que le syndicat ne pouvait pas prendre une position contraire à sa fédération et fit tous ces efforts pour élaborer un mot d’ordre de compromis, demandant aux sections locales de s’associer au mouvement de protestation mais en précisant qu’en tout état de cause les élèves seraient surveillés.

En 1939, il fut chargé dans le BN du SNEPS de la question centrale de « la défense et de l’avenir des EPS » et fut rapporteur de la motion sur la réforme de l’enseignement. En 1938, il avait manifesté sa fidélité au projet fédéral établi en 1931 et ne voyait aucun intérêt à le modifier sur la question des écoles normales. En 1939, il réaffirma que le syndicat était partisan du projet de réforme présenté par Jean Zay en 1937 mais, dans l’incertitude de sa mise en place, il demandait que l’enseignement moderne soit préservé et développé, car il était à la fois un enseignement de culture et orienté vers la vie professionnelle. Il estimait même que le renforcement de l’enseignement scientifique dans le second cycle permettrait la revalorisation de cet enseignement, dont sortiraient les futurs candidats aux grandes écoles scientifiques. Il souhaitait donc que les meilleurs élèves du secondaire passent à 11 ans le certificat d’études primaires et que soit maintenu « le parallélisme des âges pendant toute la durée des études dans tous les enseignements de second degré et par conséquent possibilité de passer 4 ans après le CEP, les brevets élémentaires et d’enseignement primaire supérieur exigés à l’entrée du 2e cycle des EPS, ou mieux encore, un diplôme de fin d’études du 1er cycle exigé dans tous les enseignements à l’entrée du 2e cycle ». Dans cette perspective, il se montrait un ferme partisan de la généralisation du jumelage des établissements classiques et modernes et d’attribuer dans ce cas « la direction de l’établissement à l’enseignement qui apporte le plus gros effectif ».

Maunoury militait également à la Ligue des droits de l’Homme et était trésorier de la fédération du Pas-de-Calais. Il en devint le secrétaire en 1937, puis le président en 1939. Il était de nouveau président fédéral de la Ligue en 1946.

La multiplicité et l’importance de ses activités politiques et syndicales, sans décharge de service, explique donc que son directeur et les inspecteurs notaient qu’il n’avait « ni le temps ni la volonté de consacrer à sa tâche professionnelle les efforts, les soins, les mises au point indispensables », et que le recteur signalait au ministre en 1932 qu’il « avait des activités politiques et syndicales ». Il rencontra même des difficultés avant 1936 pour obtenir les autorisations d’absence nécessaires pour participer à des congrès, et sa carrière en fut retardée.

Maunoury fut mobilisé le 9 février 1940 comme infirmier. Fait prisonnier à Boulogne-sur-mer, lors de l’offensive allemande, il demeura en captivité en Allemagne du 25 mai 1940 au 28 février 1941. Libéré, il reprit son enseignement à l’EPS en mars 1941. Sur instruction de la fédération, conformément à la position de Raoul Évrard, il reprit son poste à la municipalité dont il aurait été chassé sur ordre des Allemands « pour attitude et propos hostiles à la collaboration ». Sa demande de mutation pour Caen ne fut pas satisfaite. Il fut désigné comme maître d’éducation générale en 1942 et le directeur de l’EPS, devenue collège moderne, indiquait dans son appréciation de 1943, qu’il faisait « preuve de beaucoup d’activité dans le domaine de l’éducation générale et sportive ». À huit jours de la Libération, il fut choisi comme otage par la Komandantur de la ville.

