MUGNIER Marcel, Philibert

Par Daniel Grason

Né le 15 octobre 1906 au Creusot (Saône-et-Loire), mort le 6 janvier 1970 à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ; ajusteur traceur ; militant communiste et syndicaliste CGT ; interné ; résistant ; membre du bureau de l’Association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR) ; liquidateur national du Front national et des FTPF.

Fils d’Antoine Mugnier, monteur, et de Marie Touillon, sans profession ; Marcel Mugnier épousa Hélène, Marthe, née Belfort (le 18 mars 1910 à Puteaux, Seine) le 6 février 1932 en mairie de Courbevoie (Hauts-de-Seine). Le couple demeura 119 rue des Matrets chez les parents d’Hélène, dont le père Georges Belfort était retraité de la préfecture de police.
Marcel Mugnier adhéra à la CGT et au Parti communiste. la police le disait membre du comité de section du XIVe arr. de Paris.
il exerça son métier d’ajusteur traceur du 25 octobre 1935 au 12 janvier 1939 à la tôlerie automobile Bellanger 17 boulevard de Reims à Paris ((XVIIe arr.). Il assuma dans la même période les fonctions de gérant du château de Baillet (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), le lieu faisait partie des œuvres sociales du syndicat C.G.T. de la Métallurgie, son épouse Hélène y était employée comme comptable. Les ouvriers de la région parisienne fréquentaient le lieu pendant les week-ends et les premiers congés payés des années du Front populaire. Le 2 février 1939, il entra chez le fabricant de camions Unic, 1 rue Volta à Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine). Il fut affecté spécial dans cette entreprise en tant qu’ajusteur outilleur.
Le couple Mugnier habitait 261 boulevard Jean-Jaurès à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine). Le 26 septembre 1939 le gouvernement promulgua un décret-loi ordonnant la dissolution du parti communiste et l’interdiction du journal l’Humanité. Le 18 novembre 1939 un second décret-loi prévoyait des mesures d’internement à l’égard des « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique », sur décision du préfet.
Des militants de la CGT de la fédération de la métallurgie, membres du parti communiste qui étaient restés en relation décidèrent d’une expression écrite intitulée La Voix des Usines. Ce groupe comprenaient plus de soixante-dix membres parmi lesquels plusieurs permanents dont certains avaient été dans l’appareil technique de l’organisation syndicale. Les interpellations eurent lieu à Boulogne-Billancourt où étaient concentrées de nombreuses usines de la métallurgie : Renault, Salmon, Société des moteurs Renault aviation (SMRA) etc.
Interpellé le 16 avril 1940, Marcel Mugnier reconnut avoir porté une machine à ronéotyper chez son beau-père Georges Belfort dans son pavillon à Clamart, il la récupéra huit jours plus tard avec Gaston Rivière. Auditionné son beau-père confirma les faits. Plusieurs perquisitions eurent lieu chez des militants : 2000 exemplaires de La Voix des Usines furent saisis dans une valise au café tenu un aveyronnais père de sept enfant Raymond Bosc, 144 rue de Billancourt. Cent cinquante exemplaires de la Vie Ouvrière avaient transité dans le même lieu.
La Voix des Usines portait en sous-titre : « Organe des Comités pour l’indépendance syndicale ». Les articles étaient consacrés à la nécessité d’augmenter les salaires, de la vie chère, des revendications d’atelier. Un mot d’ordre politique proclamait : « À bas la guerre impérialiste » et « Libération des emprisonnés pour leur action contre la guerre ».
Le matériel technique qui avait été utilisé pour éditer La Voix des Usines fut saisi : « deux machines à ronéotyper, dont l’une électrique et à grand débit ; plusieurs machines à écrire ; des centaines de kilos de papier à tracts et des stencils ». Cette dernière information parut le 23 avril 1940 dans Le Matin quotidien bientôt collaborationniste, titra : « 74 communistes arrêtés à Paris et en banlieue. Dans les milieux l’ex-région ouest du parti ».
Arrêté pour propagande communiste Marcel Mugnier fut affecté à la ferme Saint-Benoit (Seine-et-Oise). Il s’en évada en juin 1940 (un rapport de police dit, sans doute par erreur, il fut libéré le 30 juin). Il fut chargé de l’organisation de la diffusion de la propagande du parti communiste dans le secteur de Nanterre, en relation avec Félix Pozzi.
Le 27 janvier 1941 le tribunal militaire de Périgueux le condamna par défaut à cinq ans de prison et mille francs d’amende pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939. Marcel Mugnier aurait été l’organisateur des manifestations des 1er mai et 14 juillet 1941, de sabotages. Concernant le 1er mai, dans le rapport hebdomadaire des Renseignements généraux les policiers notaient le « découragement des éléments communistes de base à la suite de l’échec complet des efforts de propagande qu’ils ont déployés à l’occasion de la journée du 1er mai. […] En dépit des mots d’ordre donnés, aucun dépôt de cahiers de revendications n’a eu lieu ».
