MOSZKOWSKI Sigismond

Par André Balent, Georges Clause

Né le 12 février 1887 à Swoszowice (Pologne), mort en février 1944 à Auschwitz ; professeur ; fondateur et organisateur du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales (1921-1922) ; militant de la Marne.

Sigismond Moszkowski
Sigismond Moszkowski
collection André Balent. Extrait de Balent & Cadé, op. cit., 1982, p. 116

Sigismond Moszkowski naquit dans une famille juive de propriétaires terriens de la région de Kielce alors sous administration russe. Jeune lycéen à Kielce, il s’engagea très tôt dans l’action contre le régime tsariste et fut renvoyé en 1905 du lycée. Il termina ses études secondaires en Autriche puis vint à Paris où il suivit des études supérieures de mathématiques jusqu’à la licence qu’il obtint en 1908 et un diplôme d’études supérieures en 1909. À Paris, il milita dans les rangs du Parti socialiste SFIO. Lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale il s’engagea dans la Légion étrangère. Blessé au combat, il fut amputé d’un bras (1915) et réformé. Naturalisé français en 1916, en vertu du décret du 4 août 1914, il devint professeur de mathématiques dans l’enseignement secondaire. En 1916, il occupa un poste à Privas (Ardèche) avant de venir enseigner les mathématiques au collège de Perpignan, à la rentrée scolaire de 1919. Il était le père de trois enfants.

Cultivé, ayant une solide formation politique, il devait devenir un des principaux protagonistes du débat qui précéda le congrès de Tours. Par la suite, il mit ses talents doctrinaux et oratoires au service du jeune Parti communiste dont il devint l’un des principaux dirigeants dans les Pyrénées-Orientales. Personnage chaleureux, il sut se faire admettre par les ouvriers et les petits paysans catalans, dont tout, a priori, le séparait.

Sigismond Moszkowski était en 1920 un des militants les plus actifs de la section socialiste de Perpignan et s’affirma en faveur de l’adhésion du Parti socialiste à l’Internationale communiste. Depuis 1918, Jean Payra, conforté par son pacifisme des années 1916-1918, avait pris la tête de la fédération. Le débat sur l’adhésion à l’Internationale communiste permit la remise en cause du prestige et de la notoriété de Jean Payra. Au moment de la préparation du congrès socialiste de Strasbourg (février 1920) une majorité de socialistes catalans se prononcèrent en faveur des thèses du Centre reconstructeur. Mais, à l’automne 1920, la majorité de la section de Perpignan était favorable à l’adhésion à l’IC. Sigismond Moszkowski ne se contentait pas, pour sa part, de mener le débat à Perpignan. Il se déplaçait dans les sections rurales afin de convaincre les hésitants. Ainsi il se rendit à Rivesaltes, section à base essentiellement ouvrière très profondément marquée par le guesdisme.

Sigismond Moszkowski fut délégué au congrès de Tours par la Fédération des Pyrénées-Orientales qui lors du vote d’orientation répartit ainsi ses mandats : 13 à la motion du Comité de la IIIe Internationale, 3 à la motion Leroy-Heine, 5 à la motion Blum-Paul Faure. Pendant le congrès, Sigismond Moszkowski fit à la tribune une intervention où il expliquait notamment que le vote majoritaire des socialistes catalans en faveur de l’IC était un acte réfléchi qui, en fin de compte, se situait dans le prolongement de la tradition guesdiste bien enracinée dans de nombreuses sections — surtout rurales — du département avant 1914.

Dès le début de l’année 1921, Sigismond Moszkowski siégeait à la commission administrative de la fédération et, en octobre, il était, selon le commissaire spécial de Perpignan, délégué fédéral à la propagande depuis le Ier congrès fédéral du Parti. À la fin de 1921 et au début de 1922, il remplit les fonctions de secrétaire de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales en remplacement de Lucien Thomas. Lors de la réunion préparatoire du congrès de Marseille (décembre 1921), la section de Perpignan vota les thèses du comité directeur ; seul Moszkowski semble avoir voté pour celles de Boris Souvarine. Le 25 décembre 1921, il se rendit à Marseille (Bouches-du-Rhône) comme délégué au congrès. Il fit une intervention le 3e jour, prenant parti pour la gauche et défendant Souvarine.

