NOGUÈRES Henri

Par Claude Pennetier

Né le 13 novembre 1916 à Bages (Pyrénées-Orientales), mort le 15 novembre 1990 à Paris XIXe arr. ; militant socialiste ; journaliste, homme de lettres, avocat ; résistant ; président de la Ligue des droits de l’Homme.

Fils de Louis Noguères, Henri passa son enfance à Paris et fit ses études au lycée Janson-de-Sailly jusqu’à la classe de troisième. Il prépara seul le baccalauréat et s’inscrivit à la Faculté de droit et à la Sorbonne (philosophie).

Membre des Jeunesses socialistes à partir de 1932, secrétaire du groupe des Étudiants socialistes de Paris en 1934-1935, président du Front universitaire en 1935, Henri Noguères était à l’époque paul-fauriste. Il militait à la 5e section du Parti socialiste. En 1936, Oreste Rosenfeld, rédacteur en chef du Populaire lui demanda de venir renforcer la rédaction comme stagiaire. Il accepta et fut affecté aux « informations générales » après avoir terminé sa première année de droit. Henri Noguères se sépara de Paul Faure au moment des accords de Munich (29-30 septembre 1938). Au lendemain de la signature, il écrivit aux autorités militaires pour renoncer à son sursis.

Son service militaire le conduisit à l’École de Saint-Maixent d’où il sortit aspirant le jour même de la déclaration de guerre. Marié en novembre 1939 à Jacqueline Profichet (premier prix de piano du Conservatoire de Paris), il fit la campagne de 1940 dans les Ardennes avec le 329e régiment d’infanterie. Blessé par un éclat d’obus le 15 mai 1940 alors qu’il commandait sa compagnie, il fut évacué par les Allemands et passa treize mois en Allemagne avant d’être rapatrié sanitaire.

Henri Noguères bénéficia d’un privilège réservé aux anciens prisonniers de guerre pour passer en même temps sa deuxième et sa troisième année de droit. Il put donc s’inscrire au barreau le 4 novembre 1942 et plaider diverses affaires pendant un an, en particulier celles de jeunes communistes déférés devant les sections spéciales. Militant socialiste clandestin et membre de l’antenne parisienne du mouvement de résistance Libération-sud, il entra dans la clandestinité en novembre 1943 comme chef régional du mouvement Francs-Tireurs à Montpellier. Il fut adjoint au chef régional du Parti socialiste clandestin. Arrêté par les SS à la veille du débarquement de Provence, H. Noguères s’évada et participa aux combats pour la libération de la Région R3 (Languedoc-Roussillon). Le gouvernement d’Alger l’avait chargé de préparer la mise en place dans les deux zones des émetteurs de la radiodiffusion française. À la Libération, il fut nommé délégué régional du ministre de l’Information au commissariat de la République de Montpellier. Il fut candidat à l’élection cantonale du 23 septembre 1945 dans le canton de Vinça (Pyrénées-Orientales). Il fut battu dès le premier tour par le candidat communiste, André Gendre (Gendre, 1845 voix ; Noguères, 1609 voix ; Peyrevidal, radical-socialiste, conseiller général sortant, 103 voix).

Henri Noguères reprit sa place au Populaire comme chef du service politique tout en étant, en 1946, directeur du journal parlé de la radiodiffusion française. Sa femme était alors chef de cabinet de Gaston Defferre. Cette même année, Léon Blum fit de Noguères le rédacteur en chef du Populaire. Ses sympathies allaient à Daniel Mayer et au courant blumiste, aussi le succès de Guy Mollet le mit en difficulté. En désaccord avec l’administration du journal, il partit discrètement en 1949. Éditorialiste au Provençal, il fonda en 1950 l’Agence centrale parisienne de presse (ACP) dont il était propriétaire à 50 % avec Georges Lustac. Il en resta directeur-rédacteur en chef pendant dix ans tout en participant à la fondation d’Europe n° 1 en 1954.

