PAUL-LOUIS [LÉVY Paul, dit]. Pseudonymes : PHÉDON, DIPLOMATICUS, FERRAL Jean, LUDO Paul, SZABO-TOKÉTÉ, PAUL LOUIS

Par Justinien Raymond, Julien Chuzeville

Né le 11 janvier 1872 à Paris (IIIe arrondissement), mort le 10 juillet 1955 au Vésinet (Seine-et-Oise) ; publiciste socialiste ; journaliste notamment pour Le Populaire et L’Humanité ; membre de la CAP de la SFIO ; membre du Comité directeur du Parti communiste ; secrétaire général de l’Union socialiste communiste, puis du Parti d’unité prolétarienne (1930-1936).

Paul Louis
Paul Louis

Paul Louis, ou Paul-Louis, de son vrai nom Paul Louis Lévy (et non Lévi), appartenait à une famille de bourgeoisie israélite de Paris. De solides études (il était licencié ès lettres), une adhésion donnée tout jeune au mouvement socialiste l’engagèrent dans une studieuse et longue vie de militant : plus que par la réunion publique ou les batailles électorales qu’il n’affronta guère, elle se manifesta dans la vie interne des organisations auxquelles il appartint successivement et par une abondante production journalistique et littéraire, étayée par une solide culture marxiste.

Paul Louis n’était pas majeur quand il adhéra au Comité révolutionnaire central qui, sous l’égide de Vaillant, renouait avec les traditions blanquistes qu’il enrichissait des apports du marxisme et qui devint, le 1er juillet 1898, le Parti socialiste révolutionnaire. Avec ces groupements, Paul Louis combattit le boulangisme, le nationalisme sur le terrain de la lutte de classe. En novembre 1898, il signa une pétition dreyfusarde. En décembre 1899 il fut délégué de la Seine au premier congrès général socialiste à Paris, salle Japy. À cette date, il entra pour trois ans au secrétariat particulier de Jean Dupuy, ministre de l’Agriculture. Il écrivit dans de très nombreux journaux, souvent anonymement ou sous divers pseudonymes, y compris dans des titres politiquement fort éloignés du socialisme : Le Petit parisien notamment. Il était adhérent du Syndicat des journalistes parisiens.
S’intéressant de près à la politique internationale, il parla du phénomène impérialiste dès la fin des années 1890 dans plusieurs articles. En novembre 1899, il écrivait ainsi dans La Revue socialiste : « L’impérialisme n’est pas le fait de la seule Angleterre ; il y a un impérialisme français, un impérialisme américain, un impérialisme japonais ».

Sous le titre Le Colonialisme, Paul Louis publia, en 1905, un petit livre, un des très rares ouvrages socialistes consacrés en France à ce problème. Il y affirmait notamment que « toute colonisation détermine la violence, la guerre, le sac des villes, la spoliation des tribus, l’asservissement plus ou moins déguisé ». Il écrivait également que la classe ouvrière serait « l’instrument d’unification de l’humanité future ».

Avec le PSR, il adhéra en 1901 au Parti socialiste de France regroupant, avec le POF, tous ceux qui condamnaient le « ministérialisme ». En 1905, il entrait dans le Parti unifié : il représenta les Bouches-du-Rhône au congrès de fusion de Paris (avril) et, continuant à militer dans la Seine, il fut le fondateur de la 9e section socialiste SFIO. Avant la Première Guerre mondiale, il ne parut qu’au congrès national de Paris (juillet 1910), mais il siégea presque régulièrement au Conseil national de la SFIO. Réformé pour myopie en 1903, un conseil de révision le maintint dans cette position en 1915. Il habitait alors au 12, rue Rochambeau (IXe arrondissement).

Pendant la guerre, il entra à la CAP et fut membre du bureau du Parti socialiste à l’issue du Conseil national du 4 mars 1917 tenu au Palais des Fêtes de la rue Saint-Martin à Paris. Il appartenait à la minorité modérée d’alors, critique des « excès » de l’Union sacrée, courant dirigé par Jean Longuet. Dans les débats à propos de la participation socialiste au gouvernement que proposait de continuer Painlevé, Paul Louis se prononça pour l’ordre du jour Pressemane repoussant cette offre et « regrettant les expériences du passé », en ce domaine (Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes III, p. 470). Déjà, au printemps de 1916, quand fut lancé Le Populaire, organe de la minorité, Paul Louis figurait au nombre de ses collaborateurs.

