PAULIN Albert, Arthur, Raphaël

Par Justinien Raymond, Gilles Morin, Claude Pennetier

Né le 21 novembre 1881 à Levet (Cher), mort le 29 septembre 1955 à Sayat (Puy-de-Dôme) ; tailleur-coupeur d’habits puis publiciste ; secrétaire de l’Union régionale des syndicats de l’habillement et secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers du Puy-de-Dôme (1924-1933) ; secrétaire de la fédération SFIO du Puy-de-Dôme (1908-1920 ; 1940) ; conseiller général de Clermont-Ferrand-Est (1925-1942) ; député socialiste (1924-1942).

Fils d’une couturière (Céline née Bordinat) et d’un tailleur d’habits (Alphonse Paulin), également petit exploitant et politiquement républicain, Albert Paulin fréquenta ’école communale de Levet mais eut un parcours scolaire chaotique, il apprit de ses parents son métier. De 1895 à 1899, il accomplit son Tour de France pour se perfectionner : c’est au cours de ce périple qu’il s’inscrivit en 1897 à Paris à un groupe de Jeunesses laïques, et à la fin de ce tour, qu’il adhéra en 1902 à la fois au syndicat de sa profession et au Parti socialiste français de Jean Jaurès. A dix-neuf ans, il s’engagea dans les tirailleurs algériens pour trois ans. À son retour à la vie civile le 25 novembre 1902, devenu antimilitariste, il reprit son activité politique et syndicale, dans le Cher d’abord, puis en Charente, dans la région d’Angoulème. Il s’était marié le 2 mai 1904 avec Gabrielle, la fille du socialiste berrichon, qui avait appartenu à la Première Internationale Philippe Apied, à Levet (Cher). Celui-ci avait d’abord été réticent à donner la main de sa fille institutrice à cet ouvrier tailleur peu lettré, mais ce maréchal ferrant à la plume alerte sous le nom de Père Picote, lui transmit une connaissance du mouvement ouvrier et finit sa vie en 1934 dans la maison d’Albert Paulin. Gabrielle "d’une main ferme mais discrète, contribue grandement à l’éducation de son époux, notamment en corrigeant, voir en réécrivant les articles rédigés par Albert Paulin, du moins dans un premier temps" (Alain Jamet, manuscrit, p. 4). Le couple Paulin eut une fille, Lucile, Hélène le 11 mars 1906, morte en 2005. A. Paulin assura en 1905 la direction technique d’une usine de confection pour prêt-à-porter masculin à Clermont-Ferrand et devait désormais faire toute sa carrière politique dans le département. Quand cette entreprise fut liquidée en 1911, Albert Paulin s’établit à son compte.

De 1905 à 1914, il avait assuré l’administration et le secrétariat de rédaction de l’hebdomadaire auvergnat L’Ami du Peuple. Il était inscrit au carnet B à la vieille de la guerre et n’en fut retiré que le 15 juin 1921.

Albert Paulin fonda le syndicat de l’Habillement et devint secrétaire de l’Union régionale des syndicats couvrant le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire. En 1909, il était membre de la minorité socialiste qui critiquait la tactique de rapprochement avec les radicaux d’Alexandre Varenne. Au congrès fédéral du 23 janvier 1910 il défendit une politique électoral intransigeante. Son courant gagnait en influence et suite à la démission de Louis Parassols, il devint secrétaire de la Fédération socialiste du Puy-de-Dôme (Hubert Rouger situe cette élection en 1911, au congrès fédéral d’Aubière) et le resta jusqu’en 1920, Le congrès extraordinaire du 26 juin 1910 marqua la réconciliation avec Varenne. Paulin s’opposa même pendant l’année 1911 à une minorité clermontoise qui avaient déposé une motion demandant : "l’interdiction aux membres du Parti de collaborer aux journaux bourgeois, l’interdiction aux membres d’adhérer à la Franc-maçonnerie, l’interdiction aux élus de participer aux fêtes officielles" mais il réussit à maintenir l’unité en admettant une présence minoritaire au bureau fédéral. En avril 1911, Paulin fut renvoyé de sa place de chef-coupeur à l’usine Conchon, sans doute en raison de son activité syndicale et politique. Il se mit alors à son compte associé à Villevaud, un autre tailleur socialiste. La même année, dans une réunion publique, il prononça un discours antimilitariste qui fit l’objet d’un procès verbal de M. le commissaire Gonard en date du 21 septembre 1911 transmis à la direction de la sûreté général le 22 septembre 1911.
Les années 1913 et 1914 furent propices aux succès électoraux socialistes, aux municipales et aux cantonales. Paulin s’investit dans la campagne législative de comme candidat à Issoire où il échoua mais son désistement assura l’élection du candidat radical-socialiste, tandis que Varenne l’emportait à Riom avec l’appui des radicaux.

