Par Gérard Leidet, Antoine Olivesi
Instituteur à Marseille ; secrétaire général de la section du SNI des Bouches-du-Rhône (1932-1934), membre de la commission administrative de l’Union locale CGT de Marseille (1930-1939).
Jean Mouton était instituteur à Marseille à l’école de garçons de la rue Sainte Pauline puis à l’école de la rue des Vertus. En 1932, il était responsable de L’Ecole libératrice (hebdomadaire national du Syndicat national des instituteurs fondé et dirigé par Georges Lapierre), et du Bulletin mensuel de la section des Bouches-du-Rhône du SNI prenant rang dans la liste de militants enseignants qui gérèrent tour à tour le bulletin syndical : Mlle Beltrano (1920), V. Etienne (1923), Bernard Varèse (1924), J. Labrosse* (1927), Jules Gautier, puis César Durand (1928) et Marcel Babau (1931). La même année, en novembre, Jean Mouton devint secrétaire général de la section du SNI des Bouches-du-Rhône succédant encore à Marcel Babau, ce dernier devenant secrétaire général adjoint. Gilbert Mouton (y a-t-il un lien de parenté avec Jean ?), instituteur à l’école du Boulevard Vauban et Jullien, instituteur à l’école de la Crau à Salon complétaient le secrétariat départemental comme adjoints ; Bernardini était le trésorier général de la section qui comprenait alors 1300 syndiqués.
Le 4 décembre 1932, Jean Mouton assista à la réunion des secrétaires des sections départementales du SNI « voisines du Gard ». Cette initiative, impulsée par Mme Campan secrétaire de la section du Gard visait à un échange de vues autour notamment de la lutte contre la diminution des traitements. Outre le Gard et les Bouches-du-Rhône, y assistaient les représentants de la Lozère, des Pyrénées orientales, de l’Aude, et du Vaucluse (le secrétaire de l’Hérault, Bravet s’était fait excuser). Dans le prolongement de cette réunion à caractère régional, Jean Mouton participa le 26 janvier 1933, à un grand meeting de la Fédération générale de l’enseignement des Bouches-du-Rhône avec Babau, Jean-Paul Nayrac (secrétaire départemental de la Fédération de l’Enseignement-CGT puis secrétaire général de la Fédération SFIO des Bouches-du-Rhône en 1933), Adrienne Montégudet (du syndicat des membres de l’enseignement laïque-CGTU) et d’autres dirigeants syndicaux, pour protester contre la réduction des traitements et retraites décidée par le même gouvernement Chautemps.
En 1933, la section des Bouches-du-Rhône ayant voté un ordre du jour protestant contre la circulaire Chautemps, sur les objecteurs de conscience que publia ensuite Le Semeur et un journal de Paris, La Liberté (mais qui ne fut pas publié par Le Petit Provençal et Le Petit Marseillais), Jean Mouton fut convoqué par l’inspecteur d’académie, le 24 mai, pour s’expliquer sur cette prise de position. Attaqué auparavant par Marseille-Matin et son supplément Marseille-Soir qui flétrissaient les « théories subversives du syndicat des instituteurs », il répondit que la motion du SNI ne signifiait pas une approbation de l’objection de conscience en elle-même, mais une réaction contre l’atteinte à la liberté de pensée. Le rapport de l’inspecteur d’académie au ministre de Monzie conclut à l’apaisement. Dans ce contexte délicat, jean Mouton reçut de nombreux soutiens et messages de sympathie, de l’UD CGT naturellement mais également un ordre du jour transmis par la section du SNI de Haute-Savoie.
Le 26 janvier 1933, Jean Mouton avait participé à un grand meeting de la Fédération générale de l’enseignement des Bouches-du-Rhône avec Marcel Babau, Jean-Paul Nayrac, Adrienne Montégudet et autres, pour protester contre la réduction des traitements et retraites décidée par le même gouvernement Chautemps.
