MAZAUDIER Louis

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

Né le 5 octobre 1908 à Marseille (Bouches-du-Rhône), exécuté le 18 juin 1944 à à Vieugy (Haute-Savoie) ; employé des tramways ; communiste, cadre (commissaire politique) des Francs-Tireurs et partisans (FTP) de Savoie.

Fils de Louis Mazaudier, cafetier, et de Léonie Pascal, sans profession, Louis Mazaudier habitait au 65 Bd Sadi Carnot. Il s’était marié le 14 février 1931 à Villeurbanne (Rhône) avec Alice Fabre et était père d’un jeune garçon. Tourneur sur métaux, employé au dépôt des tramways des Chartreux, Louis Mazaudier militait au Parti communiste depuis 1934. Secrétaire de la cellule de Bois-Luzy, puis secrétaire de la section de Saint-Barnabé, il devint secrétaire adjoint de la section du quartier des Chartreux. Il avait suivi les cours de l’école de section. Responsable du comité de Front populaire le 10 décembre 1938, membre de Paix et Liberté et de Radio-Liberté, il était aussi délégué ouvrier du syndicat des trams, section des Ateliers. Mobilisé en 1939, il fut rendu à la vie civile le 27 juillet 1940. Dans l’été 1940, la police spéciale considérait qu’il continuait à militer et qu’il était l’un des responsable de la 6e section. Il fut arrêté en octobre et emprisonné à la prison militaire du Fort Saint-Nicolas, mais il bénéficia d’un non lieu le 27 mars 1941. Il n’en fut pas moins interné administrativement par un arrêté du 9 novembre 1940 et envoyé au camp de Chibron (commune de Signes, Var), puis, à la dissolution de ce camp, transféré dans celui de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) le 16 février 1941. Un avis favorable à sa libération l’astreignant à résider à Joyeuse (Ardèche) où son père avait un débit de boissons fut donné le 21 octobre 1942. Il ne semble pas qu’il ait été libéré, puisqu’il aurait fait partie des internés évadés en mai 1943 en cours de transfert en train vers Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
Retourné à Marseille, il fut intégré à l’appareil clandestin des FTP. Il fut d’abord nommé commissaire aux effectifs interrégional pour l’interrégion de Montpellier (Hérault). Guy Serbat lui fit visiter fin juillet 1943 le maquis FTP de Rodome (Aude) et Mazaudier, le prenant en amitié, le fit « monter » à l’interrégion comme commissaire aux opérations. Il fut ensuite muté à l’état-major de la RI2 qui couvrait les deux départements savoyards, il en était le responsable politique en tant que commissaire aux effectifs régional (CER) lorsqu’il fut arrêté par les Allemands à Annecy (Haute-Savoie), le 25 mai 1944, avec son adjoint, Roger Malgarotto Bordan, et le commissaire technique régional (CTR) Pauto dit Maurice. Incarcérés à Annecy, Malgarotto et lui firent partie de la fournée des dix résistants fusillés le 18 juin 1944, dans la banlieue d’Annecy, à Vieugy (Haute-Savoie).
Il avait pu faire parvenir à sa famille une dernière lettre :

 
« Petite Maman, petite Licette, petit Pierrot,
Mes chéris,
J’ai déjà essayé de faire sortir une lettre de ma prison, je ne sais pas si elle a pu vous arriver, aussi j’essaie de nouveau une autre tentative.
Ma situation n’a pas changé, j’ai été arrêté le 25 mai à Annecy où je suis pour le moment incarcéré. Je sais que je n’en sortirai que pour être fusillé, car l’on connaît exactement mon activité et ma responsabilité dans la Résistance. J’ai été vendu ; on prend son parti de tout, même d’être fusillé. J’aurai le courage, il m’en faut.
Du fond de ma cellule, ma pensée vogue constamment vers mes chéris. Je pense à mon petit Pierrot, que je chéris tant et que je connais si peu.
Je pense à la vie que nous aurions mené avec toi, ma petite Licette adorée auprès de notre petit Pierrot, qui aurait grandi près de nous. Mais c’est un beau rêve qui ne se réalisera pas. Je pense à toi, petite maman ; je pense au chagrin que te causera ma mort.
Pourtant la vie n’aura pas déjà été si gaie ; tu mérites un peu la joie dans ta vieillesse, mais ayez du courage. Sachez vous remonter ; il m’en faut à moi pour vous quitter.
J’aurais tant aimé pouvoir vous serrer dans mes bras tous les trois avant de mourir, mais je sais qu’il ne faut pas y compter et que l’on n’accorde pas cette dernière joie.
Comme tant d’autres, j’ai donné ma vie à la France, ce n’est pas un sacrifice inutile, j’ai ma confiance absolue en l’avenir de la France.
Petite Licette, je te laisse notre petit Pierrot et je te demande de l’élever comme je l’aurais fait moi-même. C’est là mon vœu le plus cher. Fais-en un homme propre, qui sache faire passer l’intérêt de la France avant l’égoïsme personnel. Il y a plus de joie dans une telle vie que dans celle du jouisseur égoïste. Petite Licette, je reconnais en toi l’épouse admirable, l’épouse forte et courageuse des mauvais jours. Cela a été pour moi un grand soutien. J’emporterai avec mon amour pour toi le plus tendre et réconfortant souvenir.
Petite maman, je ne pense pas à toi sans me rappeler toute ma jeunesse, toute mon enfance entourées d’amour maternel et de tes caresses ; c’est pour moi le souvenir le plus doux.
Ma plus grande tristesse, c’est de ne t’avoir presque pas connu petit Pierrot chéri, de n’avoir pas connu le petit bonhomme gai, remuant, plein de vie et de tendresse que tu es. Tu es tout jeune, tout petit, tu ne garderas de moi qu’un très vague souvenir. Ecoute bien petite Maman chérie, aime-là bien comme elle t’aime, ce sera pour elle le meilleur réconfort.
 
Loulou. »

Les restes de Louis Mazaudier furent transférés à Marseille où ses obsèques eurent lieu le 28 novembre 1944.
Son nom fut donné à un boulevard du 12e arrondissement de Marseille par une délibération du 23 juillet 1945. Il fut déclaré « Mort pour la France » le 12 septembre 1945

Vieugy, ex-commune de Seynod, auj. Annecy (Haute-Savoie), 15 juin-10 août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121368, notice MAZAUDIER Louis par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 27 novembre 2022.

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. dép. Bouches-du-Rhône 5 W 200 (dossier d’internement) et 150 W 115. — Arch. Dép. Var, 4 M 291. — Arch. Com. Marseille. — Rouge-Midi (nécrologie et photo), 28 novembre 1944. — Michel Aguettaz, Francs-Tireurs et Partisans français dans la Résistance savoyarde, Grenoble, Pug, 1995. — Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éd. Jeanne Laffitte, rééd. 2001. ⎯ Comité de pilotage du Cd-Rom sur la Résistance, Haute-Savoie, Résistance et déportation. Dictionnaire, Annecy, Conseil général de la Haute-Savoie, direction des Affaires culturelles, 2005, p. 130-131. ⎯ Louis Gazagnaire, Dans la nuit des prisons, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 179. ⎯ Guy Serbat, Le P.C.F. et la lutte armée 1943–1944. Témoignage. Mémoires de l’ancien commandant militaire en second des F.T.P. de la zone sud, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 21-22. — État civil.

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