Il cessa d’être secrétaire fédéral pendant la guerre qu’il fit comme simple soldat du 2 août 1914 au 25 février 1919. Mobilisé en août 1914 comme brancardier puis dans des station météorologiques où il fut caporal, en France. Il fut affecté au 2e groupe d’aviation en Italie en 1917, puis participa à l’occupation de l’Allemagne.

Démobilisé en mars 1919, il reprit sa place à la tête de L’Ami du Peuple. Il coopéra en octobre 1919 au lancement par Alexandre Varenne du quotidien régional La Montagne et y tint la rubrique “ La vie sociale ”. Il succéda à Michel Roux à la tête de l’UD CGT lors du comité de l’union départementale le 12 septembre 1920. Il fut également Secrétaire de la Bourse du Travail de Clermont-Ferrand de 1921 à 1923 et membre du secrétariat de l’Union des syndicats du Puy-de-Dôme de 1924 à 1933. C’est Jacques Fradet qui lui succéda en 1922 comme secrétaire de l’Union Départementale CGT.
Albert Paulin était franc maçon depuis 1919, apprenti depuis le 27 juillet 1919, compagnon le 18 juillet 1926, maître le 7 août 1927, et faisait partie de la loge “ Les enfants de Gergovie ”. Il aurait été conseiller de l’Ordre.

La Fédération socialiste du Puy-de-Dôme présenta Albert Paulin à maintes reprise aux élections. Aux élections législatives de 1919, Albert Paulin occupa la 7e et dernière place sur la liste des candidats socialistes qui conquit deux sièges de députés : il obtint 31 241 voix sur 158 273 inscrits, la moyenne de sa liste atteignant 32 409. Délégué aux congrès socialistes de 1920 à Strasbourg et à Tours pour la motion Blum-Paoli, Paulin demeura à la SFIO après la scission. C’est en 1924 sur la liste du Cartel des gauches qui enleva les sept sièges du Puy-de-Dôme qu’il fut élu député par 76 822 voix sur 154 325 inscrits. Au congrès fédéral de 1926, il soutint la thèse participationniste et défendit vivement Alexandre Varenne. En 1928, avec le retour au scrutin uninominal, Paulin se présenta dans la 2e circonscription de Clermont-Ferrand. Il arriva en tête au 1er tour de scrutin avec 5 845 voix sur 17 377 inscrits et il battit au second le candidat de droite par 7 872 voix contre 4 435. Il était en 1930 membre suppléant de la CAP du Parti socialiste. En 1932, dès le premier tour, avec 7 732 suffrages sur 18 212 votants, Paulin fut réélu contre le candidat “ socialiste indépendant ”. Il retrouva son siège dans les mêmes conditions en 1936, porté par 8 059 voix sur 18 961 inscrits contre 4 536 à Abram, républicain-démocrate, 1 976 à Pacaud, communiste et 583 à Millon, socialiste-indépendant. Paulin fut également du 26 juillet 1925 à 1940 conseiller général du canton-est de Clermont. Il avait battu le sortant Républicain de gauche, Bellet, pour gagner son siège. Il échoua aux sénatoriales de 1935.

Cet homme, qui garda toujours la simplicité du modeste artisan, fut un député laborieux. Il fut secrétaire, vice-président puis président de la commission du Travail. Il intervenait sur les problèmes de son ressort, l’apprentissage, le placement, les droits des travailleurs et notamment des artisans. Président du groupe parlementaire de Défense nationale de l’Artisanat, président de l’Institut national des métiers, Paulin fut aussi vice-président des groupes de défense des planteurs de betteraves, des planteurs de tabac et des vignerons du Centre-Ouest, vice-président du groupe parlementaire de la Libre pensée et secrétaire général du Groupe de défense des mutilés du travail. En 1936, il fut nommé membre du Conseil supérieur du Travail et devint premier vice-président de la Chambre des députés. Il fit partie de 1934 à 1938, en tant que suppléant, de la commission des conflits du Parti socialiste et, de 1934 à 1936, du conseil d’administration du Populaire.

Secrétaire fédéral en mai 1940, il présenta les buts du congrès fédéral selon Le Populaire du 4 mai 1940.