Au congrès de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales (26 février 1922), Sigismond Moszkowski présenta le rapport moral. Il rappela les difficultés qu’avait connues le parti après le congrès de Tours ainsi que l’action de propagande, d’organisation et d’éducation entreprise par la Fédération des Pyrénées-Orientales. Ce rapport fut adopté à l’unanimité par le congrès. Au début des années 1920, les organisations du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales formaient une Fédération autonome. Après la "bolchevisation" et jusqu’en 1934, elles devaient dépendre de la Région du Midi dont le siège était à Béziers (Hérault). Le Parti communiste tenta de se structurer dans un cadre plus large que le cadre départemental. Ainsi dès le 2 janvier 1922, Moszkowski se rendit à Toulouse (Haute-Garonne), pour représenter, avec Jean Marty, les Pyrénées-Orientales à une conférence interfédérale. Par la suite, le département participa de manière plus ou moins sporadique aux activités d’une interfédération communiste centrée sur Toulouse.

Pendant un an et demi, Sigismond Moszkowski tint de nombreuses réunions à Perpignan et dans diverses communes du département. Le plus souvent, il se voulait pédagogue : ainsi le 30 octobre 1921 à Saint-Laurent-de-Cerdans il expliqua à son auditoire quels étaient les fondements scientifiques de la doctrine communiste, du marxisme et fit une analyse de la situation nationale et internationale du prolétariat. Sa popularité inquiétait la police. Le 16 octobre 1921 le commissaire spécial de Perpignan recommandait sa mutation et la surveillance de sa correspondance. La SFIO, tout autant que les autorités administratives, redoutait que le Parti communiste s’enracinât profondément dans le département. Les rapports de police le concernant furent transmis par le préfet à l’inspecteur d’académie. Bientôt, le ministre de l’Instruction publique prit la décision de le muter d’office de Perpignan à Pont-l’Évêque (Calvados). Lorsque le Parti communiste prit connaissance de la mutation de son meilleur propagandiste, il réagit assez vivement. Le 9 septembre 1922, la section communiste de Perpignan aborda ce problème : Pierre Pacouil qui présidait la réunion protesta. À la réunion du 21 septembre il fut décidé que Sigismond Moszkowski quitterait l’enseignement, donnerait des leçons particulières et poursuivrait la tâche de propagande qu’il avait entreprise. Toutefois cette décision fut sans lendemain. Le 27 septembre, à la réunion de la section communiste de Perpignan, François Cabannes, maire de Rivesaltes lui adressa de chaleureux remerciements pour les services qu’il avait rendus au Parti communiste. Mais au cours de cette réunion, il fut dit que Moszkowski rejoignait son nouveau poste, contrairement à la décision de son parti.

Sigismond Moszkowski ne rompit pas tous les liens qui le rattachaient à Perpignan et au Roussillon. Les rapports de police font état de sa présence à Perpignan, pendant les vacances scolaires : le 30 décembre 1922 il assistait à une réunion des Jeunesses communistes ; en juillet 1923 il fut reçu par André Marty.

Lors du conseil national tenu à Saint-Denis le 1er juin 1924, il interrompit Louis Sellier, qui donnait lecture de son rapport, pour demander si Souvarine n’avait pas demandé au comité directeur d’éditer Cours nouveau de Léon Trotsky. Quelques années après son départ des Pyrénées-Orientales, Moszkowski fut professeur à Châlons-sur-Marne (1er octobre 1924). Secrétaire du syndicat des professeurs du collège de Châlons en 1935, il devint rapidement une des personnalités dominantes de la section communiste locale. Dès le 12 février 1934 il prit vigoureusement parti pour l’unité populaire et contre la montée du fascisme. Le 28 juin 1935, à une fête que les mouvements châlonnais de gauche organisaient à Compertrix, village de la banlieue de Châlons, il réclama l’alliance ouvrière et paysanne. Il fut au premier plan de tous les rassemblements de 1936, parlant habituellement au nom du Parti communiste. Il s’en fut même haranguer dans leur langue les travailleurs polonais de la région. En octobre 1937, il fut candidat aux élections cantonales. Membre du comité de la région Marne du Parti communiste, en 1938 il fut l’un des quatre mandataires du Parti communiste de Châlons qui négocièrent avec quatre membres du groupe socialiste SFIO une unification à la base des mouvements socialiste et communiste. L’accord fut réalisé le 30 juin 1938, mais les négociateurs socialistes furent désavoués par leur section.

Lorsque la guerre survint en 1939, Sigismond Moszkowski aurait été écarté de l’enseignement sans l’intervention de l’inspecteur d’académie J. Hellier qui répondit de lui. Son domicile fut perquisitionné et la police y découvrit entre autres des revues polonaises religieuses, car né Polonais, Moszkowski avait gardé quelque attachement à la foi de sa terre natale.

