MAZUEZ Pierre, Fernand

Par Gilles Morin

Né 16 janvier 1904 à Épinac-les-Mines (Saône-et-Loire), mort 16 février 1968 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) ; docteur en médecine ; militant socialiste et résistant ; maire de Montceau-les-Mines (1944-1949 ; 1953-1965) ; député socialiste de la Saône-et-Loire (1945-1958) ; secrétaire adjoint de la fédération socialiste SFIO, puis secrétaire des fédérations du PSA et du PSU de la Saône-et-Loire (1959-1961).

Pierre Mazuez naquit dans une famille d’instituteurs publics, Jean-Baptiste Mazuez et Anna France Boulay, ses parents, mais aussi ses grands-parents, oncles et tantes ayant tous enseigné. Titulaire du CEP et du baccalauréat, étudiant au lycée Lamartine de Mâcon, puis à la faculté de médecine de Lyon, il obtint son doctorat en 1929, en présentant une thèse intitulée : « Quelques considérations sur un sport moderne : le rugby ». Lui-même fut joueur de rugby durant 17 saisons. Il obtint encore des certificats de bactériologie à la Faculté de Lyon et ouvrit un cabinet à Montceau-les-Mines en 1929.

Fils d’un militant socialiste, Pierre Mazuez adhéra à la SFIO en 1928 ou 1929 selon les sources. Son premier mandat électif fut celui de conseiller municipal, élu le 17 mai 1936 et de premier adjoint au maire de Montceau-les-Mines en septembre suivant. En 1939, il devint secrétaire de la section socialiste SFIO de la ville. Dans la fédération de Paul Faure*, il animait depuis plusieurs années la Bataille socialiste et représenta la minorité de la fédération aux congrès du Parti socialiste à Paris (1936), Royan (1938) et Nantes (1939). En septembre 1938 il défendait, contre l’immense majorité de sa fédération, des thèses antimunichoises. Il était également président de la section locale de Ligue des droits de l’Homme.

Mobilisé en 1939, comme médecin-lieutenant adjoint au 44e corps d’armée, il fut détaché comme médecin adjoint. Fait prisonnier de guerre à La Bresse le 22 juin 1940, il le resta pendant 42 mois, jusqu’en novembre 1943 dans un Oflag en Autriche, puis dans un stalag où il fut médecin chef du camp en Bavière. Revenu en France, il reprit alors sa profession de médecin à Montceau-les-Mines ; il avait été révoqué de ses fonctions d’adjoint par Vichy en son absence (en 1941). Il entra alors dans la Résistance, passa dans la clandestinité et fut médecin-chef du maquis de Cruzilles de la Saône-et-Loire et médecin commandant des FFI. Il fut pour son action décoré du titre de Chevalier de la Légion d’honneur pour services exceptionnels de guerre et de résistance (décret de décembre 1946) et se vit attribuer la Croix de guerre avec palmes, au titre de la Résistance.

En avril 1947, Odette Merlat, correspondante du Comité d’histoire de la Seconde guerre mondiale, en donnait la description suivante : « Grand, maigre, de longs cheveux blonds, des yeux très clairs, une chemise bordeaux, une cravate rouge, l’air un peu négligé et maladif, mais très cordial et tout prêt à offrir ses services ».

Pierre Mazuez fut délégué par le comité de Libération à la tête de la municipalité provisoire de Montceau-les-Mines le 6 septembre 1944. Il succédait ainsi à Jean-Marie Bailleau*, socialiste et coopérateur, qui avait conservé la direction de la mairie durant l’Occupation, ce qui lui valut d’être chassé de son poste et exclu du Parti socialiste. Aux élections municipales de mai 1945, sa liste composée de dix communistes, dix socialistes SFIO et sept indépendants unis sur le programme du CNR, l’emporta largement au premier tour sur les paulfauristes. Devenu maire de la commune, il fut réélu en 1947, démissionna en 1949, puis fut réélu en 1953 et 1959.

