Par Alain Dalançon
Né le 16 novembre 1903 à Paris (XVIIIe arr.), mort le 1er novembre 1969 à Nanterre (Hauts-de-Seine) ; professeur agrégé de sciences naturelles ; militant syndicaliste, dirigeant du Syndicat national des maîtres et maîtresses d’internat (1925-1933), du Syndicat national des professeurs adjoints, répétiteurs et répétitrices (1933-1937), du SPES (1937-1939), du SNES (1945-1949) ; résistant du FNU et des FTP, lieutenant-colonel des FFI ; président départemental de l’ANACR ; militant communiste, conseiller municipal à Colombes (1948-1951) puis à Nanterre (1953-1969).
Fils unique de Louis, Joseph Pastor, employé d’origine italienne et d’opinion anarchiste, et de Gabrièle, Geneviève Navarro, modiste, Jacques Pastor fit ses études secondaires au collège Chaptal de la ville de Paris, de 1917 à 1922.
Bachelier ès lettres en 1922, il travailla durant huit années comme maître d’internat, successivement au collège de Châlons-sur-Marne (Marne) (15 juin 1923-14 décembre 1924), au collège de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, Yvelines) (15 décembre 1924-31 octobre 1924), au lycée Lakanal à Sceaux (1er au 24 novembre 1924) puis au lycée Louis-le-Grand à Paris (25 novembre 1924-14 novembre 1926). Après son service militaire effectué dans l’armée de l’Air (service météorologique) du 15 novembre 1926 au 14 avril 1928, où il put devenir officier de réserve, il redevint MI durant deux années à Paris, au lycée Saint-Louis (15 avril-30 septembre 1928) puis au lycée Henri IV (1er octobre 1928-30 septembre 1933). Ayant obtenu la licence de sciences naturelles en 1929 et le diplôme d’études supérieures en 1930, il occupa un poste de répétiteur durant deux années, afin de préparer l’agrégation, au lycée de Bourges (Cher) en 1933-1934, puis au lycée Saint-Louis de Paris en 1934-1935. Après avoir obtenu un certificat de chimie générale en 1935, il fut nommé professeur-adjoint dans ce même établissement à la rentrée scolaire 1935, et y demeura jusqu’à sa mobilisation en septembre 1939. Il avait été sous-admissible à l’agrégation de sciences naturelles en 1938 et avait épousé le 3 janvier 1935 à Colombes ( Seine / Hauts-de-Seine) Hélène Taton, institutrice, enseignante en cours complémentaire, par la suite également licenciée de sciences naturelles et diplômée d’études supérieures qui devint professeure puis militante du Syndicat national de l’enseignement secondaire. Ils eurent cinq enfants.
Jacques Pastor adhéra au Parti communiste en 1925 et milita activement, durant toute la période d’avant-guerre, dans les différents syndicats des catégories auxquelles il appartint. Il fut d’abord secrétaire général adjoint en 1925-1926 de la Fédération nationale des maîtres et maîtresses d’internat des lycées et collèges, dont Marcel Bonin était le trésorier. Dans le journal du syndicat, L’Avant garde universitaire (janvier 1926), Pastor se prononça en faveur de la transformation de l’amicale en syndicat. En mars 1926, Warnet démissionna de son poste de secrétaire général de la Fédération ; Pastor et Bonin firent fonctionner l’association jusqu’à la réunion du congrès de Pâques qui décida sa transformation en syndicat ; Héber fut élu secrétaire général, Pastor demeura un des quatre secrétaires adjoints. Tous les deux furent chargés de représenter les MI à la Fédération syndicale des fonctionnaires qui était encore sans affiliation confédérale. Dans le numéro 32 de l’AGU de juin-juillet 1926, Jacques Pastor dénonça une campagne occulte menée à l’intérieur de la FSF en faveur de l’adhésion à la CGT, contraire à l’esprit de la motion du congrès du syndicat votée en avril, réclamant l’unité d’action professionnelle entre les différentes organisations corporatives et devant adopter pour cette raison une attitude de neutralité à l’égard des confédérations. Cette attitude n’était pas commandée par la défense de l’autonomie : Pastor était en effet, comme Bonin, un militant de la Fédération unitaire de l’enseignement, qui possédait la double-affiliation comme cela était assez courant à l’époque. Les deux militants communistes défendaient donc dans le syndicat catégoriel la stratégie de la CGTU ; ils se résignèrent cependant à accepter l’adhésion de la FSF à la CGT et partant celle du syndicat des MI. Mais en novembre 1926, devant le peu de soutien que les revendications des MI trouvaient auprès des responsables de la FSF, Jacques Pastor fit décider de mettre à l’étude une éventuelle adhésion à un groupement de petits fonctionnaires constitué dans la FSF et de répondre aux sollicitations de Georges Cogniot, alors responsable de la Section des professeurs du second et troisième degré de la Fédération unitaire.