Au début de mai 1940, l’autorité militaire le fit arrêter et interner. Son épouse dut évacuer Châlons avec ses trois enfants. Dans la débâcle de 1940, Sigismond Moszkowski passa de prison en prison pour échouer finalement dans celle de Marseille au régime de droit commun. Aux dires de son collègue et ami, Irénée Dlévaque qui correspondait avec lui, son moral n’avait pas faibli. De là, il fut interné au camp de Chibron (commune de Signes, Var) où était concentré un demi millier de communistes. Il était le chef d’une chambrée où quatre internés, dont Fernand Hermann, furent condamnés à un an de prison pour avoir chanté L’Internationale dans la nuit du 24 au 25 décembre 1940. Il faisait partie de la petite équipe qui s’était proposée pour donner des cours aux autres internés. Dans un rapport daté du 30 janvier 1941, il était signalé comme faisant partie des militants ayant un ascendant sur les autres. C’est ce qui lui valut d’être dirigé sur Fort-Barraux, non loin de Grenoble (Isère), avec cent vingt trois autres militants « dangereux » lorsque le camp de Chibron fut fermé, le 14 février 1941. Après un bref séjour dans ce fort, il fut envoyé au camp de Bossuet dans le sud de l’Algérie. Cependant à Châlons des démarches diverses étaient entreprises pour le faire libérer. Ce fut peut-être celle tentée par l’ancien aumônier du collège qui réussit. Moszkowski fut ramené en France, libéré, mais surveillé, il demeura exclu de l’enseignement public.
Il vint habiter Digne, où son épouse trouva un emploi. Les Allemands occupèrent la région depuis septembre 1943. Il se fit embaucher au service chargé du recrutement de travailleurs pour l’Allemagne qu’il sabota, notamment les dossiers du STO. Le chef allemand s’en aperçut et le fit arrêter le 24 janvier 1944. L’historien Raphaël Spina "a trouvé aux Archives Nationales, dans les cartons du commissariat au STO, un rapport sur l’arrestation et la déportation de Sigismond Moszkowski par les Allemands. Sans doute pour le sauver, le délégué au STO de Digne, son employeur, présente cet enseignant révoqué comme un catholique pratiquant maréchaliste, lecteur de La Croix et de l’Action française".

De Digne il fut transféré à Nice et, envoyé à Drancy et de là déporté à Auschwitz le 10 février 1944 par le convoi n°68.

Il fit partie des 1229 déportés gazés à l’arrivée de ce convoi. Il ne figure pas dans le Livre-mémorial des déportés de France ce qui confirme qu’il a été considéré comme déporté racial.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article123279, notice MOSZKOWSKI Sigismond par André Balent, Georges Clause, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 6 novembre 2022.

Par André Balent, Georges Clause

Sigismond Moszkowski (1921)
Sigismond Moszkowski (1921)
cc Agence Meurisse
Sigismond Moszkowski
Sigismond Moszkowski
collection André Balent. Extrait de Balent & Cadé, op. cit., 1982, p. 116

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 3 W 188. — Arch. Dép. Marne, série T. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet (16 septembre 1959), liasse 108, rapports du commissaire spécial de Perpignan, 1921-1922 ; rapport de l’inspecteur de police spéciale,1922 ; liasse 111. — Arch. dép. Var 4 M 291 et 292. — RGASPI, 517, 1, 1908, Composition des comités régionaux en 1939 dans la Marne (Jacques Girault) ; mais pas dans dossier personnel dans le fonds 495 270. —
Le Cri catalan, 1920 et 1921. — L’Ordre nouveau, n° 4, 29 août 1921. — Michel Cadé, "Le problème de l’unité et la préparation du congrès de Tours dans la Fédération des Pyrénées-Orientales" in André Balent, Michel CadéHistoire de la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales (1895-1920), numéro hors série de Conflent (Prades), 1982. — Intervention de S. Moszkowski au congrès de Tours, 26 décembre 1920, publiée par André Balent in Butlletí, Centre pluridisciplinari d’Estudis catalans, Université de Perpignan, n° 2, Perpignan, 1974. — L’Union républicaine (Châlons-sur-Marne), 25 novembre 1947. — E. Barberousse, Le Front populaire à Châlons, op. cit. — Bibliothèque marxiste de Paris, microfilm n° 60.— Notes de Thérèse Dumont et Jean-Marie Guillon. — Mail de Raphaël Spina, 20 février 2018.

ICONOGRAPHIE : A. Balent et M. Cadé, op. cit.

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