Né le 7 juillet 1908 à Verrens-Arvey (Savoie), mort le 4 janvier 1982 à Valence (Drôme) ; libertaire devenu communiste ; dirigeant de la communauté de travail de Boimondau.
Né dans une famille de petits paysans, Marcel Mermoz obtint en 1920 le Certificat d’études. Il commença des études à l’école primaire supérieure d’Albertville, qu’il quitta vite parce que ses parents ne pouvaient plus payer la pension.
Vers 1923, il partit de Savoie pour la Charité-sur-Loire (Nièvre), avec l’idée de visiter le Berry, « le pays de George Sand ». C’est l’époque où la découverte du premier récit de Panaït Istrati bouleversa l’adolescent. Mermoz fut d’abord employé de quincaillerie, mais exerça divers métiers, cherchant toujours l’aventure plus que la sécurité. Marcel Mermoz arriva à Paris où il travailla comme triporteur, puis plongeur de restaurant, avant de devenir apprenti boulanger. En 1926-1927, il se fit embaucher en Beauce, à la sucrerie de Toury, puis pour la moisson. La justice le condamna à trois mois de prison pour un vol de pommes de terre. De retour à Paris, il fut débardeur au canal de l’Ourcq, nettoyeur de wagons à la gare de l’Est, porteur aux Halles. C’est alors que ce personnage chaleureux, original, passionné, commença à fréquenter les réunions anarchistes et devint compagnon de l’En-Dehors.
De 1927 à 1933, Marcel Mermoz fut ouvrier boulanger, à Villeneuve-Saint-Georges, puis à Paris où il fréquenta, en 1928, le Club du Faubourg de Léo Poldès. L’année suivante, il donna son adhésion aux Jeunesses communistes mais n’y resta que six mois car ses tendances libertaires l’emportèrent. Le Libertaire publia plusieurs de ses articles dans les années trente. En 1930-1931, il fit un grand voyage en bicyclette, de Paris à Berlin. Il participa à la revue Jeune Révolution.
Peu après, le 6 février 1934, Marcel Mermoz adhéra au Parti communiste ; il fut arrêté et emprisonné quelques jours comme « anarchiste » après l’assassinat de Barthou le 9 octobre. En 1936-1937, il fit un stage de mécanicien d’aviation chez Michelin, puis, en 1938-1939, comme ajusteur à la Capra, usine d’aviation ; en février 1938, il habitait Chamalières (Puy-de-Dôme).
En 1939, il devint membre du comité de section communiste de Villepinte, puis au Tremblay-lès-Gonesse (Seine-et-Oise). Dans son langage coloré, Mermoz écrira "Le pacte germano-soviétique m’avait escagassé, mais à ce moment-là, j’en étais à un point d’écœurement », en ajoutant qu’il était alors allé en discuter avec Marius Vazeilles.
Resté dans la région parisienne comme affecté spécial, il fut arrêté le 29 décembre 1939, avec une centaine de communistes, impliqué dans une affaire de tracts clandestins, et incarcéré à la Santé, puis dans divers camps d’internement, notamment, à partir du 20 septembre 1940 à Saint-Sulpice-la-Pointe, dans le Tarn ; en août 1941, il fut libéré et aussitôt arrêté ; il fit cinquante jours de prison à Castres, puis devint le bibliothécaire du camp de Saint-Sulpice et fut libéré de Saint-Sulpice le 28 mars 1943, onze jours avant l’évacuation complète du camp. C’est l’industriel catholique Marcel Barbu, qu’il avait connu à Saint-Sulpice, qui avait réussi à obtenir sa sortie. L’amitié Barbu — « idéaliste-mystique » — Mermoz « matérialiste-utopique » — s’inscrira comme une belle fraternité qui défiera le temps en dépit des divergences que les deux hommes finiront par surmonter.
En avril 1943, à peine avait-il trouvé du travail à Valence dans l’usine d’horlogerie de Marcel Barbu qu’il fut recherché par la police et dut s’enfuir au maquis de Mourras (à l’entrée du Vercors) dont il devint le chef. Il fit des voyages à Paris pour le compte de la Résistance et du réseau de « la Chaîne », relié à celui de Marie-Madeleine Fourcade, avec Barbu et Riby. Le 8 mars 1944, après l’attaque de Mourras par les Allemands, il s’installa à la ferme Saint-Raymond, baptisée « Territoire libre de Boimondau » (BOItiers de MONtres du DAUphiné), pseudonyme inventé par Henri Desroche et le Père Lebré. Le 14 avril 1944, il remplaça Barbu (arrêté par les Allemands à Paris) comme chef du maquis et responsable temporaire de la « communauté de travail Marcel Barbu ». En juillet 1944, il fut pris dans l’attaque de Combovin et l’encerclement du Vercors par les Allemands, mais réussit à s’en tirer avec son maquis, et, à la Libération de Valence, il devint secrétaire général de la Communauté Marcel Barbu.