Quant aux sabotages, entre le mois d’octobre 1940 et l’attentat du 21 août 1941 de Pierre Georges, futur colonel Fabien contre un officier allemand au métro Barbès qu’il tua, il y eut trois actions dans le département de l’ex-Seine. Le 8 octobre 1940 vers 22 heures 30 un engin éclata devant la boulangerie du 49 rue des Panoyaux à Paris (XXe), peu de dégât, onze personnes légèrement blessées. Le 27 février 1941 vers 6 heures 30 du matin, un soldat allemand qui était sur la passerelle du canal Saint-Denis était poussé dans les eaux du canal. Un dionysien Georges D… le sauva de la noyade, le 7 mars, dix civils qui étaient retenus en otage étaient libérés. Le 24 avril 1941 en soirée, un engin de faible portée (une boîte de cirage remplie de poudre) éclata devant un café de Noisy-le-Sec (Seine, Seine-Saint-Denis). Une lettre de menaces avait été adressée au patron du débit de boissons parce qu’il servait des soldats allemands.
Le 22 juin 1941, l’attaque des troupes hitlériennes contre l’Union Soviétique, consacra de fait la rupture du pacte germano-soviétique. Les énergies militantes furent libérées. Marcel Mugnier échappa à la police, mais fut condamné à mort, en février 1942, par contumace. Il continua son action à Saint-Ouen, Saint-Denis, Aubervilliers et fut à l’origine de sabotages à l’Alsthom et à la Somua.
Quant à Félix Pozzi, il fut arrêté le 11 septembre 1941 par des policiers du commissariat de Puteaux qui arrêtèrent d’autres militants propagandistes du secteur de Nanterre dont Célestin Hébert. Il y eut treize condamnations à mort, tous furent passés par les armes au Mont-Valérien à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine).
Par la suite, Marcel Mugnier quitta la région parisienne pour l’Yonne où il devint chef départemental du Front national. En septembre 1942, il fut nommé au commandement de l’Interrégion n° 21 du Front national (Haute-Saône, Haute-Marne, Doubs, Territoire de Belfort, Vosges, Meurthe-et-Moselle, Ain et Jura). Arrêté le 3 août 1943 à Épinal, blessé, il réussit à s’évader et quelques semaines plus tard, devint chef interrégional en Bretagne. Nommé ensuite chef interrégional du Sud-Ouest.
Marcel Mugnier fut élu le 2 février 1945 secrétaire général adjoint du Front national. Le 26 juin 1945, il déclara le journal du Front national – Le nouveau Journal de Paris dont le siège était 19 rue Saint-Georges à Paris (IXe arr.). En 1948, il devint membre des « Combattants de la Liberté et de la Paix », représenta le XIVe arrondissement aux « Assises Départementales de la Paix » en novembre 1951 à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis). En 1954, il accéda à des responsabilités nationales au sein de l’Association nationales des anciens combattants de la résistance française (A.N.AC.R.F.). Liquidateur national du Front national et des F.T.P.F., il délivrait des attestations aux familles de fusillés, internés et déportés pour obtenir la validation de leurs actions de résistants. Lui-même fut homologué interné résistant.
En 1946, il était secrétaire général appointé de l’association communiste le Foyer de la Table ronde.
Avec son épouse Hélène Mugnier, également militante du PCF, conseillère municipale de Paris, il habita rue du Moutier à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis), le couple déménagea au 12 rue Eugène-Berthoud, dans la même ville. En 1967 lors des élections législatives le candidat de droite qui se présentait face à Étienne Fajon engagea une procédure de vérification des listes électorales. Mille trois cents Audoniens étaient convoqués par le tribunal d’instance de Saint-Ouen, trois cents se présentèrent dont Marcel Mugnier qui fit un coup d’éclat, il s’éleva à haute voix contre les agissements de ce candidat : « Voilà deux fois que je suis convoqué devant un tribunal. La première fois c’était par les autorités allemandes, la deuxième c’est par monsieur Bonneville, avec pour simple preuve la soi-disant bande [adresse] d’un journal ».
Malade, Marcel Mugnier mourut le 6 janvier 1970 à Saint-Ouen. Jacques Duclos et Jacques Denis vinrent s’incliner devant son corps. Ses obsèques se déroulèrent le jeudi 8 janvier, huit cents personnes étaient présentes dont Étienne Fajon, député de la circonscription, directeur de l’Humanité ; Marcel Paul, ancien ministre ; Fernand Lefort, maire de la ville, Pierre Villon, membre du Conseil national de la Résistance et le colonel Henri Rol-Tanguy, membre du comité central du P.C.F. Deux allocutions furent prononcées au cimetière de Saint-Ouen par Fernand Lefort et Pierre Villon.

Marcel Mugnier était titulaire de la rosette de la Résistance. Il était assimilé comme 2e classe puis après appel au grade de commandant. Il était chevalier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article123529, notice MUGNIER Marcel, Philibert par Daniel Grason, version mise en ligne le 11 mai 2016, dernière modification le 8 août 2018.

Par Daniel Grason

SOURCES : AN BB/18/7026 transmis par Gilles Morin. – Arch. PPo. CB 83.23 (main courante du commissariat de Boulogne-Billancourt), BA 1752, GA 200, 1W 2188, carton 10 rapports hebdomadaires des renseignements généraux. – Bureau Résistance : GR 16 P 436630. – Le Matin du 23 avril 1940. – L’Humanité du 6 janvier 1970. – Amilcar Rossi (Angelo Tasca), Les communistes pendant la drôle de guerre, Éd. Albatros, 1972. – L’Humanité, 6 janvier 1970. — Le Monde, 7 janvier 1970. — Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux 1939-1944, Thèse, op. cit. – Pas de dossier Mugnier Marcel dans les archives du Komintern. — État civil. — Notes de Michèle Landois.

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