NICOLAS Jean [NICOLAS Marcel, Jean, Louis]

Par Nicole Racine

Né le 22 janvier 1906 à Paris (XIVe arr.), mort le 21 juillet 1980 à Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône) ; décorateur, architecte ; militant du Parti communiste de 1929 à sa mort.

Né dans une famille de souche parisienne, Jean Nicolas fut à douze ans pupille de la Nation, son père ayant été tué dès l’automne 1914. Un de ses oncles, antiquaire, l’orienta vers les beaux-arts. Il suivit les cours de l’école Boulle. En 1924, avec quelques camarades, il fonda un "phalanstère" du côté de Juvisy dont l’expérience tourna vite court. En 1925, Jean Nicolas commença à gagner sa vie et devint salarié chez les architectes Lahalle et Levard qui travaillaient pour les grands magasins du Printemps. Appelé en 1926 au service militaire, devenu sous-officier, il fut dégradé pour insolence envers ses supérieurs. De retour à la vie civile, il fréquenta des artistes, des écrivains ; parmi ceux-ci Aragon et son amie Nancy Cunard qui l’orienta vers l’architecture d’intérieur. Jean Nicolas s’était également lié avec Paul Vaillant-Couturier et adhéra au Parti communiste le 1er août 1929, lors de la journée internationale contre la guerre impérialiste. Au début des années trente, Vaillant-Couturier demanda à Nicolas de travailler avec lui et Aragon à la création d’une association d’intellectuels, la future Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). Jean Nicolas joua, dans l’ombre, un rôle important aux côtés de Vaillant-Couturier puis d’Aragon. Secrétaire général de la Maison de la culture fondée en 1936, il fut selon de nombreux témoignages, dont celui de Boris Taslitzky, la pierre angulaire de l’organisation. Il fut secrétaire de l’association Ciné-Liberté qui a produit pour le compte de la CGT le film de Jean Epstein Les Bâtisseurs, dans lequel Le Corbusier apparait. Admirateur de Le Corbusier, très lié à son associée Charlotte Perriand, il fut le secrétaire général du Ve congrès des CIAM qui se tint à Paris, à la Maison de la culture (24 juin-2 juillet 1937) sur le thème "Logis et loisirs". Il fit alors office de relais entre Le Corbusier soucieux d’obtenir le soutien du Parti communiste à ses projets et la direction.

La guerre déclarée, il fut mobilisé à Mützig (Bas-Rhin), sous les ordres du général Giraud. Fait prisonnier aux Rouges-Eaux le 25 juin 1940, il fut envoyé au camp de Koswig, près de Dresde. Il y resta jusqu’à la libération du camp par les Américains, le 5 mai 1945 ; il y avait organisé plusieurs filières d’évasion, mais lui-même ne chercha pas à s’évader, estimant, comme militant, qu’il devait rester sur place.

À son retour à Paris, Jean Nicolas retrouva Aragon qui lui proposa d’assumer la fonction de secrétaire général de l’Union nationale des intellectuels (UNI) dont le siège était à la Maison de la Pensée française, rue de l’Élysée. Il fut, avec Solange Morin, la cheville ouvrière de la Maison de la Pensée française sous la houlette d’Aragon et d’Elsa Triolet. Il redevint l’intermédiaire de Le Corbusier, alors attaché au succès de son Unité d’Habitation de Marseille, dans ses rapports avec le parti et la CGT.

En 1950-1951, Jean Nicolas organisa, sur une idée d’Elsa Triolet, des "Batailles du livre", campagnes de diffusion à l’échelle nationale, avec des "Journées du livre" à Paris et dans les principales villes de France. Il assura une grande exposition sur le thème "la Résistance-la Culture" à l’occasion du Festival international de la Résistance à Vienne (Autriche) du 25 au 30 novembre 1954.

En 1954, Jean Nicolas qui vivait jusque-là, ainsi que le dit Mounette Dutilleul, "comme un permanent un peu bohème", reprit son travail d’architecte. Il exerça un moment avec Anatole Kopp dans les locaux de la Maison de la Pensée française. De 1965 à 1979, il dirigea une agence de programmation en architecture et urbanisme dont le but était de préparer des opérations d’aménagement pour les municipalités communistes de la région parisienne. Jean Nicolas fit partie, jusque dans les années soixante-dix de la commission d’architecture et d’urbanisme du comité central et joua un rôle essentiel dans la répartition de la commande municipale parmi les architectes membres du parti contribuant ainsi à la création d’agences innovantes comme l’atelier de l’AUA (Atelier d’urbanisme et d’architecture). En 1970, Jean Nicolas proposa et obtint le concours d’Oscar Niemeyer pour la construction du nouvel immeuble du PCF, place du colonel Fabien à Paris.

Durant toute sa vie et depuis les années trente, Jean Nicolas fut un des metteurs en scène de la "Fête de l’Humanité", dont il devint le responsable architectural et technique. "Le grand fil rouge qui traverse toute sa vie, écrit Mounette Dutilleul, restera la fête de l’Humanité. Nicolas a le sens de la fête, de la fête populaire, dans la tradition française." De ces fêtes organisées dans les bois des environs de Paris, à Meudon, Garches, Vincennes ou au parc de La Courneuve, Jean Nicolas, rappelle-t-elle encore, fut l’inspirateur.

On trouve rarement le nom de Jean Nicolas dans les publications, encore plus rarement sa photo. Son activité militante ne l’appelait pas en effet sur le devant de la scène. Elle fut toujours discrète, presque clandestine, "hors de la vue", rappelle Anatole Kopp, non seulement des non-communistes mais de la plupart des membres du parti. Diffusant l’Humanité chaque dimanche au métro Convention, il était devenu trésorier de sa cellule du XVe arr.

Jean Nicolas avait épousé Mounette Dutilleul le 30 septembre 1950.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article123956, notice NICOLAS Jean [NICOLAS Marcel, Jean, Louis] par Nicole Racine, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 4 avril 2019.

Par Nicole Racine

SOURCES : RGASPI, 495 270 870. — Fonds Jean-Richard Bloch, Bibliothèque nationale. — Note de souvenirs de 7 pages manuscrites de Mounette Dutilleul. — Entretiens avec Mounette Dutilleul (1988-1989). — Notes d’Anatole Kopp (1988) et de Jean-Louis Cohen (1990). — Entretien avec Boris Taslitzky (1988). — L’Humanité, 22 juillet 1980. — Le Monde, 25 juillet 1980. — Catherine Claude, C’est la fête de l’Humanité, Éditeurs français réunis, 1977, 136 p. — Noëlle Gérôme, Danielle Tartakowsky, La Fête de l’Humanité. Culture communiste, culture populaire, Messidor-Éditions sociales, 1988, 340 p.

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