ODRU Louis, Albert. Pseudonyme : Curie

Par Claude Willard

Né le 9 décembre 1918 à Sospel (Alpes-Maritimes), mort le 10 septembre 2004 à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ; instituteur ; militant communiste ; résistant ; membre de l’Assemblée de l’Union française (1949-1958), conseiller municipal (1959-1989) et général (1959-1967) de Montreuil, député de 1962 à 1986.

Louis Odru
Louis Odru
Député

Louis Odru était l’aîné d’une famille de trois enfants. Son père, trésorier du syndicat autonome des douanes, avait adhéré au PC en 1929.

Sous l’influence de sa famille, mais aussi de son instituteur Virgile Barel, Louis Odru s’inscrivit à la JC le 7 février 1934. En 1935, il entra à l’École normale d’instituteurs de Nice et devint secrétaire du groupe André Marty des étudiants communistes de Nice (1936-1937). En 1937-1938, il milita au Comité de vigilance des jeunes intellectuels antifascistes de Nice ; de 1937 à sa dissolution en 1939, il appartint au bureau régional des JC des Alpes-Maritimes. Il adhéra au Syndicat national des instituteurs et aux Amis de l’Union soviétique.

À l’automne 1938, après trois ans d’École normale, Louis Odru fut nommé instituteur à Menton dans la même classe où, dix ans auparavant, il avait été l’élève de Barel. et il fut gréviste le 30 novembre 1938.

Au début de la drôle de guerre, avec son frère Eugène Odru, il anima, à Nice, trois groupes clandestins de la JC. Comme instituteur, les autorités de Vichy le sanctionnèrent en le déplaçant en septembre 1940 dans un village du Cantal. Mais il était toujours mobilisé dans l’infanterie depuis la fin novembre 1939. Après avoir séjourné à Montpellier, puis à Sète et à Agen, il fut envoyé, après l’armistice, sur la ligne de démarcation, près de Loches, où, avec des camarades soldats, il dénonça, par tracts et inscriptions, Vichy et la collaboration...
Arrêté le 5 novembre 1940 pour « propagande communiste dans l’armée », transféré au Blanc puis à Châteauroux, il fut condamné le 24 janvier 1941 par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand, à cinq ans de prison, dix ans d’interdiction de droits civiques et familiaux et 1 000 F d’amende. En prison, il organisait loisirs culturels et débats politiques, développant la solidarité entre détenus, et fut à plusieurs reprises sanctionné et transféré : prison militaire de Clermont-Ferrand, en Dordogne, camp de Mauzac du 21 février 1941 au 2 avril 1942, puis prison de Bergerac du 2 avril au 11 août 1942, puis à nouveau à Mauzac (11 août-13 janvier 1943) et à la prison de Bergerac jusqu’au 29 mai 1943. Après une tentative d’évasion, il fut expédié à la prison militaire de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) où il resta jusqu’au 6 juin 1944. En contact avec les communistes de la région, il fit partie du triangle de direction de la prison qui organisa la célébration du 14 juillet 1943. Après une attaque de la prison par les FTP et une tentative d’évasion en février 1944, il réussit à s’évader avec quatorze autres détenus, le 6 juin 1944.

Rejoignant le maquis FTP d’Ols-Camboulan, que commandait son camarade de prison François-Antoine Vittori, commissaire aux effectifs, il participa à la libération de l’Aveyron et du Tarn (notamment Albi, bassin de Decazeville-Aubin, mines de Carmaux). Sous le pseudonyme de « commandant Curie », il commandait les FTP lors du défilé de la Victoire à Albi, fin août 1944. En tant que représentant de l’état-major de la XVIe région militaire, il se rendit à Montpellier le 30 août 1944. Nommé chef-adjoint du 1er bureau à l’état-major, le 1er septembre 1944, commandant du 173e régiment d’infanterie en janvier 1945, affecté à l’école de cadres (mars-avril 1945 à Castres), il suivit la première Armée, franchit le Rhin et, après la capitulation, resta à Stuttgart (juin-juillet 1945) avant de revenir à l’état-major de la 16e région militaire, comme chef du bureau régional FFI (juillet-octobre 1945). Démobilisé le 1er octobre 1945, avec le grade de capitaine, il reçut la médaille de la Résistance, la Croix de guerre avec palmes et une citation à l’ordre de l’armée, signée de De Gaulle, commençant ainsi : « Jeune patriote arrêté pour ses convictions nationales le 5 novembre 1940 ».

