MÉTAYER Pierre

Par Nadia Ténine-Michel, Gilles Morin

Né le 26 août 1905 à Arcueil-Cachan (Seine), mort le 5 juin 1979 à Paris (XIVe arr.) ; professeur de lettres ; militant socialiste de la Seine-et-Oise, puis des Yvelines, secrétaire adjoint (1935-1938), puis secrétaire de la fédération SFIO de la Seine-et-Oise (1945-1961), élu de Chatou puis des Mureaux, maire des Mureaux (1965-1977), conseiller général de Meulan (1966-1976), député (1945-1958 ; 1967-1968), sénateur (1959-1967), membre de la CAP (1938-1940), puis membre du comité directeur (1956-1958, 1961-1963) de la SFIO, membre de nombreux gouvernements de la IVe République.

Fils de Jean Métayer, un facteur des postes, et de Alice Perrichon son épouse, sans profession, Pierre Métayer était le dernier d’une famille de cinq enfants. Après son certificat d’études, il fut élève du Cours complémentaire de la rue Damrémont à Paris et fut admis au concours de l’École normale de la Seine. À son retour du service militaire, le jeune instituteur s’inscrivit à la faculté de lettres et de droit et devint professeur de Cours complémentaire, puis de Collège moderne et enfin de l’enseignement technique.

Pierre Métayer adhéra au Syndicat national des instituteurs et au Parti socialiste SFIO en 1926. Il résidait alors à Chatou (Seine-et-Oise, Yvelines), où il se maria le 12 septembre 1930 avec Gilberte Flantz, dont il eut un enfant. Il devait rapidement cumuler les responsabilités politiques. En 1931, il devint secrétaire de la section de Chatou (il l’était toujours fin 1938), puis entra à la commission administrative fédérale l’année suivante. En 1933, il était membre du secrétariat fédéral, se fit élire conseiller municipal de Chatou aux municipales de 1935 (il devait être révoqué en 1940) et se présenta en 1936 aux élections législatives dans la 3e circonscription de Versailles ; il obtint 2 846 voix sur 26 946 inscrits et se désista au second tour en faveur du communiste Pierre Dadot qui fut élu.

Dans les débats internes à la SFIO, Pierre Métayer, comme la majorité des militants socialistes de la Seine-et-Oise, avec la secrétaire fédérale Germaine Degrond et Désiré Moulin notamment, appartenait à la tendance dite de la Bataille socialiste, animée par Jean Zyromski. De 1935 à 1939, il fut membre du conseil d’administration du Populaire sur la liste de la tendance. En 1938, il devint suppléant de la CAP sur la motion Zyromski. Représentant de la fédération de Seine-et-Oise pendant le Congrès de Royan (1938), il appela à préserver l’unité du parti face à la division engendrée par la tendance Gauche révolutionnaire. Il fit le compte-rendu des débats du congrès de Royan à la réunion d’information de sa sensibilité à la Mutualité, le 15 juin 1938.

Mobilisé en 1939 comme officier, Pierre Métayer fut fait prisonnier en 1940. Interné en Autriche à l’Oflag XVII A, il y organisa la Résistance et contribua à la création d’une section socialiste clandestine. Il monta une filière d’évasion dont il ne put profiter lui-même pour raisons de santé. À la libération du camp, il était chargé des problèmes de ravitaillement.

À son retour de captivité, Pierre Métayer devint un professionnel de la politique, menant son activité sur divers terrains.

À l’intérieur du Parti socialiste, il devint secrétaire de la cinquième fédération socialiste du parti en nombre d’adhérents, celle de Seine-et-Oise, succédant à Germaine Degrond, de 1945 à 1967 (sauf lors de son passage au gouvernement en 1956-1957). Il s’entourait toujours d’anciens membres de la tendance Bataille socialiste. Avaient en effet rejoint la Seine-et-Oise, des hommes comme Pierre Commin, Pierre Pujol et René Boudet qui renforçaient les anciens du courant, outre Métayer, Germaine Degrond et Désiré Moulin. Mais leurs positions politiques avaient évolué, surtout sur la question de l’unité ouvrière qui avait été un des thèmes de la tendance avant la guerre. Métayer, qui intervint au congrès d’août 1945, au nom de sa fédération en proposant un plan pour avancer dans la voie de l’unité organique, adopta rapidement avec ses amis un discours anticommuniste qui se donna libre cours à partir de 1947. Surtout, dès 1946, il assura le vote des mandats de sa fédération à Guy Mollet et devint durant plus de dix ans un des artisans de son contrôle du parti ; Pierre Commin représenta sa sensibilité au secrétariat général du parti à partir de juin 1947 et Métayer le rejoignit à la direction de la SFIO en entrant à son tour au comité directeur en 1956. Il y siégea jusqu’en 1958, puis de nouveau de 1961 à 1963. Il participa à pratiquement toutes les assemblées internes du parti - conférences des secrétaires fédéraux, congrès et conseil nationaux - et y prit parfois la parole pour défendre les thèses majoritaires.