Cette année-là, les élèves-maîtres de l’Ecole normale d’instituteurs d’Aix s’insurgèrent de nouveau (ils l’avaient fait en 1929) contre l’autoritarisme et l’arbitraire manifestés par le directeur M Gleize. Alerté par les normaliens (parmi eux figuraient Georges Cheylan, Marcel Astruc, Paul Giampiétri, Léon Garnier, futurs secrétaires ou dirigeants du SNI et de la FEN des Bouches-du-Rhône dans les années d’après-guerre), Jean Mouton rencontra ces derniers avec Marcel Babau et il intervint auprès de l’Inspecteur d’Académie afin d’éviter des sanctions immédiates. L’action fut structurée ensuite dans le cadre départemental avec le syndicat unitaire de l’enseignement-CGTU (réunions pendant les vacances de Pâques, permanences…) et au plan national (liaisons régulières avec le bureau national du SNI). A cet égard, l’intervention d’Alphonse Levasseur, secrétaire national du SNI en charge des questions administratives, venu enquêter sur place à Aix fut décisive. Ses interventions auprès du ministère et des parlementaires de gauche permirent une issue positive, favorable aux normaliens à l’issue du conflit. Cette « affaire de l’Ecole normale d’Aix » en accompagna une autre, « l’Affaire Freinet », suivie de près notamment par Jean Mouton et Mlle Fouquet du bureau départemental : ordres du jour votés à l’unanimité, suggestions envoyées au bureau du SNI à Paris et à celui des Alpes-Maritimes, nombreux articles rédigés pour le bulletin par Mlle Fouquet.
A mi-parcours de son mandat de secrétaire général, en juillet 1933, Jean Mouton et son équipe avaient réussi leur pari concernant l’organisation de sections cantonales. En effet chaque canton comprenait désormais un délégué, « représentant actif » de la section départementale en lien permanent avec le bureau marseillais. Cette structuration qui fit longtemps la force militante du SNI dans les Bouches-du-Rhône permit alors l’existence de réunions de sous-sections « plus nombreuses et plus vivantes ».
En novembre 1933, Jean Mouton fut pressenti au nom de la section départementale du SNI afin d’envisager la création d’auberges de jeunesse dans les Bouches-du-Rhône. Après le débat mené lors du conseil syndical du 9 novembre, mandat lui fut donné de rechercher le concours des associations laïques du département en vue de la constitution d’un comité organisateur.
L’année suivante, toujours en qualité de secrétaire du SNI, Jean Mouton assista au congrès départemental de la Fédération des Amis de l’instruction laïque (quatre-vingt-sept sociétés et plus de 15 000 membres) destiné à préparer le 50e anniversaire de la Ligue de l’Enseignement pour son congrès national. Il fut réélu membre du bureau fédéral de cette organisation le 22 avril 1934 à Marseille.
Tout au long de son mandat de secrétaire général, Jean Mouton dut maintenir un dialogue régulier, franc mais courtois avec le syndicat unitaire de l’enseignement affilié à la CGTU. Face aux demandes de « Front unique » (notamment la constitution d’un comité antifasciste de l’enseignement) formulées par Flourens, secrétaire du syndicat unitaire, Mouton évoquait les difficultés de fonctionnement (surtout dues au calendrier) de la commission intersyndicale et renvoyait systématiquement aux programmes respectifs des deux syndicats : « Les organisations auxquelles nous adhérons s’occupent activement de la lutte contre le fascisme. La CGT et la fédération des fonctionnaires ont élaboré un programme et un plan d’action auquel nous avons adhéré et que nous aurons à mettre en place très prochainement… ».
