MESNARD René [MESNARD Jean, Albert, René dit]

Par Gilles Morin, Jean-Louis Panné

Né le 11 mars 1902 à Marcillac-de-Blaye (Gironde), mort en 1945 en Allemagne ; syndicaliste ; successivement socialiste SFIO, néo-socialiste puis RNP ; conseiller d’arrondissement de la Gironde ; collaborationniste ; cofondateur de l’Atelier (1940) ; dirigeant du Centre syndicaliste de propagande et du Comité ouvrier de secours immédiat pendant l’Occupation.

Fils de Hyacinthe Cyprien, agriculteur, et de Marie Robert, René Mesnard, orphelin de père et de mère à trois ans, titulaire du certificat d’études primaires, adhéra aux Jeunesses socialistes, en pleine guerre, en 1916, à quatorze ans. Pacifiste, il resta, après la Première Guerre mondiale, au sein des Jeunesses socialistes qu’il aurait quittées un laps de temps à la suite d’un différend à propos de l’emploi qu’il avait accepté.

Des rapports des Renseignements généraux de mai-juin 1919 présentaient le jeune homme de dix-sept ans comme un « bolcheviste » correspondant et vendeur à Bordeaux du journal pacifiste La Vague. Tout d’abord, encaisseur, il était entré en mars 1919 comme employé chez un commissionnaire, l’agence Fourcade, transport rapide de colis entre Bordeaux et Paris, qui avait des bureaux rue Montmartre. Mesnard faisait trois allers-retours par semaine en train entre Paris et Bordeaux et se faisait remarquer par ses propos révolutionnaires et sa campagne en faveur du bolchevisme. Il fit l’objet d’une surveillance et de filatures. Il fréquentait Fabre, le directeur du Journal du Peuple et les locaux du Populaire, de la Vague et de l’Humanité. Il proclamait sa haine de Clemenceau, regrettant que Cottin ne l’ait pas tué. À la suite de cette enquête, il fut renvoyé avec Guillaume Delucq.

L’Humanité du 21 novembre 1920 publia sa signature à la motion Blum-Paoli en le présentant comme « secrétaire à la propagande des JS ». En 1921, il devint secrétaire de la Fédération girondine des JS, puis un an plus tard, secrétaire du comité électoral du 3e canton. En mars 1925, le bureau du comité d’action régionale des Jeunesses socialistes de la Gironde était ainsi constitué : René Deval, secrétaire à la propagande, Marguerite Bentejac, secrétaire administratif, René Mesnard, rapporteur à la propagande

Vraisemblablement employé de commerce, puis employé de cinéma comme opérateur, il avait adhéré en 1917 à l’Union des commis et comptables CGT où il seconda Édouard Lavielle comme secrétaire en 1926. Cette même année, il assista comme délégué au XXIIIe congrès de la Fédération des employés tenu à Paris les 15 et 16 août. En janvier 1928, il fut condamné à vingt jours de prison et 200 F. d’amende envers les commerçants pour apposition d’affiches jugées diffamatoires au cours d’une campagne pour la défense de la semaine anglaise (« des commerçants de nationalité indéfinie »). Il succéda à Édouard Lavielle, décédé, au poste de secrétaire général de l’UCC-CGT de 1928 à 1940. Il fut délégué aux congrès nationaux de la CGT à partir de 1927 (Paris, 26-29 juillet) jusqu’en 1935 (Paris, 24-27 septembre), puis de nouveau au XXVe congrès tenu à Nantes les 14-17 novembre 1938. En octobre 1929, il avait été élu à la commission exécutive de l’Union syndicale confédérée de la Gironde.

René Mesnard s’assura encore des moyens d’influence grâce à la presse. De 1925 à 1940, il fut directeur du journal d’Adrien Marquet, Le Progrès de Bordeaux, et, dirigea Bordeaux Ciné, revue corporative du cinéma, de 1928 à 1940.
Dès cette époque, le personnage de Mesnard était fort contesté notamment par les communistes qui dénoncèrent ses changements d’attitude. Il se trouva confronté en permanence à de violentes attaques ad hominem des communistes. En 1928, il fut choisi par ses camarades de Pauillac comme candidat aux élections législatives, mais fut supplanté par Joseph Martet*. En 1929, il était à la fois gérant et rédacteur en chef du Progrès économique, politique et social. Élu conseiller d’arrondissement du Médoc le 22 juin 1930, à l’issue d’une élection partielle, il fut candidat socialiste aux élections législatives de 1932 dans l’arrondissement de Lesparre contre Georges Mandel. Il obtint 3 120 voix sur 16 269 votants (19 %) et se désista en faveur du candidat radical-socialiste qui fut battu. Lors de la scission néo-socialiste, la section de Pauillac resta fidèle dans sa majorité à la tendance Blum*, mais Mesnard participa à cette scission au côté de Marquet* et Gabriel Lafaye). Lorsque les « néos-girondins » se divisèrent en 1935, Marquet, Antoine Cayrel et Max Bonnafous, abandonnèrent le Parti socialiste de France pour fonder le Parti néo-socialiste de France, alors que Georges Lasserre, Lafaye* et Justin Luquot formaient l’USR. Après l’échec des « néos » à Pauillac, René Mesnard se présenta sous l’étiquette de l’Union socialiste républicaine aux élections législatives d’avril-mai 1936 dans la circonscription de Blaye. Il recueillit 857 voix sur 13 101 suffrages exprimés (6,5 %). Par la suite, il s’occupa de l’organisation du service d’ordre des « néos ».