Au début de 1946, Louis Odru devint secrétaire fédéral à l’organisation du PCF des Alpes-Maritimes. Il suivit le stage d’éducateur (10-29 juin 1946) où il fut jugé comme étant le meilleur élève. Le 19 juillet 1947, il fut proposé par Étienne Fajon pour entrer à la section idéologique et vint à Paris en août 1947, et, comme instructeur du comité central, il fut chargé d’aider diverses directions fédérales. En octobre 1947, alors qu’il participait à Verdun à l’affaire des péniches de sucre, il fit la connaissance de Madeleine Dissoubray, institutrice, ancienne déportée à Auschwitz et Mauthausen, avec qui il se maria le 20 novembre 1948 à la mairie du XIIIe arrondissement de Paris.

De janvier à novembre 1949, le PCF envoya Louis Odru à la Réunion, pour y organiser la fédération du PCF. Il y vécut sur place la distorsion entre la parole assimilationniste et la réalité des faits. Proposé par Raymond Barbé en août 1948, nommé en février 1949 à l’Assemblée de l’Union française (sur le contingent du PCF, en remplacement d’Adrien Duqueroix, démissionnaire), il entra comme permanent à la section coloniale du PCF, plus spécialement chargé des DOM-TOM. Il y fit part des leçons qu’il avait tirées de son séjour à la Réunion et contribua, pour sa part, à la mutation du PCF à l’égard des « vieilles colonies », en avril 1949 : constat que l’assimilation à un département français débouchait sur le maintien de l’oppression coloniale ; développement donc de la lutte anticolonialiste pour l’égalité des droits entre les DOM et la France métropolitaine. Avec persévérance et non sans réticences, mais l’expérience aidant, la section coloniale réussit à faire triompher cette ligne nouvelle, à la fois malgré et grâce à la démission spectaculaire d’Aimé Césaire en 1955 : constitution des partis communistes martiniquais (1957), guadeloupéen (1958), réunionnais (1959).

De 1951 à 1957, la direction du PCF demanda à Louis Odru d’abandonner ses responsabilités dans les DOM-TOM pour s’occuper de l’Afrique noire sous dépendance française : il s’agissait de renouer, de développer les liens avec les partis, mouvements, personnalités anticolonialistes, de dénoncer la répression et d’assurer la solidarité du peuple français aux peuples africains, tâche rendue nécessaire par la rupture des liens entre le Rassemblement démocratique africain (RDA) et le PCF. Louis Odru assista ainsi à Abidjan, avec Laurent Salini (de l’Humanité) au procès des accusés de Dimbokro (Côte-d’Ivoire).

Il fut un des principaux animateurs du Comité de défense des libertés démocratiques en Afrique noire, qui éditait un bulletin, Frères d’Afrique, et envoyait des avocats français défendre les militants anticolonialistes africains. Utilisant au maximum les facilités que l’Assemblée de l’Union française accordait à ses membres, Louis Odru effectua de longs et pénibles voyages d’étude et de solidarité au Sénégal, en Guinée, au Soudan, au Niger, en Haute-Volta. Ce qui lui permit d’intervenir sur de nombreux problèmes à l’assemblée de l’Union française et d’aider les députés communistes (sur la répression, les droits de l’Homme, le code du travail, le droit des Africains à l’indépendance...).

Dans le même temps, Louis Odru participa activement à la lutte contre la guerre du Viêt-nam. Le secrétariat du PCF, le 1er octobre 1954, le chargea de constituer un comité « pour la solution pacifique de la guerre au Vietnam ». À l’assemblée de l’Union française, il dénonça « le trafic des piastres », réalisé sur le sang des Vietnamiens et des soldats du corps expéditionnaire. Ensuite, après novembre 1954, il lutta pour le droit à l’autodétermination du peuple algérien, notamment par plusieurs articles dans L’Algérien en France.

En 1957, Louis Odru fut muté à la section de politique extérieure du comité central (la « polex »), tout en continuant de siéger jusqu’à sa dissolution, fin 1958, à l’assemblée de l’Union française.

Habitant Montreuil depuis 1951, militant du conseil départemental du Mouvement de la paix, il reprit un poste d’instituteur à Montreuil de janvier à avril 1959. Il entra au comité de la fédération Seine-Nord-Est du PCF en 1959 et en resta membre jusqu’en 1962, demandant à ne pas être renouvelé pour se consacrer à ses mandats électifs.

