Par Alain Dalançon
Né le 9 novembre 1888 à Hallennes-lez-Haubourdin (Nord), mort le 31 mai 1978 à Saint-Léonard (Pas-de-Calais) ; directeur d’EPS puis de collège ; militant syndicaliste du SNEPS puis du SNCM (secrétaire général de 1937 à 1947), puis du Syndicat national des principaux et directrices de collèges ; militant socialiste.
Gustave Pacquez était le dernier enfant d’une famille nombreuse d’au moins six enfants, dont le père, Auguste, journalier après avoir été tisserand, avait épousé Rosalie Lallau, sans profession, à Steenwerk (Nord), le 3 octobre 1865.
Bon élève, il entra à l’École normale d’instituteurs de Douai (Nord) en 1904. Après avoir été instituteur stagiaire dans le Nord à Marquillies et à Lomme puis instituteur délégué à l’école primaire supérieure de Calais (Pas-de-Calais) en 1908-1909, il réussit le concours d’entrée (section lettres) à l’École normale supérieure primaire de Saint-Cloud en 1909 et obtint le certificat d’aptitude au professorat des écoles primaires supérieures et des écoles normales (mention lettres). Puis il effectua son service militaire au 16e Régiment de chasseurs à pied, d’octobre 1911 jusqu’à sa réforme en mai 1912 pour otite et perforation du tympan. Il termina l’année scolaire comme professeur à l’EPS de Saint-Pol-en-Ternoise (Pas-de-Calais) avant d’être nommé à l’EPS d’Haubourdin (Nord) où il exerça aussi les fonctions de surveillant général.
Gustave Pacquez écrivit son premier article très applaudi dans la Revue de l’enseignement primaire en 1913. Il militait aussi au Parti socialiste SFIO. Il participa notamment à la campagne de son parti en 1913 contre la loi de trois ans, ce qui lui valut des remarques négatives de l’inspecteur primaire et le conseil de son directeur de ne pas participer à une réunion à Halluin le 17 mai 1913. Il y prit cependant la parole et rédigea dans Le Réveil du Nord le compte rendu du meeting dont l’ordre du jour était la copie conforme de celui voté par le congrès de la Ligue des Droits de l’Homme. Le ministre, Louis Barthou, le réprimanda le 13 juin, à la demande du recteur.
Remobilisé en mars 1915 au 17e Régiment d’infanterie, Gustave Pacquez fut fait prisonnier à Douaumont (2 mars 1916), et resta en captivité au camp d’ Hameln-sur-Weser jusqu’au 1er décembre 1918. Promu au grade de sous-lieutenant, il fut démobilisé en juillet 1919. Le mois suivant, il se maria le 2 août 1919 à Aire-sur-la-Lys (Pas-de-Calais) avec Blanche, Marie Bacrol, enseignante également en EPS, et fut nommé professeur à l’EPS Franklin de Lille.
Après la guerre, Pacquez poursuivit son militantisme de façon très active à la section socialiste SFIO de Lambersart, une commune de la banlieue lilloise. Membre de la commission administrative de la section lilloise, il fut candidat aux élections cantonales de 1919 à Haubourdin. Il opta pour le Parti communiste lors de la scission de 1920. Alors qu’il était candidat à une direction d’EPS en 1922, l’inspecteur d’académie signala son militantisme mais il semblait avoir rompu à cette époque avec le parti communiste.
De nombreuses autres interventions en faveur de sa nomination attestèrent en effet à partir de cette date qu’il ne faisait plus de politique. Notamment, en 1923, Daniel Vincent, député radical du Nord, ancien ministre de l’Instruction publique puis du Travail, affirma que « ses élans de jeunesse s’étaient heureusement transformés en une sérieuse application à tous les devoirs professionnels ».
Avec l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches, il put être nommé en 1925 directeur de l’EPS de Landrecies (Nord) dotée d’un internat géré avec son épouse. Puis il fut muté directeur de l’EPS de Calais comprenant également un petit internat ; il dirigeait en même temps les cours professionnels, une école de la dentelle mécanique et l’office d’orientation professionnelle.
Gustave Pacquez s’affirma rapidement comme une personnalité du Pas-de-Calais. Il fonda et présida la Fédération des officiers de réserve républicains, il fut le responsable départemental de la Ligue des droits de l’Homme. Initié à la franc-maçonnerie, il devint apprenti dans la loge du Grand Orient de France à Calais jusqu’au 13 août 1940, selon sa déclaration.