Brutal et peu éduqué, selon le portrait à charge qu’en tracent Michel Bergès et André Cuq, Mesnard fut, selon ces critiques, l’un de ceux qui prirent à la lettre l’idée de concurrencer le fascisme. Selon le témoignage de R. Gonthié* rapporté par Michel Bergès, René Mesnard était dès 1934 favorable au national-socialisme. L’homme qui, selon d’autres témoignages concordants, aimait à dénoncer la « démocrassouille », organisa le service d’ordre des « néos » en fondant le groupe militarisé des Jeunes béliers de France, dont il fut secrétaire des équipes d’action. L’apparition des militants vêtus de chemises grises et cravates rouges au congrès national des « néos » de Montrouge en janvier 1935, provoqua des incidents. Rappelons toutefois que ce décorum n’était pas exceptionnel, même à gauche : les militants de la Flèche de Bergery portaient uniforme, tout comme les Jeunesses socialistes (chemise bleue et cravate rouge). Les adultes encadrés par les amis de Marceau Pivert, fondèrent à la même époque les TPPS (Toujours prêts pour servir). Pendant l’Occupation, il affirma que son admiration pour le national-socialisme datait de cette époque (L’Atelier, 7 février 1943), mais il faut se méfier des reconstructions a posteriori.

René Mesnard n’en avait pas pour autant abandonné le syndicalisme. En 1937, il lança Syndicalisme 37 où il exposa ses conceptions proches du néo-socialisme. « Munichois » en septembre 1938, il s’opposa à la grève du 30 novembre.

René Mesnard était par ailleurs administrateur de la société française de coopération cinématographique qui cessa de fonctionner en juin 1940. De 1925 à 1940, il résida à Bordeaux, 82 rue du Loup.

Mobilisé le 20 avril 1940 comme 2e classe, puis réformé quelques semaines plus tard, il reprit la direction de son syndicat, le 30 juin suivant.

René Mesnard qui, selon Albertini connaissait des avant-guerre Grosse, attaché social de l’ambassade d’Allemagne qui finança par la suite ses activités, s’installa avec sa famille à Paris, 57 rue de Lille, à proximité de l’ambassade d’Allemagne, chez un ancien rédacteur au Journal, Lapeyronnie qui fut par la suite directeur du service d’information du STO puis chef de cabinet de Philippe Henriot. Puis de 1942 à 1944, il logea au 5 avenue du Président Wilson (XVIe arr.). Lorsque le 7 décembre 1940 fut publié L’Atelier, hebdomadaire du Travail français, il en fut directeur-gérant, charge qu’il partagea avec un autre girondin Gabriel Lafaye*. Il y écrivit en faveur de la collaboration (« La collaboration, mot d’ordre de notre politique », L’Atelier, 25 janvier 1941). Son épouse et la fille de celle-ci travaillaient à L’Atelier. Ensuite, il participa à la création du Centre syndicaliste de propagande (17 avril 1941), né des efforts communs de L’Atelier et du Rassemblement national-populaire de Marcel Déat* dont les locaux se situaient au siège de l’Atelier 41 avenue Montaigne. Au comité directeur de cet organisme destiné à rassembler les syndicalistes autour de la Révolution nationale, René Mesnard occupa le poste de trésorier, puis de secrétaire administratif à la propagande. Le CSP organisa des conférences comme « le congrès national syndical » des 15 et 16 novembre 1941 sur la Charte du Travail où les militants présents critiquèrent son caractère « réactionnaire » et ses « atteintes insuffisantes au régime capitaliste », avant de s’y rallier. Il adhéra également au Front social du Travail (décembre 1941), autre émanation du RNP.

