MEUNIER Jean, André

Par Justinien Raymond, Gilles Morin

Né le 19 mai 1906 à Bourges (Cher), mort le 26 juillet 1975 à Tours (Indre-et-Loire) ; imprimeur ; militant et résistant d’Indre-et-Loire ; député (1936-1942 ; 1945-1958) ; président du Comité départemental de Libération ; maire de Tours (1945-1947), conseiller général de Tours (1945-1949), secrétaire d’État dans divers gouvernements ; fondateur de La Nouvelle République.

D’origine berrichonne, Jean Meunier était issu d’une famille pauvre. Son père, Marcel Meunier, orphelin à dix ans devint berger avant de suivre des cours du soir qui lui permirent d’obtenir son certificat d’études. Ayant choisi de devenir imprimeur, il accomplit un tour de France, fonda une coopérative ouvrière et devint gérant d’un hebdomadaire socialiste. Socialiste proudhonien, antimarxiste et anticlérical, Marcel Meunier se retrouva minoritaire dans l’imprimerie après la scission de 1920 et fut chassé de la coopérative par ses camarades devenus communistes. Maurice Meunier s’installa à Tours en 1920, avec sa famille, ouvrit une imprimerie dans laquelle Jean Meunier âgé de quatorze ans apprit le métier. Jean Meunier sacrifia alors l’école à son nouveau métier d’imprimeur et à la réussite familiale. Il devait, selon sa fille, conserver un complexe de son manque d’éducation.

Jean Meunier milita dès son adolescence au sein du Parti socialiste SFIO et entra en maçonnerie en 1927. Celle-ci fut son école de formation où il apprit à « discipliner son élocution, à improviser, bâtir une argumentation ». L’année précédente, il s’était marié avec Raymonde Béguet, elle aussi passionnée de politique.

En 1935, Jean Meunier était secrétaire de la fédération socialiste d’Indre-et-Loire depuis un an quand il fut élu conseiller municipal de Tours. L’année suivante, la fédération le présenta aux élections législatives dans la 3e circonscription de Tours. Au premier tour de scrutin, il vint en tête des candidats du Front populaire avec 2 862 voix sur 16 769 inscrits, devant Gounin, radical-socialiste (1 637) et Courault, communiste (936). Mais il fut devancé par le candidat de droite, Hervé, qui recueillit 3 135 suffrages. Trois autres candidats étaient sur les rangs : Émile Faure*, député sortant, transfuge de la SFIO, portant l’étiquette républicain-socialiste, fort de 2 263 voix et qui se maintint ; Sartori, union de la gauche (1 244) et Hémon, républicain agraire (1 612). Au ballottage, Jean Meunier l’emporta avec 6 594 suffrages contre 4 767 à Hervé et 2 838 à Émile Faure. Il abandonna le secrétariat fédéral à Alfred Bernard. Il siégea à la commission d’Assurance et de Prévoyance sociales, ainsi qu’à la commission du commerce et de l’industrie.

Engagé volontaire en septembre 1939, car non mobilisable, Jean Meunier fut envoyé dans une formation de l’avant, située dans le secteur fortifié de la Sarre. Fait prisonnier le 21 juin 1940 à Saint-Dié, le député de l’Indre-et-Loire ne prit donc pas part au vote du 10 juillet 1940 à Vichy qui accordait les pouvoirs constituants au gouvernement du maréchal Pétain. Après quelques mois de captivité, il fut libéré comme « sanitaire » au début 1941. En son absence, sa femme, Raymonde Meunier, avait noué des contacts avec des amis n’acceptant pas la capitulation.

À son retour, Jean Meunier écrivit à Léon Blum par l’intermédiaire d’André Le Troquer pour l’assurer de sa position d’hostilité au régime. Révoqué de ses fonctions de conseiller municipal après la publication de son nom comme dignitaire de la Franc-Maçonnerie, il entra dès 1941 dans la Résistance sous le pseudonyme de Farinier. En octobre 1942, il fut chargé par Henri Ribière de fonder le mouvement Libération-Nord dans l’Indre-et-Loire. Contacté par Augustin Malroux, il contribua également à la réorganisation du Parti socialiste dans la région et appartint à la direction du CAS-Nord qui se réunissait à Paris chez Lagrosillière. L’imprimerie de la place de Courset, dont la gérance lui avait été cédée par son père, lui servit de couverture et lui permettait de fabriquer des faux papiers et du matériel de propagande pour Libération-Nord et le PS clandestin. Meunier s’engagea d’autre part dans une résistance plus militaire. Toujours en 1942, il recueillit et abrita un radio de l’IS à Tours et participa à des parachutages. Il fut engagé dans le réseau CND-Castille par Tillier, second du colonel Rémy, qui le chargea de constituer un réseau de renseignement. En septembre 1943, Meunier, connu sous divers pseudonymes (Gutemberg, Desmoulins, Molinof, Moulin, Jacques Mercier, etc.) rejoignit la clandestinité (en fait il résidait à Paris mais revenait souvent à Tours), après une vague d’arrestation qui frappa Libération-Nord dans la région avec l’arrestation de Paul Chérioux et aussi de Marcel Nay et Marcel Ballon, instituteurs socialistes qui moururent en déportation.