Après son service militaire, Jacques Pastor milita dans le Syndicat national des professeurs adjoints, répétiteurs et répétitrices des lycées et collèges affilié à la CGT par le canal de la Fédération générale de l’enseignement depuis 1929. Il continuait d’être par ailleurs adhérent de la FUE dans la minorité oppositionnelle révolutionnaire (MOR). Au congrès de Pâques 1934, il critiqua la façon hésitante dont le secrétaire de la section académique de Paris avait transmis l’ordre de grève pour le 12 février 1934 et demanda que le syndicat travaille à l’unité syndicale y compris avec la CGTU. Il entra alors à la commission exécutive du syndicat, où il défendit la nécessité d’une CGT unique, non seulement pour les répétiteurs mais aussi pour tous les fonctionnaires et salariés. Au congrès de Pâques 1935, il fut chargé de présenter le rapport d’orientation où, à côté de la défense des revendications corporatives, était soulignée la nécessité de lutter contre les ligues fascistes en France et plus précisément dans l’Université et la Fonction publique. À l’issue de ce congrès, Jacques Pastor fut élu un des trois secrétaires adjoints, chargé des problèmes corporatifs propres aux personnels des lycées et des relations avec les administrations centrales et fédérations nationales. À la rentrée scolaire suivante, il fut désigné parmi les quatre représentants de son syndicat à la commission administrative de la FGE et l’un des deux représentants à la commission exécutive de la Fédération générale des fonctionnaires. L’union des syndicats de la FGE-CGT et de la FUE étant imminente, il fit voter, en accord avec le secrétaire général, Marcel Délery, la représentation à la proportionnelle des camarades de la FUE dans la CE désormais commune du syndicat.
Au congrès d’avril 1937, il fit adopter son rapport en faveur de la constitution d’un syndicat unique de l’enseignement secondaire dans la CGT. Il participa donc à la délégation de son syndicat avec les cégétistes du Syndicat des professeurs de lycées et de l’enseignement secondaire féminin (qui une nouvelle fois n’avaient pas réussi à faire adopter l’adhésion à la CGT), ceux du Syndicat des professeurs de collèges et du Syndicat des MI, aux discussions qui aboutirent à la création du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire. Lors du congrès constitutif de ce syndicat durant les vacances de Noël 1937, il fut élu membre de la commission exécutive et membre des commissions corporative, de la presse et du règlement intérieur. À la CE du SPES d’octobre 1938, il intervint en faveur de la grève contre les décrets lois Daladier-Reynaud sur le thème « ni la servitude ni la guerre » et déclara : « La politique de Daladier, c’est la politique des banques et des trusts ». En avril 1939, il fut réélu membre de la CE.
Jacques Pastor fut mobilisé le 28 août 1939 comme officier à l’État-major des forces aériennes de la Ve Armée (Alsace). Il raconta plus tard dans ses mémoires « avoir perdu alors le contact avec son parti, dont j’approuvais d’ailleurs les positions » et avoir été « isolé dans un milieu réactionnaire, borné et en majorité fascisant ». En mai 1940, il fut muté dans un service technique de la zone d’opérations aériennes Est à Nancy. Le 14 juin, il reçut l’ordre de se replier d’urgence vers le Sud avec ses hommes. Après quatre jours de pérégrinations, il arriva à la base aérienne d’Avignon-Châteaublanc, où il retrouva son camarade Marcel Cornu. Démobilisé le 27 juillet 1940, il passa une quinzaine de jours chez des cousins à Vichy puis obtint un ordre de mission pour regagner Paris.