Il militait en outre activement au Syndicat national des EPS affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT. Il intervint dans les débats animés du congrès de Pâques 1934 au sujet de la participation à la grève du 12 février précédent : il expliqua qu’en tant que directeur il n’avait pas pu faire grève et que ses professeurs ne l’avaient pas faite non plus mais qu’il souhaitait que sorte du congrès une « motion d’unanimité tournée vers une action qui peut s’imposer très prochaine » et que le « bureau aille de l’avant en suivant les directives de la CGT ». Son intervention fut très applaudie et, quelques jours plus tard, lors du Premier mai, qui fut un peu partout l’occasion de grandes manifestations, il voulut marquer la première célébration de la fête du Travail d’après-guerre, en libérant de cours les élèves de son EPS. La Pieuvre, Organe de la Ligue des contribuables de Calais le qualifia de « directeur politicailleur », ce qui entraîna une pétition de protestation signée par tous les membres du personnel de son établissement publiée dans Le Petit Calaisien.
En juin 1934, Pacquez fut élu membre du bureau national du SNEPS, représentant les directeurs, après avoir fait voter une motion au congrès, insistant sur l’égale responsabilité de tous les membres du syndicat. Il devint ainsi l’un des deux secrétaires (l’autre étant Henri Maunoury au côté du secrétaire général Alcée Marseillan, chargé des questions relatives aux moyens des EPS (crédits, laboratoires, postes) et des vacances scolaires. Sans perdre de vue l’objectif de « l’Ecole unique », il manifesta tout de suite une très grande activité afin d’obtenir des moyens supplémentaires pour les EPS victimes de la « grande pénitence » budgétaire, alors que leur succès grandissait auprès de « 100 000 enfants, fils de paysans, de petits commerçants, de petits bourgeois et d’ouvriers, venus leur demander cette culture générale qui, unie à une certaine pratique professionnelle, leur permettra, au bout de trois ou quatre années d’études, de servir utilement dans les cadres moyens de l’industrie, du commerce, de l’agriculture et des administrations publiques ».
Quand Marseillan démissionna de son poste de secrétaire général à la rentrée 1938, Pacquez qui avait acquis une grande autorité dans le syndicat, lui succéda tout naturellement, et fut élu membre du Comité consultatif du collège Chaptal, de celui de l’enseignement de second degré ainsi que du Comité de la radio scolaire.
Pacifiste, devenu très anticommuniste, il s’opposa, comme les militants de la tendance « Syndicats », au lancement du mot d’ordre de grève de la CGT pour le 30 novembre 1938 lors de la CA du 27 novembre de son syndicat, mais il fut mis en minorité par une motion Jeanne Borgey, Irène Bruneau, Costes, André Dufour, François Dupas, Jean-Baptiste Galletti, Henry Maunoury, Albert Perceval, en faveur de l’application du mot d’ordre de la FGE, tout en assurant la surveillance des élèves. Les discussions au congrès de Pâques 1939 furent donc houleuses. À la rentrée 1939, il fit appliquer l’exclusion des communistes de la direction du syndicat mais Pierre Brasseul et André Dufour étaient déjà mobilisés.
À la rentrée 1939, Gustave Pacquez obtint la direction de l’EPS de Nogent-sur-Marne (Seine-et-Marne), qui devint collège moderne et technique en 1943. Il y créa une entraide aux personnes âgées. Les élèves les visitaient, faisaient leurs commissions et, grâce aux ateliers, ils se chargeaient des menues réparations, trop coûteuses et difficiles à réaliser.
Lieutenant FFI en 1944, il fut, selon son témoignage, un des militants qui reconstituèrent le syndicalisme dans les collèges modernes en s’abritant derrière le paravent de la mutuelle. Tout naturellement il redevint secrétaire général du syndicat désormais dénommé Syndicat national des collèges modernes et fut membre du bureau national provisoire de la Fédération générale de l’enseignement reconstituée, dirigé par Adrien Lavergne. Élu en 1945 membre permanent du Conseil consultatif du second degré, il fit partie de la commission qui jugea les déplacements d’office prononcés durant l’Occupation.
Dans l’Union des syndicats du second degré de la FGE, créée à l’initiative des militants ex-unitaires, il resta très réticent par rapport à la fusion immédiate des syndicats, qui n’était pas pour lui « une mystique mais un problème ou une série de problèmes ». Il préférait prolonger un pacte d’union, tant que ne serait pas plus clairement défini l’enseignement moderne, les droits de « nos » professeurs à enseigner dans les deux cycles et une mise à l’étude d’une seule direction de l’enseignement de second degré au ministère. Dans un long article du bulletin de l’Union des syndicats du second degré de juin 1947, il définissait ce que devait être l’enseignement moderne : « L’ambition des humanités modernes serait de former des hommes à qui rien de ce qui est essentiel dans la civilisation moderne n’est étranger… » en se référant à Paul Langevin ; il estimait que « les humanités techniques dont il est maintenant question, ne sauraient être qu’un rameau terminal des humanités modernes » et, au « latin pour tous ou plus le plus grand nombre qui n’est plus défendable », il préférait « la primauté de l’enseignement du français », complété par une ou deux langues vivantes et l’espéranto, seule langue internationale. Il insistait aussi sur la formation scientifique et enfin sur « la formation morale, sociale et civique ».
