Par Sylvain Grégori
Né le 11 novembre 1923 à Bastia (Corse), mort le 31 août 2021 à Paris ; débitant de boissons puis cadre commercial chez Larousse ; militant communiste, résistant corse, Front national, cadre national du Parti communiste, secrétaire de Jacques Duclos.
Étienne Micheli, fils de Ours Micheli, frère cadet de Xavier Joseph Micheli, fut , dès son enfance, plongé dans une famille fortement marquée par l’engagement communiste. Son père, docker de profession, fut syndicaliste-révolutionnaire CGT, avant de rejoindre les rangs du Parti communiste en 1920 et de la CGTU en 1922.Il prit une part importante aux grèves des dockers à Bastia et Porto-Vecchio en 1936.
Étienne Micheli commença sa carrière de militant très jeune, il rejoignit d’abord les pionniers à treize ans, puis, à quinze ans, il entra aux Jeunesses communistes (JC) de Bastia.
Sportif amateur accompli (boxe, football), étudiant doué et frondeur, son charisme auprès d’une certaine frange de la jeunesse de la ville lui valut d’être rapidement repéré au sein du parti. À Pâques 1939, il fit partie de la délégation corse qui se rendit au congrès national des JC à Issy-les-Moulineaux. C’est de cette période que date également son engagement anti-irrédentiste qu’il rattacha à la lutte antifasciste. Mais c’est le pacte germano-soviétique qui fut un des tournants de sa carrière. L’alliance entre Staline et Hitler porta un rude coup au jeune PC corse et de nombreux cadres insulaires se retirèrent de la lutte politique. Étienne Micheli, lui, accepta cette alliance qui provoqua l’interdiction du Parti communiste.
Trop jeune pour être mobilisé, il n’en prit pas moins en mains les JC de Bastia, dont l’activité suppléa jusqu’en 1941 la défaillance de la région corse du PCF. En 1941, Étienne Micheli entra à l’École normale de Bastia, au sein du vieux lycée devenu le lycée Pétain. Il y développa la propagande communiste, puis celle du Front national (FN), et poursuivit son recrutement auprès des jeunes élèves et des professeurs.
Proche de Raoul Benigni, secrétaire général de la région corse, qui s’efforça à la même époque de reconstruire le parti dans l’île, Étienne Micheli entra, courant 1942, alors qu’il n’a même pas encore 20 ans, dans la troïka de la région corse du PC, puis se vit promu, à la fin de la même année, sur ordre de la direction du parti de zone Sud, au poste de responsable aux cadres du parti pour le département. À une période où les structures de la Résistance communiste se mettaient en place, celui choisit comme pseudonymes "Léo" et "Serge" fut également co-responsable départemental du Front national jusqu’à ce que cette organisation soit coiffée par par des communistes historiques Arthur Giovoni et François Vittori.
C’est également lui qui, en liaison avec la JC qu’il continuait à diriger, mit en place le Front patriotique des jeunes en Corse. À ce double titre, il posa les jalons de ces mouvements dans toute l’île (en Balagne, dans le Sartenais, à Porto-Vecchio, à Corte) tant que ses déplacements n’attiraient pas trop l’attention de la police. Lors du débarquement italien du 11 novembre 1942, il était, avec Raoul Benigni, le seul dirigeant départemental du PCF qui demeurait à Bastia. En mars 1943, il prit la tête des émeutes de Bastia et, exclu du lycée et surveillé par la police qui l’avait fiché comme meneur communiste depuis plusieurs années, il fut rapidement contraint à la clandestinité totale. Durant l’été 1943, il participa à toutes les réunions clandestines de la direction de la région corse du PC à Bastia avec Raoul Benigni, puis à celle du FN à Porri où fut définitivement arrêtée, dans le courant du mois d’août 1943, la décision d’insurrection en cas de capitulation italienne. Le 8 septembre 1943, il se trouvait à Bastia où, dès le lendemain, après les combats ayant opposé Italiens, patriotes et Allemands, il organisa avec Raoul Benigni la prise du pouvoir par le PC appuyé par le FN. Il participa ainsi à la prise de la sous-préfecture, de la Banque de France et des locaux des organisations pétainistes. Il installa le siège de la région corse du PCF dans l’ancien siège de la milice bastiaise. Mais la libération de la ville tourna court. Le 13 septembre, après avoir franchi le verrou de Casamozza défendu par les Italiens, les Allemands reprirent Bastia. Etienne Micheli parvint à fuir vers le Nebbiu, puis à Ajaccio.
Après la libération de la Corse en octobre 1943, il fut mobilisé, envoyé à Alger et affecté dans un régiment de tirailleurs nord-africains qui prit part à la libération de la France. Il ne participa pas directement aux luttes politiques de l’après-libération puisque, démobilisé en 1945, il rejoignit, quelques mois plus tard, Paris où le comité central l’appella. Il occupa un poste clé au sein du secrétariat de Jacques Duclos, et en tant que cadre national du PC, enseigna à l’École centrale du parti où il avait fait ses "quatre mois" après sa démobilisation. Proche de Duclos, il était une des figures montantes parmi les jeunes responsables communistes nationaux issus de la Résistance.
Mais, 1956 et l’attitude du XXe congrès donna un coup d’arrêt à une carrière qui s’annonçait brillante. Critiquant publiquement, au cours d’une réunion parisienne, l’attitude du PCF qui refusait de rendre publique le rapport Khrouchtchev dénonçant le stalinisme et ses crimes, il fut exclu du parti. Il travailla alors comme cadre supérieur chez Larousse à Paris après avoir dirigé une société coopérative ouvrière de production (SCOP).
À cause de son jeune âge durant la Résistance, alors que les autres responsables ont été homologués colonels ou lieutenants-colonels FFI, "Léo" le fut, lui, au grade de capitaine FFI.
Toujours parisien en 2017, titulaire de nombreuses décorations au titre de sa participation à l’édification de la Résistance insulaire, il est un témoin majeur de la résistance en Corse. Contrairement à François Vittori ou à Raoul Benigni qui ont acquis leur expérience politique hors de l’île, il est l’une des rares figures de cadres communistes issus de la Résistance corse et dont l’histoire personnelle et familiale se confond en grande partie avec celle des débuts du communisme bastiais et insulaire dont il fut incontestablement un des principaux acteurs.
Il reçut la Légion d’honneur pour son 70e anniversaire.
Léo Micheli mourut à Paris à 97 ans.
Par Sylvain Grégori
OEUVRE : Léo Micheli, En homme libre, entretien avec Dominique Lanzalavi, Ajbiana, 2020, 165.
SOURCES : Maurice Choury, Tous bandits d’honneur !, op. cit. — Le Mémorial des Corses, op. cit. — CDROM AERI Corse, biographie par Sylvain Grégori. — Site ANACR Corse 2B. — Pas de dossier au comité national du PCF. — Le Monde, 5, 6 septembre 2021, notice nécrologique par Paul Ortoli.