Arrivé dans la capitale vers le 20 août, Jacques Pastor reprit contact avec des camarades communistes du VIe arrondissement, des collègues du lycée Saint-Louis et des militants du SPES (Cornu, Bonin, Veillé…). Trois camarades communistes, agents de son lycée (Miz, Besson, Géraudy) lui firent connaître l’appel de Thorez et Duclos et l’approvisionnèrent en tracts et journaux clandestins qu’il distribua. René Hilsum (des Éditions sociales) le chargea de rédiger une note sur les mesures réactionnaires en matière d’éducation nationale.
À la rentrée scolaire 1940, il fut nommé professeur délégué rectoral au lycée Marcellin-Berthelot de Saint-Maur. L’état d’esprit général des collègues, dans son lycée comme dans les autres, lui apparaissait être fait de « résignation douloureuse et d’expectative devant un avenir impénétrable (…) on attend sans être capable d’espérer ». Le couple Cornu lui remit en novembre 1940 le premier numéro de L’Université Libre qu’il distribua dans son lycée et à Saint-Louis et qui fut, selon son témoignage, bien accueilli en général, ce qui n’empêchait pas des critiques parfois vives à l’égard de l’attitude du parti communiste en 1939. Il participa par la suite à la rédaction de ce journal créé par Jacques Solomon, Georges Politzer et Jacques Decour. Jacques Pastor était le seul communiste à Berthelot, il y distribua aussi un numéro de La Pensée Libre, la brochure Sang et Or, des numéros de l’Humanité, des tracts et papillons. Il déposait cette propagande également dans les trains de banlieue à la gare Saint-Lazare, dans les boîtes à lettres, parfois la distribuait de la main à la main à Colombes où il résidait alors.
Il passa les vacances d’été 1941 à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), aida Cahn (ex-collaborateur de Léon Blum*) à obtenir de faux papiers ; le proviseur Dubled (pourtant pétainiste qui devint proviseur au lycée Voltaire et fut sanctionné à la Libération) l’autorisa à prendre en cours le fils Cahn sous le nom de sa mère, André. Mais Jacques Pastor fut nommé pour l’année scolaire 1941-1942 délégué rectoral au lycée Hoche de Versailles. Il continua alors à diffuser L’Université Libre et la propagande communiste dans son nouveau lycée et ses anciens établissements, aidé par un professeur d’allemand, Fritz et le bibliothécaire Meyer. Vers novembre 1941, il fut contacté par Maurice Husson, professeur agrégé d’allemand, militant syndicaliste « unitaire », ancien rédacteur en chef de L’Université syndicaliste, en vue de créer dans le second degré un mouvement susceptible de grossir le Front national universitaire à partir d’une base syndicale. Avec René Maublanc, il prit contact avec les anciens dirigeants ex-confédérés du SPES, [Maurice Janets-<87958], Lucien Mérat et Maurice Lacroix. Ainsi fut créé au mois de décembre le Comité de résistance de l’enseignement secondaire. Mais Maurice Lacroix s’opposait à ce que le comité rejoigne le FNU, selon ce dernier entre les mains des communistes ; Janets et Mérat étaient hésitants ; de sorte que le comité resta autonome. Un manifeste fut diffusé dans l’académie de Paris en janvier 1942 et quelques établissements plus lointains. L’activité de ce comité resta très modeste jusqu’à la fin de 1943 (deux ou trois tracts).
Jacques Pastor fut une nouvelle fois muté à la rentrée scolaire 1942 au petit lycée Condorcet de Paris, il y resta en poste jusqu’en 1944. Il poursuivit ses distributions de matériels clandestins. Il fut désigné membre du triangle de direction de l’enseignement secondaire du FNU avec Pierre Angrand et Husson qui en était la tête. Après la bataille de Stalingrad, il souhaita entrer dans la résistance armée. En avril 1943, il obtint un rendez-vous avec un responsable des Francs-tireurs et partisans qui rejeta sa candidature car il le trouvait trop vieux et « sans doute un peu trop intellectuel » mais qui le chargea de mission de renseignements sur les installations allemandes dans l’ouest de la région parisienne (il avait alors le grade de capitaine dans l’organisation militaire clandestine). À la même époque, une vague d’arrestations intervint dans les rangs du FNU (André Adler, Husson, Pierre Maucherat). Pastor prit alors des précautions et dormait chez Henri Lecomte. Il donnait le change en assurant régulièrement ses cours et trouvait le temps de préparer l’agrégation et d’y être admissible. Mais il ne fut pas admis après l’oral et obtint l’équivalence du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges.