S’il envisageait donc la fusion à brève échéance avec le Syndicat de l’enseignement secondaire (classique), en revanche il était hostile à la fusion avec le Syndicat national de l’enseignement technique, notamment avec la section des centres d’apprentissage, dirigée par Charles Artus avec lequel il eut de violentes altercations. Ses positions furent d’ailleurs validées par un référendum au sein du SNCM en 1947 (majorité pour la fusion immédiate avec le SNES et contre la fusion avec le SNET avec ou sans les centres d’apprentissage).
Après les élections de 1946 à la commission administrative du SNCM, il manifesta son désir de ne plus être secrétaire général mais il fut plébiscité par la CA et reprit son poste. Il fut alors élu membre du Conseil de l’enseignement du second degré aux élections du 25 juin 1946 et siégea à la CA de la fédération devenue Fédération de l’Education nationale au congrès de mars précédent. Il passa cependant le témoin de secrétaire général à Henri Maunoury en juillet 1947, tout en restant membre du bureau national, chargé de la rédaction du bulletin. Il continua à écrire des articles dans ce bulletin, tout autant qu’auparavant, et en 1948 fut un partisan très actif du passage à la CGT-FO ; il annonça même à la CA des 7 et 8 janvier que si le syndicat restait à la CGT, il le quitterait.
En mai 1948, Gustave Pacquez refusa, pour des raisons de santé, la direction du collège Chaptal à Paris, souhaitant finir sa carrière à Nogent-sur-Marne. Représentant des directrices et principaux dans son syndicat, il entretenait des rapports suivis avec le Syndicat des proviseurs et celui des principaux et directrices de collèges classiques dès 1947. Favorable au maintien des personnels de direction dans le SNCM, il estimait qu’ils avaient toute leur place dans le Syndicat national de l’enseignement secondaire qui devait se créer par fusion du SNES classique et du SNCM. Au début de l’année 1948, il interrogea d’ailleurs sur ce point ses collègues, qui lui donnèrent raison.
Le syndicat des proviseurs s’étant retiré de la FEN au congrès de mars 1948, Adrien Lavergne, secrétaire général de la fédération, demanda au ministère, le 3 mai, que Pacquez, jusqu’alors suppléant au Comité technique paritaire du Second degré, devienne titulaire, à compter de la réunion du 5 juin, afin de permettre une représentation dans cette instance des personnels de direction syndiqués à la FEN, car le SNES avait en effet décidé lui aussi d’accueillir les proviseurs et directrices désireux de rester à la fédération.
Mais la création du nouveau SNES (classique-moderne) s’étant enfin réalisée aux congrès de Pâques 1949, Gustave Pacquez dut constater que le nouveau syndicat et les syndicats de chefs d’établissement souhaitaient garder leur indépendance. Il fit donc partie du Comité d’union des chefs d’établissements constitué le 23 juin 1949 et milita au Syndicat national des principaux et administrateurs de collèges dont le secrétaire général était Julien Vacquier et dont il fut secrétaire de 1949 à 1952, représentant les principaux et directrices des collèges modernes, tandis que Fernand Sabde était secrétaire des collèges classiques.
Il fut membre titulaire du bureau intersyndical des administrateurs de lycées et collèges constitué en juin 1951. Admis à faire valoir ses droits à pension à compter du 3 août 1951, il fut maintenu en fonction jusqu’à sa prise de retraite, le 30 septembre 1953. Retraité, il adhérait au Syndicat national du personnel de direction des lycées et en fut secrétaire d’honneur dés 1953.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat., F17/16084, 17776, 25527.— Arch. IRHSES (SNEPS et SNCM). — Arch. Dép. Nord (état-civil, registres matricules). — DBMOF, notice par Yves Le Maner. —Le Cri du Nord, 13 décembre 1919. — Le Réveil du Nord, 3 avril 1921. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 12 février 1948. — Bulletin du Syndicat national des directrices et principaux des collèges classiques et modernes. — Notes de Louis Botella, Jacques Girault et Emilie Willemin.