Par Jacques Girault
Né le 28 avril 1907 à Vidauban (Var), mort le 5 juin 1986 à Paris (XIIIe arr.) ; professeur ; historien ; militant socialiste SFIO ; résistant ; secrétaire général du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.
Plus jeune des trois enfants d’un cultivateur, petit propriétaire, et d’une commerçante (tissus), d’opinions conservatrices, Henri Michel reçut les premiers sacrements catholiques. Il évoqua son enfance à Vidauban dans un ouvrage publié en 2012. Boursier, il fit ses études secondaires au collège de Draguignan (Var), au lycée Thiers à Marseille (Bouches-du-Rhône), puis au lycée Henri IV à Paris, et ses études supérieures à la Sorbonne. Reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1931, il fut nommé au lycée de Toulon (Var) en octobre 1933. Secrétaire local du Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire, il adhéra en février 1934 au Parti socialiste SFIO en cours de reconstitution dans le Var après la scission des « néos ». Il participa à la fondation du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes dans le département et à l’organisation des manifestations culturelles dans le cadre du mouvement « Juin 1936 ». Il assurait la chronique de politique étrangère dans l’hebdomadaire de la Fédération socialiste SFIO, Le Populaire du Var, tout particulièrement pour approuver les accords de Munich.
Henri Michel décrivit son état d’esprit dans Quatre années dures (1940-1944) où il se dépeignit sous les traits d’un professeur agrégé de philosophie, « partisan convaincu de la non-violence » : « Le rapprochement franco-allemand lui apparaissait comme une nécessité, non pas dictée par la géographie ou l’histoire, mais inscrite dans l’ordre humain qui veut qu’on respecte la vie des autres [...] La guerre de 39 le surprit dans son idylle avec l’Allemagne de ses rêves [...] Il partit donc le jour de la mobilisation, la mort dans l’âme, prêt à déserter plutôt qu’à tuer [...]. »
Mobilisé dans les services météorologiques de l’armée de l’Air à Marignane (Bouches-du-Rhône), démobilisé, il reprit contact avec ses amis socialistes. Une première tentative de regroupement, le 11 novembre 1940, échoua. L’année suivante, il rencontra, au nom du Comité d’action socialiste, quelques socialistes varois, en liaison notamment avec Raoul Altiéri, Roger Mistral, Joseph Risterucci et Charles Sandro. En liaison avec les mouvements de résistance, il recruta pour l’Armée secrète (pseudonyme : "Simon") à Toulon et à Vidauban, collecta des renseignements (réseau Brutus et Gallia), diffusa de la propagande, participa au NAP, prépara Provence libre, le journal des MUR avec Georges Cisson et conçut le projet d’un journal en vue de la Libération. Critique vis-à-vis de la SFIO d’avant-guerre, soucieux de consolider l’unité nouée dans la Résistance avec des catholiques progressistes, il appela de ses vœux la formation d’un « grand parti du travail » dans le premier numéro de Provence libre (décembre 1943). Il apparaît dans Anne et les ombres (Paris, Éditeurs français réunis, 1971), souvenirs romancés de Jean Cazalbou, son collègue au lycée de Toulon, sous les traits de Pascal, rêvant « pour plus tard de ce qu’il appelait un socialisme libéral, qui dépasserait le marxisme ». Après le départ de Risterucci, il devint, à la fin de 1943, responsable du Parti socialiste SFIO pour Toulon et entra dans la clandestinité, tout en assurant la responsabilité de secrétaire fédéral adjoint avec Sandro. Il représenta le Parti socialiste SFIO au Comité départemental de Libération (responsable de la commission de la presse et membre de la commission politique). Membre du Comité varois de Libération nationale, il participa à la mise en place du préfet et occupa les fonctions de rédacteur en chef du Var libre. Il collabora à Résistance du Var, l’hebdomadaire départemental du Mouvement de libération nationale. Il participa en 1946 à la commission qui partagea les biens de La Liberté du Var entre République, pour la SFIO et le MLN et Le Petit Varois pour le PCF et le Front national. Mettant fin, somme toute, à cette période militante, il écrivit Quatre années dures (1940-1944), souvenirs romancés, dédiés à la mémoire de Cisson, "Héros et martyr". Dans cet ouvrage à clef, il apparaissait sous les traits de Pierre Mesnard, professeur agrégé de philosophie. En 1946, il écrivit à plusieurs reprises à la direction de la SFIO sur les projets de constitution et la réforme électorale.