Lorsqu’il quitta le secrétariat de la section départementale (novembre 1934), Jean Mouton, qui enseignait désormais à l’école de la rue des Vertus, demeura au bureau du SNI en tant que trésorier adjoint, Bernardini demeurant trésorier général. Marcel Babau redevint à nouveau secrétaire général, grâce à une dérogation votée par la commission exécutive. Jean Mouton fut chargé également du suivi des éditions SUDEL (Société universitaire d’édition de librairie, créée par le SNI). En effet, très marqué par la Première Guerre mondiale comme de nombreux instituteurs de cette période, Mouton intervenait souvent pour dénoncer le caractère belliciste des livres scolaires et l’aspect « nationaliste-chauvin » de certaines émissions de TSF dont il faisait souvent un compte-rendu critique dans le bulletin du SNI des Bouches-du-Rhône (article évoquant le 11 novembre 1932). Il usa de toute son influence pour que la question de la lutte contre la guerre figurât à l’ordre du jour du congrès départemental de juillet 1933. Par ailleurs, il estimait que les ouvrages publiés ne reflétaient pas suffisamment les pratiques professionnelles et pédagogiques. Il fut donc de ceux qui accueillirent avec enthousiasme l’idée que le Syndicat allait être à l’origine d’une maison d’édition. Le projet se concrétisant en 1932, à partir de là, Mouton allait accompagner la propagation des manuels scolaires des éditions SUDEL, en particulier en français et en histoire ; il essaya de favoriser régulièrement leur diffusion via le bulletin départemental tout en regrettant le manque de souscriptions recueillies et la place finalement modeste prise par les ouvrages SUDEL dans les classes du département, par opposition à d’autres (l’Indre notamment).
Entre 1934 et 1938, Jean Mouton occupa d’autres fonctions au sein du bureau du SNI : il était, avec Mme Févat*, l’adjoint de Bernardini à la trésorerie de la section départementale. Lors de la réunification de 1935 entre le Syndicat National (SN-CGT) et le syndicat de l’enseignement laïque (SEL-CGTU), Ruffin du SEL-CGTU prit la place de René Millet au bureau pour la publicité et le bulletin ; et ce dernier remplaça alors Mouton comme trésorier adjoint. A partir d’octobre 1935, Jean Mouton anima alors comme secrétaire la commission des affaires internationales au sein de la section départementale. Un numéro de juin 1936 mentionnait son nom comme gérant du Bulletin du Syndicat unique des institutrices et instituteurs des Bouches-du Rhône. Le 20 novembre 1937, il présida, comme secrétaire de la commission « vie pédagogique », la réunion concernant les classes de perfectionnement au cours de laquelle le principe d’une réunion mensuelle fut adopté. Les objectifs élaborés par la commission concernaient la mutualisation des travaux et méthodes utilisés par les maîtres de ces classes ; la défense des intérêts matériels et moraux des classes de perfectionnement et les questions d’ordre pédagogique (liste type de matériel pour les commandes, notamment en direction des instituteurs débutant dans l’enseignement des « arriérés » à qui l’on confie ces classes spécifiques) ; l’étude de « comités de patronage » était aussi envisagée…).Enfin, en octobre 1938, il appartenait encore (son nom disparut ensuite) à la commission exécutive du syndicat « unique » des institutrices et instituteurs des Bouches-du-Rhône dirigé par Louis Malosse et Vollaire*.
Jean Mouton faisait aussi partie, depuis 1930, de la commission administrative de l’Union locale CGT de cette ville mais, après la réunification de 1936, il évolua vers la tendance René Belin et, le 10 avril 1938, il signa une déclaration des Amis de Syndicats réclamant l’indépendance du syndicalisme au sein de la CGT. Suivit-il ensuite son « cher camarade » Marcel Babau lorsque celui-ci, après la rupture de l’automne 1947, présenta le rapport administratif lors du congrès constitutif de l’UD-FO des Bouches-du-Rhône (dont Babau fut le secrétaire provisoire), le 14 mars 1948 à Marseille ?...
Par Gérard Leidet, Antoine Olivesi
SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10793. — Archives du SNI des Bouches-du-Rhône. — Bulletin mensuel du syndicat des institutrices et instituteurs publics de la section des Bouches-du-Rhône (porte en surtitre : Syndicat national des instituteurs et institutrices de France et des colonies).— Le Midi syndicaliste, 15 mars 1935. — Le Petit Provençal, 1933-1938. — Témoignage de Pascal Lena. — Notice DBMOF par Antoine Olivesi.