MINARD Jean-Marie [MINARD Jean, Félix dit Jean-Marie, dit Simon]

Par Maurice Moissonnier

Né le 8 mars 1903 à Antully (Saône-et-Loire), mort le 28 août 1992 à Lyon (Rhône), VI ° arr. ; ouvrier du Bâtiment ; syndicaliste CGTU puis CGT ; l’un des fondateurs du Parti communiste en Saône-et-Loire ; secrétaire de la région de l’Est du PC (1929-1932) ; élève de l’École léniniste internationale de Moscou de 1932 à 1934 ; membre du Comité Central du PC (1932-1936), secrétaire fédéral du PC du Puy-de-Dôme (1944-1948), secrétaire de l’Union syndicale du Bâtiment et du Bois CGT du Rhône (1949-1956).

Jean Minard en 1947, secrétaire fédéral du PCF du Puy-de-Dôme.

Jean Minard était issu d’un milieu ouvrier paysan où les traditions familiales de lutte sociale et politique étaient vivaces. Son père (Claude Minard*) et son grand-père étaient granitiers, c’est-à-dire tailleurs de pierre aux carrières de Bouvier à Saint-Firmin près du Creusot (Saône-et-Loire), sa mère était fille de paysans de Saône-et-Loire.
Il se maria le 9 février 1935 avec Madeleine, Henriette Vuille, à Antully. Ils eurent deux enfants.

Une fois son Certificat d’études passé au début de la guerre, Jean Minard devint granitier. Il entra en apprentissage à onze ans et demi sur le tas : « La qualification ne s’obtenait qu’avec les conseils d’anciens ouvriers qualifiés, avec la routine et le goût du métier. » Pour se perfectionner, il s’embaucha chez des marbriers du Creusot et enfin à Paris, chez Poulain, face à l’entrée principale du cimetière du Père-Lachaise. Sur le plan philosophique et politique, le jeune apprenti semble avoir beaucoup reçu de son père : à l’époque où les autres enfants allaient au catéchisme, Jean Minard lisait des brochures de Sébastien Faure, de Charles-Albert et de Jean Grave. Son père avait été l’un des fondateurs de la section socialiste du Creusot en 1905. Jean Minard, qui avait adhéré au syndicat des tailleurs de pierre de Bouvier en juillet 1917, et qui en allait rester membre jusqu’en juin 1928, adhéra à la section socialiste SFIO lorsque son père fut démobilisé. A la maison parvenait la littérature pour l’adhésion à l’Internationale communiste. Durant les années 1919-1920, la famille fut en relations avec Raymond Péricat* jusqu’à ce qu’il se réfugie en Italie. Le journal de ce dernier, l’Internationale, figurait parmi les publications dont la diffusion était assurée par le père et le fils Minard qui, au sein de la section socialiste, militaient pour la transformation du parti. Lors de la préparation du congrès de Tours, la motion du Comité de la IIIe Internationale manqua la majorité de deux voix à la section du Creusot (sur 120 ou 130 voix exprimées). Après le congrès de Tours, Minard et son père constituèrent la section communiste du Creusot. Secrétaire de la cellule de Bouvier de 1925 à 1928, Jean Félix devint, de 1926 à 1928, secrétaire de rayon pour Le Creusot, Autun, Montchanin. A la conférence régionale tenue à Lyon le 24 janvier 1926, le délégué du comité central Dallet rendit hommage, dans son rapport au travail qu’il avait déjà réalisé dans ce rayon qui comptait alors 16 cellules et 250 adhérents mais manquait cruellement de cadres.

Sur le plan syndical, Minard avait appartenu dans les premières années de l’après-guerre aux Comités syndicalistes révolutionnaires de Victor Godonnèche* et Victor Labonne* et était passé à la CGTU lors de la scission. Lorsqu’il s’installa à Paris en 1928, il prit sa carte au syndicat autonome des tailleurs de pierre car le syndicat unitaire n’était pas organisé et y resta pendant huit mois. Dans le même temps, il assura les responsabilités de secrétaire du sous-rayon du XIe arr. de Paris et de membre du bureau du 2e rayon (juillet 1928-février 1929). Envoyé dans l’Est, il adhéra au syndicat unitaire du Bâtiment à Nancy et, à la suite de la démission du parti de E. Vuillemin et de l’emprisonnement de nombreux militants, il devint secrétaire de la région de l’Est du PC (Meurthe-et-Moselle, Vosges, Meuse) d’avril 1929 à décembre 1932. Secrétaire adjoint en 1929 du syndicat unitaire du Bâtiment de Nancy, membre de la commission exécutive de la 3e Union régionale unitaire CGTU, il fut candidat aux élections législatives de 1932 dans la 1re circonscription de Nancy ; il recueillit 1 388 voix sur 18 586 suffrages exprimés.

Le 19 mars 1932, à l’issue du VIIe congrès du parti (congrès de Paris tenu à La Bellevilloise) il fut élu membre du Comité Central et, souvent, lors de ses missions, prit le nom de Costar.