Henri Michel devint inspecteur d’académie dans le Var. Correspondant de la Commission d’histoire de l’occupation et de la libération de la France fondée en novembre 1944, il en fut nommé en mai 1947 secrétaire général et s’installa à Paris. En 1951, il devint secrétaire général du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, créé auprès de la présidence du Conseil. Sous son impulsion, cet organisme, avec le double appui du gouvernement et du Centre national de la recherche scientifique (où il devint directeur de recherches), lança des enquêtes nationales et départementales sur l’histoire de la guerre, et plus particulièrement de la Résistance. Dès lors, alternèrent ses propres travaux sur la question, - à la suite de la rédaction, en 1950, du premier "Que sais-je ?", sur L’Histoire de la Résistance, puis, à partir de sa thèse de doctorat d’Etat sur Les courants de pensée de la Résistance (1962) -, la direction de la Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale créée en 1950, le rôle de conseiller historique pour le film d’Alain Resnais, Nuit et brouillard (1955), l’animation de colloques et de recherches collectives.
Henri Michel poursuivit son activité politique varoise. Président d’honneur du comité Pierre Gaudin, candidat socialiste SFIO pour le Conseil général dans le canton du Luc en avril 1955, il participa au congrès fédéral du Parti socialiste SFIO du 7 septembre 1958. Intervenant en faveur d’une réponse positive au référendum, il fut désigné comme délégué au congrès national du Parti. A la veille du référendum, il signa le 27 septembre 1958 dans l’hebdomadaire fédéral La Voix socialiste un éditorial sous le titre : « Voter Oui : c’est réserver l’avenir en sauvant le présent. » Par la suite, il prit des distances avec le parti tout en restant proche de l’Office universitaire de recherches socialistes.
Outre son activité nationale qui se manifestait par la publication de nombreux ouvrages (citons notamment Jean Moulin l’unificateur en 1964, Vichy 1940 en 1966, Pétain, Laval, Darlan, trois politiques ? en 1972, Paris allemand en 1981, Paris résistant en 1982), , Henri Michel occupa des responsabilités internationales, notamment comme président du Comité international d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (1970-1985). Ce rayonnement se manifesta notamment lors de la publication de La seconde guerre mondiale.
A sa retraite, ayant quitté le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, remplacé, en décembre 1980, contre son avis, par l’Institut d’histoire du temps présent, Henri Michel fonda et dirigea l’Institut d’histoire des conflits contemporains à partir de cette date.
Marié en mars 1934 à Toulon avec la fille d’un représentant de commerce, Henri Michel était père de trois enfants.
Après son décès, la municipalité de Vidauban donna son nom à un groupe scolaire et participa à la publication de ses souvenirs d’enfance, édition établie par Jean-Marie Guillon, avec la collaboration d’Alain Droguet, sous le titre Une enfance provençale au temps de la Première Guerre mondiale. Vidauban dans la mémoire d’un historien, Forcalquier, C’est-à-dire éditions, 2012.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat. 72 AJ, papiers H. Michel. — Arch. Dép. Var, 18 M 43. — Arch. Jean Charlot (Centre d’histoire sociale du XXeme siècle). — Arch. OURS, fédération du Var. — Arch. Ch. Sandro. — Jean-Marie D’Hoop, nécrologie dans Historiens et Géographes (juillet 1986). — Henry Rousso « Henri Michel », Universalia 1987.— Renseignements communiqués par l’intéressé et par sa veuve. — Notes de Jean-Marie Guillon. — Le Comité d’histoire de la ville de Paris lui a consacré une table ronde le 7 décembre 2009 : « Henri Michel (1907-1986). Le Républicain. Le Résistant. L’Historien », Mémorial Leclerc-Musée Jean Moulin.