MONTAGNE François, Marie, Auguste

Par Jean-Jacques Doré

Né le 21 avril 1878 à Paris (XIIe arr.), mort le 14 juillet 1954 au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) ; inscrit maritime puis agent général d’Assurance ; président de la Bourse du Travail du Havre en 1901 ; secrétaire du syndicat CGT des Marins du Havre de 1901 à 1910 puis de 1917 à 1922 ; conseiller municipal socialiste du Havre à partir de 1919.

Fils d’une chapelière, François Montagne, tout jeune secrétaire du syndicat CGT des Marins de commerce du Havre, fut porté à la présidence de la Bourse du Travail en 1901 ; Gaston Laville était vice président et Charles Marck, secrétaire. Dans les mois qui suivirent, la préparation des manifestations du 1er mai généra de nombreux incidents qui entraînèrent la fermeture de la Bourse et Montagne, considéré comme responsable, fut condamné par le tribunal correctionnel à un mois de prison le 22 mai 1901 pour provocation directe à attroupement. Sa peine fut élevée à trois mois mais avec sursis par la cour d’appel de Rouen. Le 25 novembre suivant, il fut à nouveau condamné à 50 frs. d’amende, cette fois-ci pour le vol de 500 grammes de café vert dérobés à bord du steamer anglais Ruskin.

Remplacé par Gaston Laville à la direction de la Bourse du travail, il resta secrétaire permanent des Marins du Havre jusqu’en 1910. Il aurait été mélé alors à une affaire d’escroquerie aux dépens de l’organisation mais sa grande popularité ne semblait pas en avoir pâti. Si Yves Delille lui succèda au secrétariat des Marins en 1911, il n’en restait pas moins "l’âme du syndicat" et assista avec lui au XVIIIe congrès national corporatif - 12e de la CGT - et à la 5e conférence des Bourses du Travail tenus au Havre du 16 au 22 septembre 1912.

Mobilisé en août 1914, il fut affecté au Havre en 1917 et le 22 août, il fut réélu secrétaire du syndicat des Marins tandis qu’Alexis Le Luron, qui avait constitué un comité provisoire en 1916 en fut le trésorier. Permanent à partir de 1918 (il était appointé à hauteur de 600 frs. par mois puis 650 à partir de janvier 1920), il fut avec Louis François le principal acteur de la renaissance de la vie syndicale au Havre.

Candidat socialiste aux élections législatives de 1919 (sur la liste conduite par Paul Bazin qui recueillit 41 039 voix sur 142 913 suffrages exprimés), puis élu en novembre conseiller municipal du Havre, il avait consacré l’essentiel de son temps à la mise en oeuvre d’un restaurant coopératif pour les marins qui fut inauguré en janvier 1920 (le syndicat comptait alors 1 541 adhérents). Toujours considéré comme un "meneur dangereux", il fut arrêté dès le 3 mai 1920, au début des grèves puis transféré à Paris avec Maurice Gautier et Gustave Courage. Il fut curieusement libéré le soir même (probablement sur intervention du maire du Havre) et put ainsi assister au mois d’août à la conférence internationale des marins, tenue à Bruxelles.

Un temps trésorier de l’Union locale du Havre (de juin à novembre 1920) et membre de la commission administrative de l’Union départementale jusqu’en juillet 1921, il était l’un des principaux défenseurs des thèses majoritaires. Bon orateur, il excellait dans les débats contradictoires mettant ainsi ses qualités et son expérience au service de ses convictions réformistes et tenter de s’opposer à l’adhésion de l’Union locale à la CGTU. Réélu secrétaire du syndicat des Marins en janvier, une vérification comptable mit en cause le trésorier Alexis Le Luron pour un trou de 5 000 frs. dans la caisse du syndicat. Limogé sur le champ Le Luron s’empressa de se rapprocher de la CGTU pour monter un syndicat concurrent. La Fédération avertie exigea le retour du trésorier pour éviter une scission ; Montagne furieux démissionna puis revint sur sa décision le 16 juin.

L’adhésion de l’Union locale à la CGTU ayant été votée le 14 juin 1922, Montagne choisit l’affrontement et la rupture le 29 juin au cours d’une réunion violente où Henri Quesnel le secrétaire de l’UL lui reprocha de négliger le syndicat des Marins, de s’occuper davantage de son nouveau cabinet d’Assurance et d’avoir, en mai 1920, fait reprendre le travail aux marins grévistes sans avoir reçu l’ordre fédéral. Le lendemain 30 juin la nouvelle Union locale CGT était mise sur pied, Montagne secrétaire était assisté de Georges Cupillard (secrétaire adjoint), Jules Damour (trésorier) et Maurice Canuel (trésorier adjoint). L’Union locale conférée comptait alors 6 syndicats et 2 412 adhérents et l’UL unitaire 23 syndicats et 5 778 membres.

Le 10 juillet 1922, il démissionna et confia les clefs des maisons confédérées de l’Union et des Marins à Joseph Le Gonidec pour se consacrer à son nouveau métier d’agent général d’Assurance.

François Montagne n’abandonna pas pour autant l’action syndicale, il participa à plusieurs réunions de la commission administrative de l’Union départementale et conseillait la direction du syndicat des Marins où il était toujours influent. Ce fut ce rôle occulte qui lui valut d’être mêlé à la grève des inscrits maritimes du Havre qui éclata le 1er août 1924. Le syndicat confédéré toujours dirigé par Le Gonidec refusa de s’associer au mouvement orchestré par la Fédération autonome dirigée par Henri Julie et André Bassaler. Au matin du 13 août,, un groupe de grévistes conduit par Bassaler envahit le local du syndicat CGT où se trouvaient Le Gonidec et une secrétaire. L’intru exhiba le document suivant : "Camarade Le Gonidec, nous soussignés, membres du syndicat des Marins CGT du Havre, demandons ta démission et une déclaration écrite par laquelle tu ne te reconnais plus le droit de parler et d’agir au nom des marins confédérés ; tu devras nous remettre la comptabilité et la caisse". Montagne appelé à la rescousse, usant de son autorité et de son revolver, mit tout le monde dehors. L’après-midi, vers 16 heures 30, alors qu’il était attablé avec un ami à la terrasse du café Le Coquin, cours de la République ; un groupe de 400 grévistes passait alors, reconnu, il fut saisi, traîné sur le boulevard, frappé, mis à terre et blessé d’un coup de couteau à l’œil.

François Montagne s’était marié le 29 mars 1901 avec Marie Hamon au Havre où il mourut le 14 juillet 1954.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article122839, notice MONTAGNE François, Marie, Auguste par Jean-Jacques Doré, version mise en ligne le 6 août 2020, dernière modification le 6 août 2020.

Par Jean-Jacques Doré

SOURCES : Arch. Nat. BB 18/ 2 192 (1037 A 1901) et F7/13619, 13761. — Arch. Dép. Calvados, série Z, Pont-l’Évêque 116. — Arch. Dép. Seine-Maritime, 4 MP 2872 Conflits du travail Dieppe et Le Havre 1917-1929, Rapports sur les dockers du Havre, 10 MP 1408 Bureaux syndicaux 1918-1919, 4 MP 1404 Syndicats 1903-1909, 1 MP 3244, 10 MP 1340. — Le Réveil ouvrier, 1918-1921. — État civil. L’Humanité, 12 juin 1919. — Le Travailleur de la mer, juillet-août 1921. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1919, op. cit.

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