En janvier 1945, Marcel Mermoz ne reprit pas sa carte du PCF et participa à la campagne électorale de la Constituante, en faveur de la liste Paul Deval-Marcel Barbu, qui furent l’un après l’autre députés de la Drôme. Le 1er janvier 1946, il devint le chef de la Communauté de travail Boimondau qui remplaça la Communauté de travail Marcel Barbu mais il se brouilla avec Barbu. En 1947, il participa, avec Claude Belmas, journaliste communiste, et avec les grévistes de Valence, à l’attaque de la gare de Valence où les CRS avaient tué trois personnes. Il fut cité comme « témoin » au procès de Belmas, qu’il embaucha à Boimondau. Il devint membre du Bureau national des cadres CGT et du bureau du Mouvement de la Paix de la Drôme. En 1950, Mermoz créa l’Entraide communautaire et devint chef de la cité horlogère Donguy-Herman à Valence, regroupant trois communautés de travail et une école d’horlogerie financée par l’Organisation internationale des réfugiés de l’abbé Glasberg. Mais, en 1951, il donna sa démission de chef de la Communauté Boimondau, et, en 1953, créa l’Union horlogère, association regroupant Boimondau, la Cité horlogère et les communautés de la Cité horlogère (quatre usines, quatre cents travailleurs). Il resta le responsable des relations humaines de Boimondau. Toujours en 1953, il devint président de l’Entraide communautaire au congrès de Lyon, en remplacement de Gaston Riby.
Sa rupture morale définitive avec le communisme date de la révolte hongroise de 1956. La même année, Marcel qui connaissait personnellement Messali Hadj, créa et dirigea un foyer de travailleurs algériens, hébergé dans la Cité horlogère. Son aide à Gettaz, responsable FLN de la zone de Valence, amena la police à perquisitionner dans la Cité horlogère en 1958. Il donna cette année-là sa démission de Boimondau, de l’Entente communautaire, et du foyer dauphinois, coopérative de HLM de la Drôme qu’il avait animée avec Barbu et qui construisit trois mille maisons en accession à la propriété pour les ouvriers et avec eux, en « travail castor ».
Cet autodidacte avait voulu aller jusqu’au bout dans son expérience d’usine sans patron dont les effectifs atteignaient deux cents personnes. Mais écrira-t-il en relatant son expérience : « L’autogestion c’est pas de la tarte ».
Marcel Mermoz fit un voyage en Israël, en août 1958, sur l’invitation de la Histadrouth, avec Henri Desroche (Collège coopératif), Cruiziat (Vie nouvelle) et un représentant de Peuple et Culture. Il cotisera simultanément au Front juif unifié et, plus tard, au Fath, à Alger.
En 1961, il voyagea en Grèce et, en 1974, fit son premier séjour en Égypte où il retourna souvent. En 1971, Mermoz réalisa son rêve d’adolescent : retrouver en Roumanie les traces de Panaït Istrati. Créateur de la Fondation Panaït Istrati en 1975, président de l’Association des amis de Panaït Istrati l’année suivante, il contribua à la renaissance de son œuvre, notamment avec la réédition de Vers l’autre flamme qu’il réalisa en 1978 avec les Éditions 10-18.
Marcel Mermoz qui jouissait d’une notoriété nationale depuis son passage remarqué dans des émissions télévisées, mourut le 4 janvier 1982 d’un cancer de la plèvre à l’hôpital de Valence.
ŒUVRE : L’autogestion c’est pas de la tarte !, entretiens avec Jean-Marie Domenach, Seuil, 1978.
SOURCES : Jeune Révolution, années 1929-1933. — Le Libertaire, années 1929-1933. — Le Lien, 1941-1960. — Communauté de travail Marcel Barbu, Des hommes libres, numéro spécial du Lien, 1946. — Marcel Mermoz, L’autogestion c’est pas de la tarte ! entretiens avec Jean-Marie Domenach, Paris, Éd. du Seuil, 1978. — Archives personnelles de Michel Launay. — Lettre de Christian Golfetto. — Notes de Michel Launay (Nice). — Médiathèque municipale de Valence, « La communauté de travail Boimondau et la Cité horlogère », inventaire d’archives, Lettre du fonds local, n° 9, mars 1989.