En second lieu, Pierre Métayer mena une carrière parlementaire et ministérielle particulièrement remplie sous la IVe République. Il fut élu député de la Seine-et-Oise de 1945 à 1958, tout d’abord aux deux Assemblées constituantes, puis réélus aux trois législatures régulières de la Quatrième République. Il appartenait à la commission exécutive du groupe socialiste en juin 1946 et fut vice-président de la commission de la Défense nationale de la 2e Assemblée constituante de juin à novembre 1946. Au sein du groupe, il se fit un des spécialistes des questions de défense, avec Max Lejeune, Jules Moch et Jean Capdeville. Durant la deuxième législature, 1951-1956, il fut rapporteur du budget de la Défense. Il était par ailleurs, avec Jean Biondi, un des spécialistes des questions de la Fonction publique, secteur essentiel dans un parti qui comptait un nombre important de fonctionnaires. En 1952-1953, il fut responsable de la fonction publique au sein de la commission nationale d’études du parti. On le retrouva surtout en charge de ces secteurs dans différents gouvernements du tripartisme, de la Troisième force, puis de la fin de la IVe République. Il fut en effet sous-secrétaire d’État à sept reprises : secrétaire d’État aux Armées dans les cabinets Bidault* (juin-décembre 1946) et Blum (décembre 1946-janvier 1947), secrétaire d’État à la fonction publique et à la réforme administrative dans les cabinets Pleven (juillet 1950-mars 1951) et Queuille* (mars-août 1951). Il retrouva cette fonction après une interruption de près de cinq ans dans le cabinet Mollet (février 1956-juin 1957) puis reprit le secrétariat d’État aux Armées dans le ministère de Maurice Bourgès-Maunoury (juin-novembre 1957) et enfin dans celui de Félix Gaillard* (novembre 1957-avril 1958). Dans ces responsabilités, il associait des cadres de la fédération qui participaient à ses cabinets successifs.

Plus tourné désormais vers les questions politiques concrètes que vers les débats idéologiques, Pierre Métayer fut aussi impliqué dans les combats et crises de la SFIO. Il était resté du côté de la direction mollétiste dans les débats sur la participation durant la Troisième force - refusant la dissidence d’une minorité qui se réclamait de la Bataille socialiste en 1948 - appuyant encore le secrétaire général lors des débats sur la Communauté européenne de défense, qu’il approuvait, puis enfin soutint la politique de Guy Mollet en Algérie en 1956-1958. Sa fédération de la Seine-et-Oise ne cessa de perdre des militants et des électeurs durant la IVe République, moins proportionnellement il est vrai que les petites fédérations. Métayer tentait de faire face à cette crise larvée en s’appuyant sur un petit groupe de cadres souvent associés aux grandes commissions nationales du parti. Ainsi, par exemple, lors des élections cantonales, il faisait se présenter ces hommes dans des lieux où ils n’avaient pas toujours une implantation, recueillant des résultats très médiocres, mais où ils assuraient une présence socialiste. Pierre Métayer assurait lui-même des responsabilités nationales dans le parti. Il s’était présenté en vain au comité directeur en 1947 et 1948 mais appartenait à la commission administrative de l’influente Fédération nationale des élus socialistes. Il figurait souvent dans le groupe fermé des dirigeants figurant dans les commissions des résolutions du parti, par exemple lors du conseil national de décembre 1957.

L’année 1958 marqua un tournant brusque dans la carrière de Pierre Métayer. Lui qui soutint jusqu’en mai la politique de Guy Mollet, et devait faire face pour la première fois depuis dix ans à une opposition sérieuse dans sa propre fédération, rompit avec la direction mollétiste en votant contre l’investiture du général de Gaulle le 1er juin. Il se rapprocha d’Albert Gazier qui devait désormais animer une nouvelle minorité dans le parti hostile à l’établissement de la Ve République et à sa constitution, appelant à voter « Non » au référendum du 28 septembre. Il entraîna une faible majorité de sa fédération à se prononcer contre le référendum constitutionnel, afin, disait-il, de ne pas se couper de la classe ouvrière et en raison du rôle de l’armée dans l’établissement du régime. Une partie des militants fédéraux suivait Germaine Degrond qui prônait le « Oui » à la constitution, alors que d’autres participaient à la fondation du Parti socialiste autonome (PSA). Métayer se représenta au comité directeur sur la motion Gazier au congrès d’Issy-les-Moulineaux de 1958 et aux deux suivant et fut battu.