Signataire de la déclaration Bergery, Paulin vota le 10 juillet 1940, l’octroi des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il fit partie des huit membres du premier comité de rédaction de l’Effort, journal collaborationniste dirigé par ]Paul Rives->129075] et Charles Spinasse. Mais il se détacha rapidement de ce milieu et se retira à Bayat où il se livra à la culture. Certes, il fut membre du Conseil national de Vichy en 1941 et aussi conseiller départemental. Mais Philippe Serre, l’un des Quatre-vingts qui était son voisin durant cette période, attesta de sa surprise lors de sa nomination et l’attribuait à la volonté de [Laval6>116484] de « ménager les élus de son département ». Il démissionna du Conseil national le 9 janvier 1942. Les Renseignement généraux estimaient que l’assassinat de Marx Dormoy l’avait décidé à cette rupture. Sa prise de position, comme 1er vice-président de l’Assemblée nationale, protestant contre la livraison aux nazis du président Édouard Herriot en septembre 1943 lui valu l’hostilité des autorités. Il rédigea et donna force publicité à une lettre très critique au Maréchal Pétain lui rappelant que la constitution était toujours en vigueur et qu’il était responsable du sort des représentants de la République. Durant plusieurs mois, il dut se dissimuler sous l’identité d’un ouvrier agricole dans l’Aube, étant recherché par Vichy et les Allemands.

À la Libération, Paulin fut exclu du Parti socialiste au congrès de Paris (novembre 1944). Le Jury d’honneur présidé par René Cassin refusa de le relever de l’inéligibilité le 30 novembre 1945 « considérant que si l’intéressé a eu certaines initiatives louables, notamment en protestant auprès de Pétain, contre la remise aux autorités allemandes du président Herriot, il n’a, toutefois, pas participé de façon active à la résistance contre l’ennemi » (JO du 15 décembre 1945).

Le préfet de l’Aisne de la Libération avait témoigné en sa faveur, rappelant que Paulin avait aidé des réfractaires au STO, protégé des résistants réfugiés, dont lui-même. Avec Philippe Serre, ils attestèrent qu’il avait été tenu à l’écart de la Résistance organisée par la méfiance qu’avait provoqué son vote du 10 juillet 1940. Le Commissaire régional de la République écrivit qu’il « n’a(vait) jamais apporté aucun concours, sous aucune forme, à la politique de Vichy ». Il publia une petite brochure pour justifier son vote politique, distribuée à mille exemplaires auprès de ses amis, et ne fut plus candidat à des élections.
Paulin adhéra au Parti socialiste démocratique de Paul Faure en 1952 et souscrivit pour son journal La République libre de 1953 à 1955.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article125166, notice PAULIN Albert, Arthur, Raphaël par Justinien Raymond, Gilles Morin, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 31 octobre 2022.

Par Justinien Raymond, Gilles Morin, Claude Pennetier

Conseil fédéral socialiste du Puy-de-Dôme le 12 octobre 1913. Au centre, Albert Paulin.

SOURCES : Arch. Nat., AL/5292 ; fonds du Jury d’honneur ; F/7/13084 ; F7/14693 ; 20050137/9/2369. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Puy-de-Dôme, M J. Jolly, Dict. parl., t. VII. —Dictionnaire des contemporains, t. III. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, t. II, pp. 471 et 475. — Conseils généraux, élections, résultats officiels, juillet 1925, octobre 1928, Paris, J.L.L. D’Artrey directeur. — C. r. congrès SFIO reconstituée (novembre 1944). — Arch. d’A. Paulin, CHS du XXe siècle. - Brochure Explication de votes et d’attitude. — Noéline-Castagnez, Les Paul-Fauristes après la Libération, MM Paris IV, 1987. — André Combes, La Franc-Maçonnerie sous l’Occupation, Paris, éditions du Rocher, 2001, p. 268. — Jean-Étienne Dubois, Les députés du Puy-de-Dôme de 1919 à 1942, mémoire de maîtrise sous la direction de Mathias Bernard, Université Blaise Pascal, 2004. — Claude Pennetier, Le Socialisme dans la Cher 1851-1921, 1982, op. cit. — Guy Rousseau, Le temps du Gouyat : l’enracinement socialiste dans le Puy-de-Dôme (1870-1914), Clermont-Ferrand, Institut du Massif central, 1991, p. 47. — Jean Boulay, La franc-maçonnerie dans le Puy-de-Dôme, Chamalière, Editions Canope, 1990. — Alain Jamet, Albert Paulin ou l’itinéraire d’un parlementaire de la Troisième République, manuscrit, 2017 (le renouvellement de cette notice en 2017 doit beaucoup à l’apport d’Alain Jamet). — Archives départementales du Puy-de-Dôme, M 3637.

ICONOGRAPHIE : Encyclopédie socialiste. Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 466 et 473..

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