Dans le principal bastion paulfauriste de France, les jeunes résistants, anciens minoritaires, menèrent une épuration sans concession, avec l’appui de la direction nationale du parti reconstitué dans la clandestinité. Le 5 octobre, Pierre Mazuez participa au congrès fédéral de la SFIO. Avec Paul Escande*, Georges Ballot* et Lequertier, il défendit le principe des exclusions des six anciens parlementaires, dont Paul Faure, qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain, ou n’avaient pas eu une attitude résistante indiscutable. Ils contestèrent la régularité du congrès qui les mit en minorité (851 mandats paul-fauristes contre 337 mandats). Avec les autres socialistes résistants ils se réunirent à part et formèrent un bureau fédéral dans lequel Mazuez fut élu secrétaire fédéral adjoint. Mazuez aurait défendu par ailleurs l’unité ouvrière au congrès fédéral selon ses adversaires : il se serait prononcé pour le nouveau parti « en attendant de former un parti unique avec les communistes ». Il assumait aussi depuis la Libération la direction politique du journal, Le Petit maconnais.

Placé en tête de liste SFIO, Pierre Mazuez fut élu député à la première Constituante, le 21 octobre 1945. Sa liste rassemblant 56 138 voix sur 243 511 suffrages exprimés, elle remporta deux des six sièges à pourvoir, Paul Escande étant aussi élu. Membre de la commission de la famille, de la population et de la santé publique et de la commission du travail et de la sécurité sociale, le médecin socialiste prit dans un département viticole une position courageuse en faveur de la limitation des débits de boissons ; rapporteur pour avis, il intervint en ce sens le 19 mars à la tribune de l’Assemblée, affirmant clairement « pour lutter contre l’alcoolisme, il faut réduire le nombre des débits de boisson ». Il fut réélu député jusqu’en novembre 1958, le seul socialiste du département à partir de juin 1946, Escande n’étant pas reconduit car les suffrages socialistes allaient s’amenuisant sans cesse jusqu’en 1956 qui vit un léger redressement. Le déclin de l’électorat et son repli sur les bases originelles du bassin montcellien et d’un Mâconnais plus tardivement conquis sanctionnait aussi un manque de dynamisme de la fédération. Ses votes à l’Assemblée étaient conformes à ceux de son groupe et son activité parlementaire importante comme le montre le Dictionnaire des parlementaires. Secrétaire de la commission santé et famille en novembre 1946, puis vice-président de celle-ci, il fut élu vice-président puis président de la commission des immunités parlementaires, secrétaire de la commission du suffrage universel, des règlements et des pétitions. Il fut également juré de la Haute cour de justice. Il siégea enfin à la commission « chargée d’enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 ». Parmi ses propositions de loi, notons celle visant à abroger la loi « Marthe Richard » du 13 avril 1946 prohibant la prostitution qui selon lui avait « manqué son but ». Il plaidait pour une stricte réglementation de la prostitution, qui passerait notamment par l’attribution aux prostituées d’un « carnet sanitaire » permettant leur suivi médical.

Au sein de la SFIO, Pierre Mazuez qui abandonna ses fonctions de secrétaire fédéral adjoint lorsqu’il fut élu député (mais resta membre de la commission exécutive fédérale), continuait de se situer à la gauche du parti ; il signa avec Guy Mollet la motion de « redressement » pour le congrès de 1946, contribuant à renverser la direction de Daniel Mayer. Il comptait parmi les amis personnels de Guy Mollet avec lequel il correspondait régulièrement en dépit de nombreuses divergences tactiques. Très hostile au bolchevisme, il eut des heurts violents avec les communistes dès 1946. Son absence du congrès national du syndicat des mineurs en février 1946, auquel vinrent participer Waldeck-Rochet et Maurice Thorez, alors vice-président du conseil, fut très critiquée. Il refusa de voter l’investiture Thorez en décembre 1946 et les incidents se multiplièrent, comme lors de l’inauguration du monument de Bel Air à la mémoire des fusillés et déportés le 19 juillet 1949. Il dénonçait les « affirmations pro-soviétiques, sacrifiant l’intérêt de la classe ouvrière française à des préoccupations de nationalisme étranger ». Il montrait la même intransigeance vis-à-vis de la droite et surtout des poujadistes, qu’il refusa sans discontinuer de recevoir dans sa mairie. Sa réélection en 1956 se fit à la suite d’un affrontement permanent durant la campagne électorale. Lors de la crise de la CED, puis durant la guerre d’Algérie, il soutint jusqu’en mai 1958 la majorité du parti. Dans sa profession de foi de 1956, il proposait en Algérie, « l’application appropriée à chaque territoire du principe de l’Association librement consentie des peuples d’Outre Mer avec la métropole ». Il appartint à la direction de la Fédération des élus socialistes municipaux et cantonaux.

