MOLARD Henri

Par Yves Le Maner

Né le 15 février 1881 à Wattrelos (Nord), mort le 17 avril 1962 à Roubaix (Nord) ; employé d’une compagnie de tramways ; militant syndicaliste ; secrétaire de l’Union départementale CGT du Nord ; secrétaire national de la Fédération des Transports.

Après avoir obtenu le Certificat d’études primaires et le diplôme de tisserand d’art à l’École des arts et industries textiles de Roubaix (où son père fut tisserand, puis contremaître), Henri Molard entreprit une carrière de dessinateur en draperies. Très tôt syndiqué, il fut secrétaire du syndicat des dessinateurs en tissus de Lille-Roubaix de 1903 à 1906. Mais l’apparition des cotonnades imprimées en 1905 et son engagement syndical se conjuguèrent et l’obligèrent à abandonner son métier et il devint agent à la Compagnie des tramways du Nord. Il se fit immédiatement remarquer par sa grande combativité au sein du syndicat, créé par Augustin Telliez* en 1900, qui avait entrepris une lutte difficile contre le directeur de la compagnie, M. Dumas. Ce dernier, pour tenter de briser le groupement cégétiste, favorisa la création d’un syndicat jaune, la Mutuelle des tramways de Roubaix-Tourcoing, puis de l’Amicale des agents de tramways ; il proposa également l’attribution de maisons à bon marché aux agents « dociles ». Malgré ces manœuvres, Molard dirigea une grève de trois semaines en avril-mai 1907 qui se termina par un net succès, les ouvriers ayant obtenu l’application de la loi des dix heures sans diminution de salaires.

Après cette victoire, Henri Molard devint le bras droit de Telliez à la tête du syndicat. Mais, en 1910, après une série de manœuvres coercitives, la commission exécutive du syndicat fut en majeure partie gagnée à la direction et tenta de paralyser l’action de Molard et de Telliez. A l’issue d’une crise ouverte de plusieurs mois, la commission exécutive démissionna et Telliez, absorbé par ses fonctions d’adjoint au maire de Croix (Nord), confia son mandat de secrétaire général à Henri Molard en 1910. Énergique, ce dernier parvint à redresser la situation et à affaiblir le syndicat jaune en faisant notamment appel aux municipalités ouvrières que dirigeaient Lebas à Roubaix et Dron à Tourcoing.

Au début de l’année 1914, le syndicat obtint un nouveau statut du personnel après arbitrage préfectoral, et Dumas, devenu trop gênant pour la compagnie dut quitter son poste. N’ayant pas été mobilisé en 1914, H. Molard resta en fonctions pendant l’occupation allemande et s’opposa à plusieurs reprises aux occupants, refusant en particulier d’appliquer l’interdiction du transport des civils dans des voitures occupées par des militaires allemands ce qui lui valut d’être envoyé comme prisonnier civil en Allemagne.

En mai 1919, il reprit en mains l’organisation syndicale. Celle de Roubaix-Tourcoing fusionna avec le syndicat du « Mongy » (Lille-Roubaix-Tourcoing) et, en octobre de la même année, avec celui des Tramways de Lille. Placé à la tête du syndicat unique, Henri Molard dota son organisation d’un journal corporatif, l’Union des tramways, créa une caisse d’épargne et de résistance en cas de grève, une caisse de solidarité, une caisse professionnelle d’assurance-maladie et posa les jalons d’une colonie de vacances pour les enfants des agents. En 1920, furent créées, sous son impulsion, une mutuelle syndicale, « La prévoyance familiale » et une « Maison des tramways ». Jusqu’à sa retraite en 1937, il dirigea le syndicat en parvenant à maintenir l’union de tous les agents malgré les clivages politiques ; la proportion de syndiqués se maintint constamment entre 95 et 100 % du total des employés. Cependant, lors du congrès national de la Fédération CGT des Transports qu’il présida du 21 au 23 juillet 1921 à Lille, Henri Molard affirma sa volonté de maintenir son syndicat affilier à la CGT dans l’hypothèse, bientôt vérifiée d’une scission. Contrairement à la quasi-totalité des syndicats lillois, le syndicat des Tramways ne connut aucune défection lors de la naissance de la CGTU. Au congrès fédéral tenu à Paris les 26-28 janvier 1923, Molard présenta le rapport sur les huit heures. Il intervint régulièrement aux congrès de la fédération jusqu’en 1935 : à celui de septembre 1933 où il fut élu secrétaire adjoint par 146 voix ; à celui de septembre 1935 où il fut reconduit par 162 voix. Délégué au congrès d’unité de Toulouse tenu les 29 février-1er mars 1936, il fut élu secrétaire. Voir Eugène Jaccoud*.

Élu en 1934 secrétaire de l’Union locale confédérée de Lille-Roubaix-Tourcoing, Molard fut nommé la même année secrétaire de l’Union départementale du Nord afin de préparer la fusion, entretenant en effet d’assez bons rapports avec les dirigeants unitaires. Lors de la constitution du bureau de l’UD unifiée à l’issue du congrès du 16 février 1936, il fut nommé trésorier et entra également à la commission exécutive, fonctions qu’il conserva jusqu’en 1939 (voir Martha Desrumeaux*). Ardent défenseur de l’unité retrouvée, il s’opposa notamment à Georges Dumoulin*.

Au plan international, il représenta sa fédération aux congrès de l’ITF (Fédération Internationale des Travailleurs des Transports), notamment en octobre 1922 à Genève et en septembre 1930 à Londres.

Élu, en 1935, secrétaire général de la Fédération CGT des Transports, il occupa ce poste jusqu’à la guerre et fut l’un des fondateurs de l’Union mutualiste fraternelle des Transports. Dans le cadre de son mandat fédéral, il fit partie de la délégation de la CGT qui se rendit en URSS en 1937 à l’occasion de la fête du 1er Mai. Henri Molard cessa toute activité syndicale dès le début de la Seconde Guerre mondiale.

Membre de la section roubaisienne du Parti socialiste SFIO, il se refusa toujours à briguer le moindre mandat politique, fidèle au vieux principe de la séparation parti/syndicat.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article122594, notice MOLARD Henri par Yves Le Maner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 26 janvier 2011.

Par Yves Le Maner

SOURCES : Arch. Dép. Nord, M 595/38A et B, M 595/67. — La Voix du peuple, mars 1936. — F-X Roets, Le mouvement ouvrier français à Roubaix-Tourcoing de 1914 à la fin de la IVe République, Mémoire de Maîtrise, Lille III, 1968. — L’Union des tramways et autobus, mensuel, octobre 1956, n° 367. — Souvenirs personnels de M. Molard. — Comptes rendus des congrès de l’ITF, Arch. de la Fondation Friedrich Ebert. — Note de Louis Botella.

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