En 1917, Paul Louis salua avec enthousiasme la Révolution russe. Il fut membre à cette période du Comité pour la défense du socialisme international, des Amis du Populaire, puis du Comité pour la reconstruction de l’Internationale. Délégué de la Seine au congrès national de Strasbourg (février 1920), il y rédigea la motion fixant la position du Parti socialiste sur le problème de la liaison internationale. Elle estimait que « l’état de dispersion des forces prolétariennes ne saurait subsister sans péril pour la Révolution ouvrière... » (C. r., p. 565) et souhaitait « une conférence en vue de grouper finalement, avec les partis constituant la IIIe Internationale, tous les partis résolus à maintenir leur action sur la base des principes traditionnels du socialisme. » (C. r., p. 567). Cette motion dite de « Reconstruction » rallia la majorité et Paul Louis fut porté à la CAP du Parti. En mars 1920, il était également membre de la commission exécutive de la 9e section SFIO de la Seine, et du conseil fédéral de cette fédération. En décembre 1920, il représenta encore la fédération de la Seine au congrès de Tours. Il compta parmi les membres démissionnaires en septembre 1920 du Comité pour la reconstruction de l’Internationale, qui soutinrent avec le Comité de la IIIe Internationale la résolution Loriot-Souvarine qui emporta la majorité.

Paul Louis appartint désormais au Parti communiste, à son Comité directeur où il fut porté après le congrès de Tours, réélu aux congrès de Marseille (décembre 1921) et de Paris (octobre 1922). Il faisait également partie du conseil d’administration de l’Humanité. Collaborateur du Bulletin communiste, il en fut nommé directeur en 1922, en remplacement de Souvarine, mais il réserva son acceptation. Sa nomination fut vivement critiquée par la gauche du Parti qui le considérait comme un journaliste bourgeois. En novembre 1922, il assura au cours d’une réunion de la 9e section communiste de la Seine que « le Comité directeur a pris l’engagement de se soumettre aux décisions qui seront prises par le 4e congrès mondial. » À la fin de 1922, Paul Louis donna sa démission de rédacteur à l’Humanité. Il aurait été exclu du Parti (le 29 janvier 1923 ?), ou plus probablement démissionna. Il se rallia alors à l’éphémère Parti communiste unitaire puis à l’Union socialiste communiste constituée autour de L.-O. Frossard qui, à son congrès de Boulogne (1923), le porta à son comité central et l’élut secrétaire général à son congrès de juin 1924. Au cours de la seconde moitié des années 1920, il anima de nombreuses réunions publiques de l’Union socialiste communiste (également appelé parfois « Parti socialiste-communiste »).

En décembre 1930, le Parti d’Unité prolétarienne qui venait de se constituer par la fusion de l’Union socialiste-communiste et d’un groupement analogue, le Parti ouvrier et paysan, en fit son secrétaire général. Se fondant sur le précédent de 1905, le PUP prétendait travailler à la reconstruction de l’unité en tirant la leçon des expériences des IIe et IIIe Internationales. Il se voulait un parti de lutte de classe et de révolution fondé sur la démocratie intérieure. Il ne compta que là où quelques parlementaires communistes dissidents entraînèrent leurs troupes, militants et électeurs. Sur initiative de Paul Louis, secrétaire général du Parti d’Unité prolétarienne, le 15 octobre 1932, des prises de contact eurent lieu entre délégués du Parti communiste, du Parti socialiste et du PUP pour « rechercher les éléments doctrinaux d’une unité future » (rapports pour le XXXe congrès national de la SFIO, 1933, p. 73). Devant la lenteur des progrès enregistrés, le 21 octobre 1936, Paul Louis et deux de ses camarades se rendirent devant la CAP du Parti socialiste pour préparer une fusion entre SFIO et PUP. En novembre, cette union à deux qui avait tout l’air d’une absorption par la SFIO était réalisée (elle fut cependant refusée par certains militants autour de Maurice Juncker). Elle ne devait guère changer, ni dans son contenu ni dans sa nature, l’action militante de Paul Louis. Il écrivit à cette période dans le journal La Vague, où écrivait aussi Marceau Pivert.

En juin 1940, peu avant l’arrivée des Allemands à Paris, il se replia à Vichy où il possédait une propriété. Il resta dans cette ville pendant toute la durée de l’occupation, mais en abandonnant toute activité politique ou journalistique.

Rentré à Paris en octobre 1944, il reprit sa collaboration au Petit Parisien et entra à Libération. En juin 1945, à la parution de Cité-Soir, il fit partie de l’équipe de ce quotidien et fut chargé des questions sociales et syndicales. Il était lié d’amitié avec André Philip, alors directeur politique de ce journal.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article125148, notice PAUL-LOUIS [LÉVY Paul, dit]. Pseudonymes : PHÉDON, DIPLOMATICUS, FERRAL Jean, LUDO Paul, SZABO-TOKÉTÉ, PAUL LOUIS par Justinien Raymond, Julien Chuzeville, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Justinien Raymond, Julien Chuzeville