Mazuez vota, le 1er juin 1958, contre l’investiture du général de Gaulle et refusa les pleins pouvoirs au gouvernement, mais ne prit pas part au vote sur la révision constitutionnelle (scrutins des 1er et 2 juin 1958). Il se prononça publiquement contre l’approbation du référendum. Battu aux élections législatives de novembre 1958, dans la 4e circonscription, il fut réélu à sa mairie, grâce à une alliance avec le Parti communiste, menant une liste « antifasciste », aux élections de mars 1959.

Minoritaire dans son parti, Mazuez continuait de bénéficier d’une position solide dans sa fédération. Il se disait désormais antimolletiste, « pas de principe, mais par les faits ». Le 6 avril, il écrivit au préfet pour lui annoncer qu’il refusait de recevoir le général de Gaulle, de passage dans son département. Il fit adopter cette position par le comité fédéral entraînant ainsi la démission d’Escande, maire de Chalon.

Présent au congrès du PSA à Montrouge en mai 1959, officiellement comme journaliste, Mazuez rejoignit ce parti le 17 octobre avec le conseiller général de son canton, Mézière, en dépit des réticences qu’il avait pu manifester, craignant que le PSA ne soit un parti dominé par les anciens de la Gauche révolutionnaire. Secrétaire de la fédération du PSA en novembre 1959, puis de celle du PSU à sa fondation en 1960 (elle comptait 150 adhérents), il fut très critiqué par les anciens de l’UGS au congrès fédéral de mai 1961. Il ne demanda pas le renouvellement de son mandat et démissionna du PSU le premier février 1962, déclarant qu’il ne lui était pas possible d’être dans une même organisation que « les adeptes du socialisme chrétien », et de réaliser un programme politique. Il reprochait au PSU de ne pas faire de la laïcité « l’idée force d’une pensée, sans laquelle il n’y a pas de tolérance ni de liberté de choix individuel ».

Pierre Mazuez se montra rapidement nostalgique de la vieille maison. Tout en critiquant toujours la politique de Guy Mollet, il appelait régulièrement à « faire abstraction des querelles de jadis » et à remédier à la division de la gauche. En 1963, après l’appel lancé par Guy Mollet à Boulogne-sur-Mer, il lui écrivit : « Plus rien ne nous divise, c’est très volontiers que, nostalgique de la SFIO, je rejoindrais les rangs. » Guy Mollet lui répondit favorablement, mais c’était sans compter avec les oppositions locales.

Candidat aux élections municipales de 1965 sous l’étiquette « socialiste indépendant », il fut victime des divisions de la gauche socialiste montcellienne. Mazuez resta actif et influent dans la vie politique locale et départementale. Président du club des Amis de Jean Bouveri, où se retrouvaient les sympathisants socialistes montcelliens hostiles à la fédération SFIO jugée trop droitière, il ne cessa d’inquiéter les responsables SFIO. À sa mort en 1967, il n’avait pas obtenu la réintégration au sein du parti pour laquelle il avait entrepris plusieurs démarches.

Mazuez fut encore membre de l’Ordre des médecins de Saône-et-Loire, président de l’Association des maquisards du bassin minieur de Blanzy, président d’honneur des anciens prisonniers de guerre de Saône-et-Loire et vice-président du comité de rugby de Bourgogne, puis président du Comité de Bourgogne de 1963 à 1966.

Marié à Lyon 3e, le 23 février 1928, avec Emma Capelli, puis veuf, il se remaria, le 8 décembre 1943 à Saint-Maurice-de-Satonnay avec Jeanne Mathus et il eut un fils.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121428, notice MAZUEZ Pierre, Fernand par Gilles Morin, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 29 mars 2022.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. nat., F/7/15511, n° 4712 ; F/1b1/998 ; F/1cII/110, 132/A, 206, 563 ; 72 AJ/70, témoignage recueilli par Odette Merlat, le 1er avril 1947. — ADSL : 1239W 103, 108, 109, 111, 112, 113, 114, 116, 117, 279, 283, 294, 295, 296, 304, 306, 312, 313, 314. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. OURS, correspondance de la Saône-et-Loire. — Archives A. Seurat. — Papiers communiqués par Charles Margueritte. — Bulletins intérieurs de la SFIO. — Etat civil. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1939. — Tribune socialiste, 21 mai 1960, 13 mars 1965. — État civil. — Notes de Pascal Rigaud.

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