Pastor avait pris la place de Husson à la tête du triangle mais il ne réussit pas à rétablir toutes les liaisons. À nouveau volontaire pour une action de type militaire, il rencontra en septembre 1943 Marcel Prenant puis Georges Tessier qui lui fit connaître Henri Rol Tanguy (alors dit Nordhal). Sous le nom de Leroux, après avoir été Bertrand puis Duval, il devint son second. Il fut donc contraint d’abandonner ses fonctions dans le FNU et dans le comité de résistance universitaire où il se fit remplacer respectivement par Bonin et André Jarry.
D’octobre 1943 à mars 1944, il fut chargé de la liaison des FTP auprès du chef des FFI de la Seine jusqu’à l’arrestation de son chef, Lepercq dit Landry. De mars à début juin, il fut chef du 2e bureau de l’état-major du Grand Paris dont le chef était Lefaucheux (dit Gildas), futur directeur de Renault, état-major qui fut entièrement arrêté le 3 juin lors de l’une de ses réunions en dehors de la présence de son membre FTP. En juin 1944, il assista le colonel Rol Tanguy pour la coordination des commandements des FFI de Seine-et-Oise Nord et Sud qu’il représentait au comité de libération départemental. Le 15 août, il fut chargé du commandement dans la Seine-et-Oise Sud ; lorsque l’insurrection fut déclenchée le 19 août, il assura comme lieutenant-colonel FFI la direction des opérations dans ce département et participa à la libération de Versailles dans la nuit du 24 au 25 août.
Il s’engagea ensuite dans l’armée française, fut nommé en novembre commandant de l’école interdépartementale des cadres de Versailles puis en avril 1945 commandant du centre d’instruction de la météorologie nationale.
Il fut démobilisé en juillet 1945 et revint à l’Éducation nationale. Il fut reçu la même année au concours de l’agrégation de sciences naturelles au titre de l’année 1944 et retrouva un poste au lycée Corneille de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) avant d’être muté au lycée Condorcet à la rentrée 1946, où il ne cessa d’enseigner jusqu’à sa retraite en 1966.
Dès lors, il allait militer au Syndicat national de l’enseignement secondaire, dont il fut élu membre suppléant de la CE au congrès de Pâques 1946. Réélu comme tel en 1947, il se prononça en février 1948 pour le maintien du syndicat à la CGT et fut élu à la CE du syndicat au congrès de mars 1948 sur la liste des cégétistes.
Après la fusion du SNES et du Syndicat national des collèges modernes en 1949, il cessa d’appartenir à la commission administrative du syndicat. Il milita surtout dans l’Association des professeurs de biologie-géologie, écrivit des articles sur la valeur des sciences naturelles dans L’Université syndicaliste et fut élu membre du Conseil du second degré et du Conseil supérieur de l’Éducation nationale en 1958.
Après la fin de la guerre, il continua de militer au Parti communiste français jusqu’à la fin de sa vie. Il fut conseiller municipal à Colombes à la suite de la démission d’un conseiller communiste, de 1948 à 1951 ; il fit voter plusieurs motions sur le désarmement et des vœux des combattants de la paix. Il fut ensuite élu conseiller municipal à Nanterre de 1953 jusqu’à son décès. Il s’occupait en particulier des questions afférentes à la culture et à l’éducation et était président de la Fédération des Hauts-de-Seine des centres communaux culturels. Il était aussi président départemental de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance.
Le colonel Henri Rol Tanguy lui rendit hommage lors de ses obsèques, évoquant « la modestie d’un professeur de mérite, d’un élu du peuple dévoué et d’un lutteur de toutes les bonnes causes… celle de la liberté et du progrès humain ». Un hommage lui fut également rendu dans L’US. Il était titulaire de la Légion d’honneur et de la médaille de la Résistance avec rosette.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat., 72 AJ 57, F7/15483 (Renseignements généraux, dossier 1703), F17 28763. — DBMOF t. 36, notice non signée. — Arch. IRHSES (dont un témoignage manuscrit de l’intéressé sur son activité dans la Résistance rédigé en septembre 1968 et un dossier rassemblé par André Drubay*, comprenant des papiers transmis par sa veuve et des documents communiqués par Henri Rol Tanguy). — Renseignements fournis par sa fille Marianne Andreucci. — Notes de Jacques Girault.