Après le bombardement anglais des usines Renault de Boulogne-Billancourt les 3-4 mars 1942, Mesnard du RNP et Jules Teulade* du PPF auraient proposé à de Brinon la création d’un service d’entr’aide aux victimes qui prit le nom de Comité ouvrier de secours immédiat (COSI). Installé dans l’ancien siège de la CGT, rue Lafayette, comprenant plus de 200 employés fin 1942, le COSI fut présidé par Jules Teulade quelques semaines, puis par le vieil anarcho-syndicaliste Georges Yvetot (Mesnard étant alors trésorier), puis Mesnard en devint président en mai suivant à la mort d’Yvetot, Jules Teulade était vice-président. Les fonds abondants du COSI, accordés par les Allemands, provenaient d’une amende d’un milliard imposée à la communauté juive. Le COSI situait son action « humanitaire » sur le plan politique, visant à renforcer la collaboration franco-européenne et dénonçant l’action des alliés. En juin 1942, Mesnard entra au Comité d’information ouvrière et sociale (CIOS) créé à l’instigation de Pierre Laval* en tant que représentant du CSP.

René Mesnard a été soupçonné, de même que Teulade*, d’être à l’origine de l’arrestation d’Alfred Lemaire, directeur de la Caisse d’assurances sociales le Travail dont les locaux étaient eux aussi dans le siège de l’ex-CGT et qui était un actif résistant. Quoi qu’il en soit, il s’était ouvertement félicité de cette arrestation qui précéda la déportation et la mort de Lemaire. Il menait par ailleurs « la grande vie », multipliant les maîtresses, dépensant beaucoup, rendant, selon leurs employés de maison, la vie très difficile à sa femme. Il avait fait de celle-ci la directrice du centre pour enfants du COSI à Bures-sur-Yvette.

René Mesnard était encore membre de l’association nationale des Amis des travailleurs français en Allemagne et appartenait au Cercle européen. Il participa à de nombreuses conférences publiques et internes au mouvement syndical. Lors d’une réunion de cadres du COSI, le 11 juillet 1943, à l’instar de Pierre Laval, il dit souhaiter la victoire de l’Allemagne, considérant que seul Hitler était capable de réaliser la révolution européenne. Avec Jules Teulade* et Albert Beugras, tous deux du PPF, il signa une brochure intitulée : Le communisme et les ouvriers en France et préfaça une brochure de Georges Dumoulin : La France ouvrière devant l’Europe.

René Mesnard n’avait pas abandonné toute ambition girondine, puisqu’il devint en 1943 copropriétaire, avec Gabriel Lafaye*, du journal Le Progrès de Bordeaux.
À la mi-août 1944, il fuit pour l’Est avec sa maîtresse, avant de se réfugier en Allemagne à Sigmaringen. En partant, il laissa un mot embarrassé à son épouse où il écrivait notamment : « Que pourrais-je te dire sinon mes immenses regrets de voir tout s’écrouler, tout un travail gigantesque ne plus servir à rien. On va essayer de sauver les meubles !!! et notre peau. » Son épouse, se jugeait abandonnée mais refusa de partir elle aussi.

René Mesnard avait conservé la très riche caisse du COSI – 175 millions de francs avaient été retirés dans les derniers jours à la Banque de France – et dirigea le journal la France jusqu’à son éviction par les partisans de Jacques Doriot. Dans l’exil, il appartint au cabinet du ministre du travail (Déat*), comme chargé du COSI. Comme Jacques Doriot, il fut tué en voiture par un avion allié, probablement en mars 1945 ; il fut enterré à Mengen. Le 18 octobre 1944, il avait été exclu à vie de toute organisation syndicale par la commission Jayat.

Des notes de police le signalent à tort comme responsable de l’association des journalistes antijuifs, le confondant avec Jacques Ménard.

Marié avec Madeleine Dupuis, née le 10 décembre 1899 à Toulouse (Haute-Garonne), il n’avait pas d’enfant. Son épouse, veuve, était mère d’une fille née de sa première union.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121888, notice MESNARD René [MESNARD Jean, Albert, René dit] par Gilles Morin, Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 10 septembre 2013, dernière modification le 24 septembre 2013.

Par Gilles Morin, Jean-Louis Panné

SOURCES : Arch. Nat. F7/12988, 12 989, 13 722, 14939. 20010216/244/10114. Z6/364, dossier Teulade. — Arch. PPo, 1W/615/22097 ; BA/2007. — Arch. IHS, fonds Albertini, lettre à B. M. Gordon. — Arch. Dép. Hautes-Pyrénées, 3 M 89. — R. Hantdoutzel et C. Buffet, La collaboration... à gauche aussi, Perrin, 1989. — P. Ory, Les collaborateurs 1940-1945, Seuil, 1977. — La Vie socialiste, 28 juin 1930. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1932 et de 1936, op. cit. — Compte rendu des travaux de la commission nationale de reconstitution des organisations syndicales..., Versailles, 1946. — M. Bergès, « René Mesnard et Gabriel Lafaye : du socialisme national au national-socialisme », dans Les néos-socialistes girondins, Les Cahiers de l’IAES, 1988 [témoignage de R. Gonthié]. — Y. Cuq, « René Mesnard : un drôle de pistolet », Les Cahiers de l’IAES, 1988. — Pierre Gastineau, Double mètre, vie et mort d’un syndicaliste, Paris, Publibook, 2005. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable