MAYOUX Jehan

Par Yves Le Maner

Né le 25 novembre 1904 à Cherves (Charente), mort le 14 juillet 1975 à Ussel (Corrèze) ; instituteur, puis inspecteur de l’Éducation nationale ; militant syndicaliste et pacifiste de tendance libertaire ; poète, membre du groupe surréaliste.

Jehan Mayoux participa très tôt à l’activité militante de ses parents, Marie et François Mayoux , instituteurs syndicalistes et pacifistes, exclus du Parti communiste en 1922. Dès l’âge de douze ans, il passa en correctionnelle pour avoir posé des papillons pacifistes. A plusieurs reprises, il subit des brimades du fait de l’activité de ses parents, puis de la sienne, et se vit notamment contester, voire refuser l’accès à des concours de l’instruction publique.

Reçu premier au concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs d’Aix-en-Provence en 1921, il fut déplacé à l’ENI d’Avignon pour un motif futile. Instituteur dans les Bouches-du-Rhône à partir d’octobre 1924 (Port Saint-Louis, Châteaurenard en 1925-1927, Velaux, Marseille de 1928 à 1932), il fut l’objet dès 1926 de tracasseries de la part de l’inspecteur primaire. Il fit son service militaire (novembre 1924-novembre 1925) et se maria dès son retour à Marseille. Le couple eut un enfant en 1926.

Tout en enseignant, sa femme et lui obtinrent le baccalauréat (Langues-Philosophie) en 1929, à la faculté des Lettres d’Aix, une licence de lettres (option histoire-géographie) en 1931 et le certificat de littérature française en 1929. Tous deux collaborèrent alors à l’En-dehors, publié par E. Armand. En 1932, Jehan Mayoux fut affecté comme professeur délégué à l’ENI de Saint-Lô (Manche), puis à l’école primaire supérieure de Dunkerque (Nord) en 1933. Pendant ces deux années de séparation pour le ménage, le ministère prétendant chaque fois ne pas avoir de poste pour Marie-Louise Mayoux dans ces deux localités. Finalement elle fut nommée déléguée pour l’enseignement des lettres à l’EPS de Dunkerque en 1935-1936. En janvier 1935, Mayoux fut avisé qu’il n’obtiendrait pas le renouvellement de sa délégation : il avait refusé de fournir des explications sur un discours prononcé le 4 novembre 1934 dans une réunion syndicale et avait signé un tract contre les décrets-lois de juin 1934. Après des protestations de la Ligue des droits de l’Homme, du Syndicat national des instituteurs et de la Fédération unitaire de l’enseignement, le ministère revint sur sa décision. Mayoux resta à Dunkerque jusqu’en octobre 1937 où son épouse enseignait les lettres.

Membre du groupe surréaliste, lié avec Yves Tanguy, Benjamin Péret puis André Breton, Jehan Mayoux signa les principaux manifestes à partir de 1934, notamment Du temps que les surréalistes avaient raison (1935) signifiant la rupture du groupe surréaliste avec l’Internationale de Staline et le PCF. Il publia des poèmes, Traînoir (1935), Maïs (1937), Le Fil de la nuit (1938), Ma tête à couper (1939). Il collaborait à la revue le Surréalisme au service de la révolution, depuis 1933.

A partir de 1934, sa femme et lui assurèrent l’accueil et le transit vers l’Espagne de réfugiés allemands.

A Dunkerque, Mayoux fut élu délégué du syndicat des enseignants du Nord et, en 1936, devint secrétaire adjoint à la Bourse du Travail, puis secrétaire du comité de Front populaire.

Parallèlement à ces activités, il prépara le concours de l’inspection. Reçu second en 1936, il fut nommé à Bonneville (Haute-Savoie), mais refusa cette nomination, sa femme n’ayant pas obtenu de poste. Ce fut à la rentrée suivante, en 1937, qu’il s’installa comme inspecteur primaire à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie). Il s’efforça d’y développer le sport scolaire (ski) et de promouvoir des expériences pédagogiques visant à élargir la portée des réformes introduites par le ministère de Front populaire.

En 1939, il refusa d’obéir à l’ordre de mobilisation et fut incarcéré à Lyon où le Tribunal militaire le condamna à cinq ans de prison, le 19 janvier 1940. Suspendu de ses fonctions à partir du 1er septembre 1939, révoqué le 20 janvier 1940, il vit sa révocation reconduite par le gouvernement de Vichy. Arrêté par les Allemands en 1940, à la suite du bombardement de la prison de Clairvaux où il était détenu, il fut prisonnier de guerre pendant cinq ans. En Allemagne, il fut élu plusieurs fois homme de confiance par ses camarades qui n’ignoraient rien de sa situation. Au camp disciplinaire de Rawa-Ruska, où il fut envoyé après plusieurs tentatives d’évasion, il fut président de l’Amicale des enseignants.