À la Libération, Maunoury, resté fidèle à son parti, fut présenté aux élections pour les deux assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946 dans la deuxième circonscription du Pas-de-Calais, sur la liste socialiste SFIO, en 7e position, puis aux élections pour la première assemblée nationale, enfin au Conseil de la République en décembre 1946 (en 3e position derrière Émile Vanrullen et Bernard Chochoy qui furent élus). Mais il se consacra surtout à son militantisme syndical. Tout en redevenant secrétaire départemental du nouveau SNCM, il retrouva sa place dans le bureau national, et en devint de fait le secrétaire général adjoint au côté de Gustave Pacquez en 1946 ; c’est lui qui rédigea le nouveau règlement intérieur approuvé au congrès de cette année en insistant sur la diminution du nombre de catégories représentées dans les instances. Il fut en outre désigné membre de la CA provisoire de la FGE en octobre 1945 puis fut élu membre titulaire de la CA de la nouvelle FEN, à partir de 1946, siégeant dans toutes les commissions, sauf la commission laïque. Il devint aussi membre du Comité consultatif du second degré en mars 1945 puis membre du Comité technique paritaire provisoire en 1947. Il siégeait aussi à la CE de la FGF avant sa transformation en Union générale des fédérations de fonctionnaires.

Henri Maunoury succéda à Gustave Pacquez comme secrétaire général du SNCM en juin 1947, au moment où la fusion avec le SNES (classique) était en état de préparation avancée. Il avait en effet participé à toutes les réunions des instances de l’Union des syndicats du second degré de la FGE puis de la FEN. Mais, autant il estimait que la fusion avec le Syndicat de l’enseignement technique était prématurée, en raison de la présence de sa branche des centres d’apprentissages, autant il pensait que la fusion avec le SNES était urgente, à cause du rapprochement des enseignements moderne et classique et de l’unification du statut de leurs personnels relevant d’une même direction du second degré au ministère. Il souhaitait cependant obtenir du SNES des garanties pour que les syndiqués du moderne soient suffisamment représentés dans les instances du nouveau syndicat, si bien que la fusion ne fut effective qu’au printemps 1949.

Par ailleurs, il entra au bureau fédéral, pour venir épauler Adrien Lavergne(également militant du SNCM) dans la direction de la FEN, à une époque où la fédération, le SNI, le SNES et le SNCM partageaient les mêmes locaux, dans l’ancienne Maison des fonctionnaires, rue de Solferino à Paris. Pour faire face à ses multiples responsabilités, il obtint sa mutation à la rentrée d’octobre 1947 pour le collège Paul Lapie de Courbevoie, là où quelque temps plus tôt Lavergne était titulaire, mais en réalité, comme ce dernier, il n’occupa pas son poste car il fut déchargé de service à temps complet. Il résida dès lors 125, boulevard de Verdun, à Courbevoie.

Maunoury participa à la conférence nationale des groupes « Force ouvrière », les 8 et 9 septembre 1947. Il souhaita, dans son intervention, que soit présentée une simple motion corporative revendiquant le réajustement des salaires, une politique rigoureuse des prix avec « adaptation périodique des salaires aux prix ». Il critiqua les décisions des instances de la CGT les expliquant ainsi : « on n’a pas voulu que la société socialiste qui s’érigera un jour soit une véritable société socialiste mais que ce soit du socialisme étatiste comme celui de la Russie. »

À la fin de l’année 1947, Maunoury s’éleva contre les méthodes des communistes dans la CGT lors des grèves. Dans le débat sur l’affiliation syndicale, il estima la sortie de la confédération inéluctable mais le passage à la CGT-FO, pour lequel Pacquez militait avec force, lui paraissait prématuré. Il fut donc partisan de l’autonomie, seule perspective permettant le maintien de l’unité du syndicat. Mais, en raison de sa fonction de secrétaire général, il prit peu parti dans les débats préparatoires au référendum interne qu’il avait souhaité, et qui donna une courte majorité à l’autonomie.

Après les congrès de mars 1948, où la FEN et le SNES devinrent autonomes, Maunoury devint un véritable homme orchestre dans la majorité fédérale, cumulant les responsabilités dans son syndicat et à la fédération. Doté d’une grande puissance de travail, compétent dans tous les compartiments de la vie syndicale, bénéficiant d’une longue expérience et d’une écoute auprès de l’administration du ministère de l’Education nationale, il était à la fois secrétaire général adjoint du nouveau SNES (classique et moderne) au côté d’Albert-Claude Bay et secrétaire permanent de la FEN au côté de Lavergne.