Sa formation théorique avait été assurée dans deux écoles suivies successivement pour la Jeunesse communiste à Lyon en 1925 et pour le PC à Clichy en 1926. D’abord lecteur de l’Humanité et de la Bataille syndicaliste, de la Guerre sociale d’Hervé puis de la Vague de Pierre Brizon* et Marcelle Capy*, il lut ensuite les publications de l’IC et de l’ISR comme les Cahiers du bolchevisme et la Correspondance internationale. Pendant son régiment, en 1923 et 1924 il lisait (et diffusait clandestinement) la Caserne. De décembre 1932 à février 1934, sa formation fut complétée par un stage à Moscou, à l’école du Komintern. A Moscou, il passa de longues heures à l’Institut du marxisme-léninisme où il recopia de nombreux documents relatifs aux révoltes des canuts lyonnais mais, à son retour, sur le conseil d’André Marty*, il abandonna ce travail jugé inutile. Avant son départ, il avait été victime, à de nombreuses reprises, de la répression pour ses activités révolutionnaires. Arrêté une première fois en 1925 au Creusot pour distribution de tracts contre la guerre du Rif mais non poursuivi, il fut ensuite emprisonné en 1929 (huit mois) à Nancy, en 1930 au Creusot et en 1931-1932 à Nancy pour des motifs variés : distribution de tracts de l’Internationale communiste, incitation de militaires à la désobéissance, infraction à la loi sur la presse, violences à agent, espionnage. Pour ce dernier délit, il fut jugé par défaut et privé de ses droits civiques.

En 1934, il rentra à Lyon et reprit du travail dans le Bâtiment. Sur recommandation de Waldeck Rochet*, alors secrétaire régional du Parti communiste, il n’adhéra pas à la CGTU mais au syndicat des terrassiers autonomes, comme membre du cartel du Bâtiment lyonnais (voir Gustave Eysseris*. et Hildebert Chaintreuil*.) et, à la fin de l’année, pendant que le secrétaire de ce syndicat était en prison, assura sa suppléance. Jusqu’en 1939, il se consacra surtout à l’action corporative. Au VIIIe congrès du PC (Villeurbanne, janvier 1936) ses fonctions au comité central ne furent pas renouvelées ; il resta cependant jusqu’en 1939 membre du comité régional de Lyon du PC. Il n’avait pas retrouvé de travail dans sa profession et, devenu terrassier, fut successivement poseur de voies, puisatier, tubiste. Il militait à cette époque au mouvement Amsterdam-Pleyel.

Mobilisé en septembre 1939, il fut fait prisonnier en 1940 et interné au stalag 1 A. Au début de l’année 1942, il fut versé dans un détachement médical chargé de soigner les hommes de la division française sur le front russe. Profitant de cette circonstance, il réussit à se faire rapatrier pour raisons sanitaires. Il fut de retour à Lyon le 1er avril 1942 ; sa femme avait été arrêtée. Dès le 15, il réussit à prendre contact avec la Résistance où on lui confia d’abord un travail de recrutement pour les groupes armés. On l’envoya ensuite dans le Puy-de-Dôme où il travailla comme organisateur des luttes syndicales clandestines jusqu’à la Libération. En 1944, il était le représentant de l’ex-tendance unitaire à l’Union départementale CGT clandestine du Puy-de-Dôme.
Il n’a pas de dossier de Résistant aux Archives de Vincennes. Est-ce parce qu’il n’en n’a pas déposé ou est-ce que parce que son activité était davantage politique ou syndicale que liée à la Résistance ? En 1969, il avoua au neveu d’Henri Sintes, celui qu’on peut qualifier de cerveau de l’opération du Milliard de la Banque de France, somme volée par les FTP du Puy-de-Dôme en février 1944, qu’il fut celui qui convoya l’argent à Lyon. Pour une telle mission, cela supposait qu’il était un homme de confiance et aussi qu’il relevait des services de renseignements (services B).

De septembre 1944 à 1948, il exerça ensuite dans ce département les fonctions de secrétaire fédéral du PC puis, en 1949, revenu à Lyon, il assura le secrétariat de l’Union syndicale du Bâtiment et du Bois CGT du Rhône jusqu’en 1956. A cette date, il reprit son métier de tailleur de pierre et retrouva son syndicat d’origine. En 1969, il adhéra à la section des retraités CGT de Lyon et prit la responsabilité de secrétaire de l’Union fédérale des retraités de la construction. En 1975, il devint secrétaire de l’Amicale des vétérans du PC du Rhône.
Mort le 28 août 1992, il fut inhumé le 2 septembre au nouveau cimetière de la Croix-Rousse à Lyon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article122401, notice MINARD Jean-Marie [MINARD Jean, Félix dit Jean-Marie, dit Simon] par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 28 octobre 2020.

Par Maurice Moissonnier

Jean Minard en 1947, secrétaire fédéral du PCF du Puy-de-Dôme.

SOURCES : RGASPI, 495 270 1578 (vu et reporté par Claude Pennetier). — Archives de l’Institut du marxisme léninisme (Moscou), microfilm n° 26/185, déposé à la Bibl. marxiste de Paris. — Arch. Nat. F7/13117. — Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle, 1 M 651, 3 M 94, 4 M 273. — Interview de l’intéressé. — La Lorraine ouvrière et paysanne, 1929-1932. — Notice nécrologique dans l’Humanité, 31 août 1992 .—Notes d’Ét. Kagan .— état civil Antully.

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