En janvier 1944, Closon, au nom du Conseil national de la Résistance, chargea Jean Meunier de former le Comité départemental de Libération clandestin d’Indre-et-Loire dont il fut le président. Il fonda avant la fin des hostilités un journal rayonnant sur l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et les Deux-Sèvres, La Nouvelle République, qui, légal à partir de septembre 1944, fut sous son impulsion l’un des deux grands quotidiens de la région. Il fut par la suite habilité pour donner les attestations aux anciens clandestins de Libération-Nord pour les Deux-Sèvres.

Le 1er septembre 1944, Jean Meunier, qui avait procédé personnellement à l’arrestation du préfet Musso et de son second, assuma les fonctions de président de la délégation provisoire de Tours, conformément aux décisions prises dans la clandestinité qui laissaient la municipalité autrefois gérée par Ferdinand Morin* aux socialistes. Il fut élu maire de Tours en avril 1945. Quelques mois plus tard, en septembre 1945, il fut élu conseiller général de Tours-Sud et siégea comme vice-président de l’Assemblée départementale jusqu’en octobre 1949.

Jean Meunier, désigné comme délégué à l’Assemblée consultative provisoire en septembre 1944, fut réélu député en octobre 1945 à la première Constituante et fut constamment réélu à l’Assemblée nationale où il siégea jusqu’à l’automne 1958 (réélu en novembre 1946, juin 1951 et janvier 1956). Il appartint à plusieurs gouvernements à participation socialiste : secrétaire d’État aux Travaux publics et aux transports dans le cabinet Blum* (décembre 1946-janvier 1947) ; secrétaire d’État à l’Intérieur dans le cabinet Bidault (octobre 1949), il en démissionna avec les autres ministres socialistes (en février 1950) ; secrétaire d’État à la Fonction publique et à la réforme administrative dans le ministère Bourgès-Maunoury (juin 1957).

Jean Meunier vit son assise locale s’effriter progressivement. Réélu au conseil municipal de Tours en 1947, il ne put conserver la fonction mayorale que les membres du parti détenaient depuis un quart de siècle et siégea comme simple adjoint au maire en 1947-1953 puis comme conseiller municipal en 1953-1959. Il perdit son siège au conseil général dès octobre 1949. Il conserva encore un rôle politique direct comme député, jusqu’à l’automne 1958. Jean Meunier vota en faveur du retour au pouvoir du général de Gaulle les 1er et 2 juin 1958, puis se prononça en faveur de la constitution de la Ve République. Aux législatives de novembre 1958 il est battu au second tour par Jean Royer qui devint ensuite maire de Tours et ministre.

Après 1958, Meunier exerça une magistrature d’influence grâce à sa place d’homme de presse : fondateur du Réveil socialiste en 1944, il était surtout directeur politique de La Nouvelle république du Centre-Ouest. Il rédigeait régulièrement les éditoriaux politiques du quotidien où il publia de nombreuses enquêtes et reportages sur l’URSS, les Etats-Unis, la Yougoslavie, le Sahara, etc. Il présida l’Association de la presse démocratique.

Jean Meunier occupa une place modeste dans la SFIO nationale. Maintenu naturellement dans le parti par le congrès de novembre 1944 comme résistant, il fut un des fondateurs de la Fédération des élus municipaux et cantonaux socialistes en 1945 et appartint au conseil d’administration du Populaire l’année suivante. Il intervenait peu dans les congrès. Il fut pourtant rapporteur du texte minoritaire sur la laïcité lors du congrès de 1948 et candidat sans succès au comité directeur à ce même congrès. Il appartint au comité de soutien du courant animé par André Chandernagor* qui publiait Démocratie socialiste, en mai 1970.

Quand Jean Meunier mourut subitement d’une crise cardiaque le 26 juillet 1975, il était depuis le 1er janvier 1973, président du directoire de La Nouvelle république du Centre-ouest.
Il était titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Résistance. Franc-Maçon, appartenant au Grand Orient de France, il eut des obsèques civiles, sans fleurs, ni couronne, ni discours, selon sa volonté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121998, notice MEUNIER Jean, André par Justinien Raymond, Gilles Morin, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 19 septembre 2017.

Par Justinien Raymond, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F7/15493, n° 2796 et F/7/15744 n° 4427, F/1cII/270. F/1c/IV/152. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Historique Libé-Nord en Indre-et-Loire, arch. Libération-Nord. — Arch. de l’OURS, dossier personnel. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, t. VII, p. 2448. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1936, op. cit. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 35. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Nouveau dictionnaire national des contemporains, Paris, J. Robin, 1964. — Démocratie socialiste, n° 6, mai 1970. — Le Monde, 29 juillet 1975. — Le Réveil, 1932-1940. — La Nouvelle république, 28 juillet 1975. — Le Courrier français, 2 août 1975. — M. Sadoun, Le Parti socialiste des accords de Munich à la Libération, Paris, thèse Université de Paris I 1979, 824 p. — Interview de Charles Ballon. — Lettres de Jean Meunier.

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