En 1958, Louis Odru fut, dans la circonscription de Montreuil-Rosny, désigné comme suppléant de Jacques Duclos aux élections législatives. Le 8 mars 1959, en deuxième position sur la liste « de défense républicaine des intérêts montreuillois », il devint à la fois conseiller municipal et adjoint au maire (1959-1989) et conseiller général de Montreuil (1959-1967), se colletant avec les problèmes de la banlieue (immigration, racisme, éducation, urbanisme, licenciements...). Il luttait toujours contre la guerre d’Algérie, dénonçant Papon pour les tortures infligées aux travailleurs algériens, et, à Charonne, en février 1962, il fut précipité dans la bouche du métro, mais s’en tira sans blessure.

De novembre 1962 à mars 1986, Louis Odru fut aussi député de Montreuil, membre durant ces vingt-quatre années de la commission des Affaires étrangères et du bureau du groupe communiste ; en 1970-1971, il fut membre du bureau de l’Assemblée nationale. Il intervint souvent à l’Assemblée sur les DOM-TOM, la coopération, le soutien aux mouvements de libération nationale, la solidarité aux victimes des répressions et des crimes (Henri Curiel, Ben Barka). Il participa à de nombreuses missions à travers le monde. Il fut membre de trois grandes commissions parlementaires d’enquête (pétrole, assassinat de Jean de Broglie, activités du Service d’action civique). Dès juin 1981, il critiqua la présence de ministres communistes dans le gouvernement Mauroy.

En 1972, Louis Odru fut un des fondateurs de l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique (AFASPA), qu’il présida durant une vingtaine d’années. Il fut aussi co-président de l’association France-Palestine et, dès sa création, appartint au comité exécutif de l’Association parlementaire euro-arabe (que présidait Raymond Offroy) et sa fut présent à la première conférence interparlementaire euro-arabe en septembre 1974

Il collabora à la rédaction du livre d’André Vieuguet, Français et Immigrés. Le combat du PCF (Éditions sociales, 1975) et à l’élaboration du Programme commun (sur les problèmes de politique extérieure).

Lors des XXVe et XXVIe congrès du PCF (1985 et 1987), il vota contre le projet de résolution et, en 1988, il rallia les Reconstructeurs communistes. Il participa à la brochure Qu’est-ce qu’un parti révolutionnaire de notre temps ? (1988). À partir de 1992, il fut un des animateurs de la Coordination communiste en Seine-Saint-Denis, puis d’Alternative démocratie et socialisme (ADS) et de la Convention pour une alternative progressiste (CAP).

Après le décès de Marcel Dufriche en 2001, il devint co-président du Musée de l’Histoire vivante à Montreuil. Entré au conseil d’administration de l’Association pour l’histoire vivante en mars 1961, il en devint le vice-président dans les années 1970.

Le 13 septembre 2004, l’Humanité annonçait son décès. L’article de José Fort évoquait son activité, indiquait qu’il s’était éloigné du Parti et se concluait ainsi : « Louis Odru était de ces militants communistes qui ont donné leur vie à l’idéal de justice et de solidarité. On aimait Louis Odru pour ses qualités de parlementaire mais surtout pour ses qualités humaines. Il est resté jusqu’à sa mort au contact direct de la population. Il demeurait aussi un lecteur exigeant de notre journal. La direction et les personnels de l’Humanité perdent un ami fidèle. »

La cérémonie d’hommage organisée, le 29 septembre 2004, par la municipalité de Montreuil fut enregistrée en DVD et donna lieu à l’édition d’une plaquette. Madeleine Odru, sa veuve, fit don au musée de l’Histoire vivante de ses archives, en cours de classement en 2013.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article124265, notice ODRU Louis, Albert. Pseudonyme : Curie par Claude Willard, version mise en ligne le 10 septembre 2013, dernière modification le 19 août 2021.

Par Claude Willard

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SOURCES : Arch. Nat., F7/15477, dossier 151. —, Arch. Dép. Alpes-Maritimes, série T. — Archives du comité national du PCF. — Aujourd’hui l’Afrique noire, septembre 1997. — PCF, fédération des Alpes-Maritimes : Le parti communiste et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes, La Trinité, 1974 (rédigé par Max Burlano). — Interview réalisée en 1996. Recherches sur l’histoire de la banlieue (Université de Paris 13, Sabrina Belkassem). — Interview réalisée en 1996. — Notes de Frédérick Genevée et de Jacques Girault. — État civil.

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