L’avènement de la Ve République fut pour Pierre Métayer une période difficile. Il fut battu aux élections législatives de novembre 1958 dans la 13e circonscription de la Seine-et-Oise où il était peu connu. Mais, comme Gaston Defferre et François Mitterrand, illustres battus, il se fit élire sénateur de Seine-et-Oise le 26 avril 1959 et siégea au palais du Luxembourg jusqu’en mars 1967.

Métayer devait, après son échec de 1958, rechercher une implantation locale plus solide. Déjà conseiller municipal de Chatou depuis 1945, il avait été élu tête de liste en 1953 mais avait échoué à la conquête de la mairie en 1959. Paul Raoult, le maire des Mureaux (Yvelines), étant âgé, il porta son dévolu sur cette commune. Élu adjoint en mars 1967, il en devint maire le 5 novembre suivant, après le décès de Raoult, et le demeura jusqu’en 1977. Le 9 janvier 1966, il fut encore élu conseiller général du canton de Meulan ; il devait, en 1967 et 1970, être renouvelé à l’Assemblée départementale du nouveau département des Yvelines, issu du découpage de la Seine-et-Oise. Dans ces trois scrutins, il bénéficia du désistement du candidat communiste, Roger Le Toullec. En 1970, il fut vice-président du conseil général. Depuis 1966, il présidait le Conseil des communes d’Europe de la Région parisienne et était vice-président de l’Association française de la CEE.

Aidé sans doute par la position qu’il avait adoptée en 1958, Métayer sut prendre le tournant de l’Union de la gauche. Il avait réintégré le comité directeur socialiste en 1961-1963, avec d’autres minoritaires de la tendance Gazier, et devait par la suite se ranger derrière les opposants à Guy Mollet pour le leadership du parti, Georges Brutelle et Gaston Defferre. En 1965, il fut le mandataire du candidat Mitterrand dans la Seine-et-Oise et le 6 décembre de cette année, il fut un des membres fondateurs du comité exécutif de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste. Président de la fédération des Yvelines de la FGDS en septembre 1966, il écarta la candidature de Brigitte Gros aux législatives de 1967, ce qui lui permit d’être réélu député des Yvelines en 1967-1968 ; en bénéficiant de nouveau du désistement du communiste qui pourtant le précédait. La vague gaulliste de 1968 mit définitivement fin à sa carrière parlementaire, ses candidatures de 1968 et 1973 étant des échecs.

Au congrès d’Épinay du Parti socialiste en 1971, Pierre Métayer soutint les thèses de Pierre Mauroy et Gaston Defferre et contribua à la prise du pouvoir de François Mitterrand sur la vieille maison socialiste. Pourtant, au lendemain du congrès d’Épinay, la fédération des Yvelines du PS mit en place une nouvelle direction fédérale en suivant les règles de la proportionnelle qui l’excluait. L’équipe formée autour de Pierre Métayer fut évincée par une coalition de partisans de Jean Poperen*, Alain Savary* et François Mitterrand, appuyée par le CERES. Mais, à la suite du congrès de Grenoble en juin 1973, en signant la motion Mitterrand, Pierre Métayer revint dans la direction fédérale qui échappait au poperéniste Christian Boulant pour passer à celles de Philippe Machefert. Il y fut chargé de l’organisation. En 1973, il accéda à la présidence du conseil général. En 1976, il perdit sa mairie des Mureaux, au profit de son rival communiste, Le Toullec. N’étant pas réélu à l’Assemblée départementale en 1977, sa carrière politique active s’acheva. Il avait soixante-douze ans et décéda deux ans plus tard. A sa mort, Pierre Métayer était encore président de la section française de l’Union des villes et pouvoirs locaux.

Pierre Métayer, qui avait été par ailleurs membre de la Ligue des droits de l’Homme et de la Ligue de l’enseignement, était Chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945, avec palme et de la carte de Combattant volontaire de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121933, notice MÉTAYER Pierre par Nadia Ténine-Michel, Gilles Morin, version mise en ligne le 11 septembre 2013, dernière modification le 28 novembre 2019.

Par Nadia Ténine-Michel, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 2/64 et 11/24, 4 M 2/64, 1 W 371, 471 et 957. — Annuaires de l’Assemblée nationale. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1936, op. cit. Le Monde, 7 et 8 juin 1979. — Renseignements communiqués par la mairie des Mureaux. — Notes de Justinien Raymond, Nadia Ténine-Michel, Élie Fruit et Antoine Jourdan . — État civil.

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