Au SNES, il eut quelque mal au début à s’imposer dans un syndicat dirigé par des agrégés mais son aisance oratoire, sa capacité à opérer les synthèses et ses compétences dans le domaine du reclassement, de la gestion des carrières, des statuts des différentes catégories (y compris des dames-secrétaires), qu’il traitait également au niveau fédéral, lui permirent de s’affirmer et de faire voter souvent à l’unanimité les motions corporatives qu’il rapportait. Il fut cependant battu au congrès de 1950, quand il proposa de maintenir dans les instances syndicales Georges Petit, ancien membre du BN du SNCM, et membre du cabinet du ministre de l’Éducation nationale. S’il ne siégea jamais au Conseil de l’enseignement de second degré, en raison de son appartenance à un grade qui n’y avait pas de représentant pour les disciplines générales, il n’en commentait pas moins les débats et décisions du Conseil supérieur. En revanche, il fut élu suppléant à la commission paritaire des chargés d’enseignement en 1948 puis titulaire en 1951.

Dans l’exécutif fédéral, il fut secrétaire du secteur très important des « structures et de la propagande », qui avait été dirigé avant la scission par Paul Delanoue, et fut la cheville ouvrière de l’aménagement des statuts après le congrès de 1948. C’est ainsi qu’il eut à défendre l’homogénéité de l’exécutif fédéral qui fut votée de justesse au congrès de 1949.

En même temps, il fut secrétaire pédagogique à partir de 1949, sa formation et son parcours professionnel et syndical dans les EPS lui facilitant la tâche pour opérer la synthèse entre les positions du Syndicat national des instituteurs et celles du SNES. Ainsi les motions pédagogiques se référant au plan Langevin-Wallon furent-elles votées à l’unanimité aux congrès fédéraux de 1950 (réforme de l’enseignement), de 1951 (formation des maîtres) et de 1952 (orientation). En juin 1951, il ajouta à sa panoplie de responsabilités celle de trésorier fédéral, occupée auparavant par Bay qui démissionna de toutes ses responsabilités dans le bureau fédéral pour protester contre l’insuffisante détermination de la FEN dans la bataille du reclassement des maîtres du second degré.

Henri Maunoury était donc plus un militant de la fédération que de son syndicat national. Il était aussi vice-président de la Fédération nationale des conseils de parents d’élèves des écoles publiques depuis sa fondation en novembre 1949. On s’attendait à ce qu’il succède à Lavergne qui approchait de la retraite, quand il mourut prématurément d’un cancer à 54 ans.

Une cérémonie fut organisée au siège de la FEN et du SNES le 29 juin 1953, accompagnant la levée de son corps. L’inhumation eut lieu à Périers (Manche) dans le caveau familial. Les discours de Lavergne et de Bay, accompagnés de la même photo de Maunoury, furent publiés respectivement dans L’Enseignement public et dans L’Université syndicaliste. Bay rappela que Maunoury disparaissait au moment où le Conseil de l’enseignement de second degré venait d’approuver à la quasi-unanimité le projet de réforme du second degré conforme aux positions du SNES qu’il avait tant contribué à définir.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121171, notice MAUNOURY Henri, Auguste, Emmanuel par Alain Dalançon, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 26 avril 2021.

Par Alain Dalançon

Iconographie : Henri Maunoury dans une réunion syndicale.

SOURCES : Arch. Nat. F7 13 084, F 17 17 795, 27 485. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 5221. — L’Éclaireur, 14 mai 1933. — Arch. IRHSES. — Arch. OURS, conférences des groupes Force ouvrière. — DBMOF, notice par Yves Le Maner. — Renseignements fournis par M. Piquet, ancien secrétaire national des Jeunesses socialistes. — Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin.

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