Paul Louis
Paul Louis

ŒUVRE : Paul Louis a beaucoup écrit et publié, collaboré à de très nombreux périodiques et nous ne pouvons prétendre à l’exhaustivité.
A. — Paul Louis a collaboré au Petit Parisien où il traitait de politique étrangère, au Socialiste, à la Revue socialiste, à l’Almanach socialiste illustré (de Maurice Charnay), à la Revue bleue, à la Grande Revue, à la Revue du Mois, au Mercure de France, à la Revue blanche, à la Neue Zeit, revue de Kautsky (de 1900 à 1914), au Monde nouveau, au Quotidien, au Progrès civique, à la Gazette socialiste allemande, au Radical, au Bourguignon d’Auxerre, à la France de Bordeaux, à l’Humanité (de 1918 à 1922), au Bulletin communiste, à L’Internationale, au Populaire, au Soir et, après la dernière guerre, à la Dépêche de Paris et à Cité-Soir.
B. — Il est l’auteur de nombreux ouvrages, tous édités à Paris, en dehors des traductions qu’ils ont connues en langues étrangères (sauf précision contraire, les cotes indiquées sont celles de la Bibliothèque nationale) : La Guerre économique, 1900, 347 p. (8° R 16 999). — Histoire du socialisme français, 1901, VII-313 p. (8° 4 a 31 113). — L’Ouvrier devant l’État. Histoire comparée des lois du travail dans les deux mondes, 1904, IV — 480 p. (8° R 19 390). — La Corporation autrichienne, 1904, paginé 245-272 (4° R 1 549). — L’Avenir du Socialisme, 1905, X 315 p. (8° R 19 942). — Le Colonialisme, 1905, 110 p. (8° R 7 1752). — Les Lois ouvrières dans les deux mondes, 1905, 158 p. (8° Z 1 888). — Les Lois ouvrières du Luxembourg, 1905, paginé 157-183 (4° R 1 549). — Histoire du mouvement syndical en France, 1789-1906, 1907, IV — 282 p. (8° LI 7/ 230), repris et complété en deux volumes à la Librairie Valois en 1947-1948. — La nouvelle législation ouvrière de la Confédération helvétique, 1908, paginé 57-80 (4° R 1 549). — Une législation cantonale suisse (canton de Glaris), 1909, paginé 25-47 (4° R 1 549). — Le Mouvement syndical danois, 1910, paginé 405-427 (4° R 1 549). — Le Syndicalisme contre l’État, 1910, 276 p. (8° R 23 507). — La Fédération des syndicats néerlandais, 1912, paginé 281-300 (4° R 1 549). — Le Parti socialiste en France, 1912, II — 407 p. in Encyclopédie socialiste de Compère-Morel (8° R 28 994). — Le Travail dans le monde romain, 1912, 416 p. in Histoire universelle du travail, sous la direction de G. Renard (8° R 25 505). — L’État présent du syndicalisme mondial, 1913, paginé 165-184 (4° R 1 549). — Le Syndicalisme européen, 1914, III-312 p. (8° G 9 665). — L’Europe nouvelle, 1915, 132 p. (8° G 9 590). — La Guerre d’Orient et la crise européenne, 1916, II-123 p. (8° J 8 206). — Les Crises intérieures allemandes pendant la guerre, 1916, 140 p. (8° M 17 939). — Trois péripéties de la crise mondiale..., 1917, II-125 p. (8° G 10 009). — Aspects politiques de la guerre mondiale, 1918, VII-260 p. (8° G 10 414). — Le Bouleversement mondial, 1920, 204 p. (8° G 10 427). — La Crise du socialisme mondial, de la IIe  et IIIe Internationale, 1921, 200 p. (8° R 30 737). — Le Syndicalisme français, d’Amiens à Saint-Étienne, (1906-1922), 1924, 236 p. (8° LI 7/ 261). — Histoire du socialisme en France, de la Révolution à nos jours, 1925, 416 p. (8° R 33 410). — Histoire de la classe ouvrière en France, de la Révolution à nos jours, 1927, 413 p. (8° LI 7/275 ou à l’IFHS : B. 531). — Les idées essentielles du socialisme, éd. Rivière. — Tableau politique du monde. La Révolution ou la guerre, 1931, 192 p. (IFHS : B 1 216). — La Révolution sociale — Cent cinquante ans de pensée socialiste, 2 vol. in-8°, 1938, 222 et 224 p. (IFHS : B 160). — La Puissance ouvrière, 1946, XI-183 p. (IFHS : B 159). — La Condition ouvrière en France depuis cent ans, 1950, 128 p.

SOURCES : Arch. PPo. Ba 2013. — Arch. Nat. 19940459/242. — État civil de Paris. — Ch. Vérecque, Dictionnaire du socialisme, op. cit.., p. 246. — Compère-Morel, Grand dictionnaire socialiste, op. cit.., p. 620. — Compte rendu des congrès du Parti socialiste SFIO de 1905 à 1914, de 1920 (février et décembre) et rapports cités dans la biographie ci-dessus. — L’Aurore, 30 novembre 1898, p. 3. — A.-Martin [Alfonso Leonetti], « Un demi-siècle d’action et d’histoire socialistes. Paul Louis a 80 ans. » in La Revue socialiste, 1952. — Boris Souvarine, Feu le Comintern, 2015. — J. Chuzeville, Un Court moment révolutionnaire, la création du Parti communiste en France, 2017.

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