Par Gilles Morin
Né le 16 décembre 1888 à Rouen (Seine-Inférieure/ Maritime), mort le 2 février 1981 à Rouen ; enseignant et journaliste ; militant syndical de la CGTU ; militant socialiste puis collaborationniste à Rouen puis à Paris.
Fils de Jules, caissier comptable, et d’Émilie Rousseau, Paul Paillard se maria le 3 avril 1920 à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Inférieure/ Maritime) avec Sarah, Marguerite Lévy. Divorcé en 1922, il épousa, le 8 avril 1931 à Rouen, Léone Avenel de Bonnières, née le 16 avril 1901 à Ernemont-la-Villette (Seine-Inférieure/ Maritime), employée des PTT. Leur fille unique épousa Jean Lecanuet, député, maire de Rouen.
Bachelier ès lettres, titulaire du brevet de l’enseignement primaire et du certificat d’aptitude pédagogique, instituteur à Rouen, Paul Paillard s’éloigna de l’enseignement pour débuter comme rédacteur à la préfecture de la Seine-Inférieure en 1910, puis fut professeur aux cours municipaux de Rouen.
Militant du Parti socialiste SFIO, il était secrétaire adjoint de la Fédération socialiste de Seine-Inférieure et de l’Eure à partir de 1911. Combattant de la guerre 1914-1918 (engagé volontaire selon lui) au 8e régiment du génie comme chef de poste radio-télégraphiste, il fut gazé et décoré de la Croix de guerre et de la médaille militaire.
Il constitua avec Paul Briard, en 1919, le syndicat de l’Enseignement laïc de Seine-Inférieure dont il fut élu secrétaire adjoint. Orateur apprécié dans les réunions, il assura la direction du syndicat après l’arrestation de Briard en mai 1920.
Resté au Parti socialiste SFIO, il fut élu trésorier adjoint de la Fédération départementale, mais quitta avec bruit la "vieille maison" en 1923, pour fonder une section socialiste communiste. Il participa peu après à la création de la Tribune libre et du Cercle des fonctionnaires, organisations dont il assura la présidence.
Devenu représentant de commerce, il fut élu secrétaire adjoint du syndicat unitaire des voyageurs de commerce en 1927. En 1929, il quitta la CGTU, tenta de se rapprocher des confédérés qui refusèrent sa collaboration ("on ne peut se fier à un homme qui mange à tous les râteliers", disait Louis Reine). Finalement, il rejoignit Maurice Gautier et adhéra au PUP, puis rejoignit la SFIO.
D’un avant-guerre à l’autre, Paillard était une figure intellectuelle en Normandie. Il était membre de la société des écrivains normands et journaliste actif. Il fut rédacteur en chef de la Revue Littéraire, collabora au Semeur, au Cri du Peuple d’Amiens, à l’Humanité, au Républicain normand et à Comœdia. Secrétaire de l’Université populaire de Rouen jusqu’en 1928, il dirigeait la Tribune libre à Rouen jusqu’en 1940.
Membre de la SFIO jusqu’au début 1936, Paul Paillard aurait démissionné après un voyage qu’il fit en Allemagne avec un groupe d’étudiants en 1935. Il en serait revenu enthousiasmé par les réalisations sociales du nazisme. En 1937, il donna son adhésion au Comité France-Allemagne.
Désormais retraité, il était directeur d’une société de conférences, la “Tribune libre“, spécialisée, selon lui, dans la vulgarisation scientifique et littéraire.
Durant l’Occupation, Paillard adhéra au Groupe Collaboration et fut secrétaire du groupe de Rouen. Membre du RNP en février 1941, il fonda le groupe local du RNP en mai 1941, collabora à La France au Travail et à L’Appel dont il fut le collaborateur à Rouen la même année. Il y résida, 17 rue Dulong, jusqu’au début 1942.
Pour une atteinte aux mœurs sur enfant de moins de treize ans, Paul Paillard fut condamné à deux ans de prison avec sursis le 12 novembre 1941. Il prétendit avoir fait face à une campagne hostile, qu’il qualifiait de dénigrement, venant des Francs-maçons et des milieux journalistiques rouennais. Il vint s’installer, début 1942, 20 rue du docteur Roux, puis 47 rue des Volontaires dans le XVe arrondissement de Paris, enfin à Boulogne-sur-Seine (Seine/Hauts-de-Seine). Délégué du Front social du travail, organisme lié au RNP, dans la 15e section en avril 1943, il dirigeait la commission des prisonniers rapatriés du FST fin 1943. Membre de la Société des Orateurs, il était conférencier dans les locaux de la rue de Lille et du Groupement corporatif de la presse quotidienne. Il conservait des liens avec son terroir, étant correspondant pour Paris du Petit Normand, sous le pseudonyme de Jacques de Bonnières. Il entra à l’administration des Restaurants communautaires, contrôlés par le RNP, jusqu’en juin 1944.
Chef de bureau à la société des transports automobile de la région parisienne, il fut arrêté par les FFI le 5 octobre 1944 et interné au Fort de Charenton. Il fut accusé d’intelligence avec l’ennemi, mais l’enquête n’avait pas prouvé cette accusation d’espionnage. Il reconnut, puis nia, avoir été membre du RNP et du FST, puis du Groupe Collaboration, et y avoir occupé des responsabilités.
Interné à Fresnes (Seine/Val-de-Marne) le 5 février 1945, il fut remis en liberté le 11 juillet suivant et son dossier fut classé par la Cour de Justice de Paris le 4 mai 1945. Renvoyé devant la Chambre civique de la Seine, il fut condamné par contumace le 16 octobre 1945 à l’indignité nationale à vie et à l’interdiction de séjour de 10 ans. N’ayant pas été cité, il fut jugé en Cour d’Appel le 30 janvier 1947 qui le condamna à 20 ans d’indignité nationale.
Par Gilles Morin
SOURCES : Arch. Nat., Z/5/61/2389. — Arch. PPo, 77W649/220965 ; GA/241, dossier restaurants communautaires, BA/1954, note du 18 décembre 1943. — Archives de l’UD-CGT, liasse 1925-1930. — Le National-Populaire, n° 43, 24 avril 1943. — DBMOF, notice non signée.