En 1956, Henri Noguères avait été rappelé, comme chef de bataillon de réserve, en Algérie à l’état major de la 9e DI et de la zone d’Orléansville. Ce séjour de six mois conforta ses positions anticolonialistes. Il cessa de cotiser au Parti socialiste en 1956. En mai 1958, il manifesta une hostilité active aux conditions dans lesquelles le général de Gaulle revint au pouvoir. Aussi rompit-il avec son ami Gaston Defferre et participa-t-il à la création du Parti socialiste autonome (PSA) puis en 1960 à celle du Parti socialiste unifié (PSU) qui ne le compta parmi ses membres que pendant quelques années. Il réadhéra avec Alain Savary au Parti socialiste en 1969 et au congrès d’Épinay (1971) il soutint le courant Defferre-Mitterrand contre celui de Savary-Mollet. Déçu par l’évolution de la politique du Parti socialiste, il le quitta "sur la pointe des pieds" en 1988.

Sur le plan professionnel, après 1958, Henri Noguères avait connu sa "traversée du désert". Il écrivit pour la radiodiffusion, fut producteur d’émissions télévisées comme "L’histoire dépasse la fiction", puis devint éditeur chez Robert Laffont (directeur administratif et directeur des collections historiques de 1962 à 1966) et chez Flammarion (secrétaire général de 1966 à 1976). Parallèlement, son œuvre d’historien s’affirma grâce à sa monumentale Histoire de la Résistance en France avec Marcel Degliame-Fouché.

Il fut à l’origine, avec André Tollet* et Christian Pineau* de la création du Musée de la Résistance Nationale (MRN), installé d’abord à Ivry-sur-Seine puis de Champigny-sur-Marne.


Henri Noguères, déjà membre de la Ligue des droits de l’Homme dans sa jeunesse au quartier latin, réadhéra en 1958 et devint très vite président de la 3e section et membre du comité central. Daniel Mayer lui demanda de prendre sa succession à la présidence de la Ligue en 1974. Il abandonna cette fonction en 1984 au profit d’Yves Jouffa. Réinscrit au barreau de Paris depuis 1976, il se spécialisa dans le droit de l’édition tout en plaidant dans les grands procès concernant les droits de l’Homme, particulièrement après 1984. Il fut ainsi l’un des avocats des parties civiles au procès Barbie et celui des syndicalistes CGT de chez Citroën et Renault et celui de la FNDIRP pour défendre la mémoire de Marcel Paul.
Il mourut le 15 novembre 1990 à Paris, à son bureau. Il fut inhumé à Berchères-sur-Vesgre (Eure-et-Loire) où le couple possédait une résidence secondaire. Il était multimédaillé : Grand croix de la Légion d’honneur, commandeur de l’Ordre national du mérite, Croix de guerre 39/45, Médaille militaire, Médaille de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article124102, notice NOGUÈRES Henri par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 3 décembre 2020.

Par Claude Pennetier

ŒUVRE : Parmi ses ouvrages historiques, citons ceux qui concernent le XXe siècle : La République accuse... Au procès de Riom, Paris, éditions de la Liberté, 1945. — Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, 5 vol., Robert Laffont, 1967-1981. — Munich ou la drôle de paix, Cercle du bibliophile, 1969. — Le suicide la flotte française à Toulon (27 novembre 1942), R. Laffont, 1961. — La Vérité aura le dernier mot, Seuil, 1985. — La Vie quotienne en France au temps du Front populaire, 1935-1938, Hachette, 1977. — La Vie quotidienne des résistants de l’Armistice à la Libération, 1940-1945.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 49 W 41. — Who’s who in France, 1979-1980. — Document communiqué par Henri Noguères. — Entretien avec Henri Noguères. — Note d’André Balent. — Jean Rifa, La Semaine du Roussillon, n°1162, 24 au 30 octobre 2018. — Renseignements communiqués par sa fille, Dominique Noguères.

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