MERCADER Georges

Par Claude Pennetier

Fils de Caridad Mercader, aîné de la famille, frère de Ramon Mercader l’assassin de Trotsky, Georges Mercader, militant et responsable communiste à Bordeaux (Gironde) pendant les années trente.

Georges Mercader
Georges Mercader

Joseph Minc a laissé un portrait de Georges Mercader dans ses mémoires : « Au sein de cette [...] cellule du Bacalan [Bordeaux], Lisa fit la connaissance, fin 1934-début 1935, d’un communiste espagnol, Georges Mercader. Georges voyageait beaucoup, il était dans la marine commerciale. Il s’absentait pendant des mois, puis revenait à Bordeaux pour quelque temps. Il avait eu la polio, et cela nécessitait des piqûres. Comme il habitait sur le trajet entre l’atelier et Bataclan, je passais tous les soirs, des mois durant, pour lui faire ses injections. Cela nous reprocha. Il avait une femme et une fille, dont je fis la connaissance. Nous devînmes de très proches amis. ».[...] « Un jour, Georges me dit : « Viens Joseph, je vais te présenter ma mère ». Elle était de passage à Bordeaux. Je me retrouvai dans un hôtel, face à cette belle femme, très bien habillée, qui s’apprêtait à partir en voyage au Mexique... Quelques temps plus tard, je la retrouvai en photo dans l’Illustration : elle y figurait à la tête d’une manifestation de soutien, à Mexico, aux Républicains espagnols » [...] Après notre départ de Bordeaux, Lisa et moi avions perdu Georges de vue. Mais un jour, alors que je me trouvais dans un café du boulevard Bonne-Nouvelle, Le Nègre, je tombai sur lui par hasard : il était venu à Paris pour faire opérer sa jambe par le Dr Cachin, et il était accompagné d’une femme que je ne connaissais pas. » [...] « Georges avait divorcé de sa femme. Sa fille était morte. Mais il avait de nouveau fréquenté son ex-femme, avec qui il avait un deuxième enfant. » [...] « Nous renouâmes avec lui, et nous devînmes donc amis avec sa nouvelle femme, Germaine [ Germaine Luciani, la police dit qu’ils vivaient ensemble 6, rue Favorites Paris XVe arr.] : plus tard, pendant la guerre, elle allait nous rendre de grands services. Germaine était bourguignonne, originaire de Meursault, ce qu’un bon vivant comme Georges — qui aimait boire — ne pouvait qu’apprécier. » [...] « Georges Mercader faisait partie de ceux qui étaient encore à Paris. Sa femme Germaine, malade, était à la campagne. Un jour que j’accompagnai Georges à la gare de Lyon, où il devait prendre un train pour le rejoindre, il me confia un terrible secret : « Joseph, me dit-il, celui qui a assassiné Trotski, c’est mon frère [...] j’étais évidemment sidéré, et ce secret allait me peser pendant longtemps, au point de le taire à ma propre femme. » [...] « En juin 1941, Georges avait prévu de se rendre en URSS. Il avait un passeport soviétique, tout comme Germaine qui devait l’accompagner. Or le matin même de son départ, éclata la nouvelle de l’attaque de l’URSS par l’Allemagne ! Je l’appris par la radio, et lui téléphonai aussitôt pour le dissuader de partir, « Ce n’est pas possible, me répondit-il, L’ambassade m’aurait prévenu. » Malgré tout, lui et Germaine prirent donc le train prévu. Ils furent arrêtés à Metz, et Georges passa le reste de la guerre en captivité, en tant que citoyen soviétique. Germaine, de son côté, après quelques mois de retenue à Metz, fut libérée : elle était française. Ce fut cependant difficile pour elle, car de retour à Paris, elle fut victime de méfiance. Certains pensaient en effet qu’elle avait été libérée pour mettre à jour des réseaux de résistants. » Elle fut d’ailleurs mise sur la Liste noire de janvier 1943 : "Exclue comme policière". À la Libération, au Comité juif d’action sociale et de reconstruction, Joseph Minc vit arriver « un beau matin mon ami Georges Mercader. Libéré de prison où il était retenu depuis son arrestation à Metz, il se présentait au COJASOR pour obtenir une aide de redémarrage. Ce nouveau départ n’était pas facile pour lui. Il n’avait pas de métier. Avant-guerre, il avait été marin, puis il avait fait la guerre d’Espagne, avant de travailler pour l’ambassade soviétique. Je le présentais à un ami de Levallois, Malek. Ce dernier avait une entreprise de photo industrielle qui marchait ben, et à ma demande, il embaucha Georges, qui allait y rester jusqu’à sa retraite. »

Lorsque Joseph Minc voulut retourner dans sa ville natale Brest-Litovsk, alors en URSS « il se trouva une personne de poids pour m’en dissuader : la mère de Georges, Caridad. Elle était revenue à Paris et nous étions devenus de très grands amis. Elle avait noué une relation très affectueuse avec notre fille. Quand je lui dévoilai mon idée, elle me dit : « Joseph, connaissant votre tempérament, ce n’est pas un pays pour vous ! » Un conseil qui avait de la valeur à mes yeux : celle qui me prodiguait avait elle-même vécu plusieurs années là-bas, en tant que représentante du PC espagnol. »

Luis Mercader, frère de Georges, pense que Georges Mercader travailla officiellement pour le NKVD à partir de 1939, mais qu’il avait sans doute rendu des services dès 1936, sous la houlette de Léonid Eitingon et d’Alexandre Orlov.

La liste Noire Nouvelle série, liste n°1 janvier 1943, livre une curieuse notification : "MERCADER Georges, ami de Germaine Frère [Luciani], arrêté par les allemands, a consenti que sa maîtresse se mette au service de la Gestapo". Les listes Noires du PCF racontent n’importe quoi mais cette attaque contre un membre de la famille Mercader intrigue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121681, notice MERCADER Georges par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 16 décembre 2015.

Par Claude Pennetier

Georges Mercader
Georges Mercader
Ramon Mercader, frère de Georges
Ramon Mercader, frère de Georges
A Moscou, à la fin de sa vie
(DR)

SOURCES : Témoignages. — RGASPI 495.220.363, autobiographie de Caridad Mercader jusqu’en 1937, non datée [1938]. — Joseph Minc, L’extraordinaire histoire de ma vie ordinaire, propos recueillis par Benoit Mougne, compte d’auteur imprimé par Bookpole, Paris, 2001, 210 p. — Fiche de police de Germaine Luciani.

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