En 1942, Marie-Louise Mayoux, déplacée à Mostaganem par le gouvernement de Vichy (femme d’insoumis, elle avait mis un portrait de Pétain à la poubelle de son école), mourut accidentellement. Rentré de captivité en mai 1945, Jehan Mayoux chercha du travail. Il demanda à entrer comme ouvrier aux chantiers navals de La Ciotat et ne se vit offrir qu’une place d’employé de bureau. Il se fit alors embaucher comme chef de chantier chez un camarade entrepreneur de travaux publics, à Montpellier. Sur le témoignage de ses camarades de captivité et après décision favorable de la Commission nationale « Honneur prisonnier », il fut amnistié et réintégré dans l’enseignement.

Nommé inspecteur primaire à Ussel en octobre 1946, dans cette circonscription dynamisée par la construction du barrage de Bort-les-Orgues, Mayoux se consacra à la pédagogie et s’efforça de faire connaître dans sa circonscription les méthodes d’éducation nouvelles et le mouvement Freinet. Directeur de colonies de vacances, militant des CEMEA, se voulant proche des instituteurs, il publiait régulièrement pour les instituteurs de sa circonscription un bulletin. Son épouse avait repris un poste d’institutrice. Actif dans les œuvres éducatives, grand fumeur, portant un pantalon de velours, il milita intensément à son syndicat, « Pour un vrai syndicat » (membre du bureau de 1959 à 1963). Sa candidature comme directeur d’École normale ne fut jamais retenue.

Jehan Mayoux se remaria en août 1947 à Ussel avec une institutrice. Le couple eut un enfant.

Il collaborait depuis 1951 au Libertaire avec les autres membres du groupe surréaliste. En 1958, membre du Comité de Vigilance et de Défense républicaine, il se prononça pour une réponse négative lors du référendum puis participa aux actions pour la paix en Algérie.

En 1960, il signa, avec d’autres membres du groupe surréaliste, le Manifeste dit des 121 sur le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie et fut le seul fonctionnaire signataire sanctionné durablement ; en effet, il fut suspendu de ses fonctions le 16 septembre 1960, sans privation de traitement. Cette mesure provoqua des organisations syndicales de Corrèze et de nombreux instituteurs de la région. Il refusa sa mutation d’office comme inspecteur primaire à Toul (Meurthe-et-Moselle) après annulation par le Tribunal administratif de Nancy en octobre 1962. On lui proposa d’autres nominations à Loches (Indre-et-Loire), à Nantes (Loire-Atlantique), en Seine-et-Oise. A la rentrée de 1962, « pressenti par l’Association des parents d’élèves », il enseigna la Philosophie au lycée d’Ussel à partir d’octobre 1963, tout en conservant sa qualité d’inspecteur primaire. Pendant ces années, il refusa tout autre poste comme inspecteur primaire le sien à Ussel, et toute offre d’avancement. Grâce au soutien de ses chefs hiérarchiques, des maîtres de sa circonscription et du département, du SNI, du syndicat des inspecteurs primaires, les élus locaux, et surtout grâce à son obstination, il finit par obtenir gain de cause après un jugement du Conseil d’État du 5 février 1964. Il retrouva son poste d’inspecteur à Ussel à la rentrée d’octobre 1965. 



En 1967, il prit sa retraite d’enseignant. Militant toujours enthousiaste, il participa aux manifestations étudiantes de 1968 à Paris et à Montpellier. 


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Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121349, notice MAYOUX Jehan par Yves Le Maner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 2 octobre 2022.

Par Yves Le Maner

ŒUVRE : Les œuvres poétiques et politiques de Jehan Mayoux ont été réunies et publiées dans œuvres complètes aux Éditions Peralta à Ussel de 1976 à 1979. On consultera particulièrement le tome V, La liberté une et divisible. Textes critiques et politiques. Ouverture de Jean-Paul Michel, 1979, 235 p. Ce tome contient des écrits pour la plupart parus en revue entre 1933 et 1972 et la préface à l’ouvrage de B. Péret et G. Munis, Les syndicats contre la révolution, Le Terrain vague, 1968. On doit à Jehan Mayoux une des premières études sur B. Péret en 1957.

SOURCES : AN F17 28978. — Notice rédigée à partir d’éléments autobiographiques fournis par Jehan Mayoux. — Le Magazine littéraire, décembre 1984. — Notes de René Bianco, de Jacques Girault et de Nicole Racine.— État civil.

ICONOGRAPHIE : Bulletin du CIRA, n° 23-25, 1985.

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