Par André Balent
Né le 16 février 1882 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 29 mai 1937 à Perpignan ; liquoriste, courtier en vins ; militant socialiste indépendant puis socialiste unifié des Pyrénées-Orientales ; militant de la SFIO après le congrès de Tours ; conseiller général des Pyrénées-Orientales (cantons de Prats-de-Mollo, 1928-1931 puis de Perpignan-est, 1931-1937) ; président du conseil général des Pyrénées-Orientales ; député (1924-1935) et sénateur (1935-1937) des Pyrénées-Orientales ; premier adjoint au maire (1919-1935) puis maire de Perpignan (1935-1937) ; rugbyman émérite et dirigeant départemental et régional du rugby à XV .
Né dans une modeste famille de petits commerçants, Jean Payra dut quitter l’école dès l’âge de douze ans pour travailler avec ses parents. Son père Antoine, Martin Payra, était né en Cerdagne, à Caldégas (Pyrénées-Orientales, actuelle commune de Bourg-Madame, fusionnée avec Caldégas en 1973) le 28 avril 1854 et mort à Perpignan le 27 septembre 1919 ; il exerçait la profession de liquoriste à Perpignan, rue de la Têt, la future rue Jean-Payra. Sa mère, Marie, Françoise Margail, institutrice à Saillagouse (Cerdagne, Pyrénées-Orientales), lors de son mariage, était également originaire de Cerdagne. Elle était née à Angoustrine (Pyrénées-Orientales) le 31 juillet 1857. La plupart des ancêtres de Jean Payra, à partir de 1750, étaient des Cerdans. Jean Payra se maria à Perpignan le 7 mars 1910 avec Isaure Bozzi, sans profession. Celle-ci, née à Boutenac (Aude) le 17 avril 1886 était domiciliée à Perpignan. Elle était la fille de Dominique Bozzi, propriétaire à Boutenac et de Rosa Fontanel. Payra qui travailla d’abord — juste après avoir obtenu le certificat d’études primaires — à la liquoristerie de ses parents devint courtier en vins. En 1910, la profession mentionnée sur son acte de mariage était celle d’"agent commercial".
Jean Payra s’illustra dans les milieux du rugby à XV, d’abord en tant que joueur puis comme dirigeant. En 1902, pourtant, il avait été exempté de service militaire par le conseil de révision pour endocardite. Cela ne l’empêcha pas de pratiquer assidûment le rugby. Il joua au poste de trois quart aile à l’ASP (Association sportive perpignanaise) de 1903 à 1908 et fut capitaine de cette équipe de 1904 à 1908. Il conquit avec elle le titre de champion du Sud, troisième catégorie en 1903, de champion du Roussillon en 1905, de champion du Languedoc en 1905, 1906, 1907 et 1908.
En 1909, son engagement dans les rangs socialistes l’amena à cesser la pratique du rugby. Mais il demeura administrateur de l’ASP dont il fut aussi le délégué au comité du Languedoc en 1910. Président de l’ASP après la Première Guerre mondiale, il présida à ce titre à la fusion entre l’ASP et le SOP (Stade olympique perpignanais) qui, le 7 mai 1919 formèrent l’USP (Union sportive perpignanaise) qu’il présida de 1922 à 1924. Président du comité du Languedoc de rugby en 1921, Payra avait été élu précédemment, le 20 octobre 1920, à la vice-présicence de la Fédération française de rugby (FFR), battu par le Toulousain Octave Léry. À ce poste, il fut délégué par la FFR à l’USFA (Union sportive des fédérations de sports athlétiques). Lorsqu’il fut élu député des Pyrénées-Orientales sur la liste du Cartel des gauches, Payra démissionna le 27 mai 1924 de la présidence de l’USP. Il devint le président d’honneur. Lorsque l’USP fusionna le 5 mai 1933 avec l’Arlequins club perpignanais pour former l’USAP, Payra en devint le président d’honneur et le demeura jusqu’à sa mort.
Le rugby, sport le plus populaire du Roussillon, contribua autant que sa carrure imposante et sa verve oratoire à asseoir la popularité politique de Payra et à étoffer ses réseaux de relations et de « clientèle » à Perpignan d’abord puis dans toutes les Pyrénées-Orientales et même au delà.
Lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale, Jean Payra, exempté depuis 1902, ne fut pas mobilisé. Le conseil de révision des Pyrénées-Orientales du 25 décembre 1905 le maintint dans cette position. La commission de réforme de Perpignan du 28 mars 1917 le déclara « bon pour le service auxiliaire ». Affecté à la 16e section d’infirmiers militaires, il arriva à ce corps le 15 mai 1917. Il fut déclaré réformé temporaire n° 2 par la commission de réforme de Béziers (Hérault) du 15 novembre 1917 pour « spasmes glottiques, laryngite (…), [et] pour varices remontantes volumineuses ». Du 1er au 15 juillet 1917, il fut placé en sursis d’appel au titre d’« agent commercial » à Perpignan. Il rejoignit à nouveau son corps le 17 juillet 1918 et, le lendemain, fut affecté à la 20e section de secrétaires d’état-major et du recrutement en application d’une note du sous-secrétaire d’État à la Guerre du 9 juillet 1918. Le conseil de réforme de Béziers du 10 octobre 1918 renouvela la décision du 25 décembre 1917. Finalement ce fut le conseil de réforme de Perpignan du 8 octobre 1919 qui décida de sa réforme définitive après avoir constaté « une laryngite spécifique avec œdème des cordes vocales », et des « varices bilatérales remontant jusqu’au-dessus du genou ».
Au plan politique, Jean Payra adhéra, en 1903, à l’Union socialiste des Pyrénées-Orientales, groupe affilié au PSF, incité par l’un de ses amis ayant, comme lui des attaches familiales en Cerdagne, François Batllo. Il devint très vite un des principaux militants de la Fédération socialiste unifiée issue du congrès d’Estagel (11 juin 1905) qu’il représenta aux congrès nationaux de Nancy (1907) et de Toulouse (1908). Leader de l’aile droite de la Fédération, il s’allia, en octobre 1909 à une partie de ses dirigeants guesdistes pour exclure Jean Manalt et Jules Soulet, chefs de file de l’aile gauche. Candidat la même année à une élection législative partielle dans la 2e circonscription de Perpignan, il fut battu par le candidat radical. Aux élections cantonales de 1910 à Millas, il en fut de même. Au congrès fédéral de 1914, il défendit le principe de la constitution d’un bloc électoral avec les radicaux et fut mis en minorité (voir Lucien Deslinières). Avant la guerre, Jean Payra qui fut un des pionniers de l’introduction du rugby dans les Pyrénées-Orientales et joueur de renom, avait collaboré, auréolé de ses succès de rugbyman, à l’hebdomadaire littéraire et sportif dirigé par Albert Bausil, Le Cri catalan.
Sa disponibilité pendant la guerre, le peu de temps qu’il resta sous les drapeaux favorisèrent, à la différence d’autres dirigeants locaux perpignanais ou départementaux du Parti socialiste, un engagement fort qui fut un des facteurs de son émergence définitive comme ténor de la scène politique des Pyrénées-Orientales.
À partir de 1916, en effet, il évolua vers le pacifisme. Le 26 novembre 1916, son ami Bausil lui céda la direction du Cri catalan, qui devint l’organe de fait du Parti socialiste. Ce journal permit en effet le regroupement des socialistes minoritaires. Victor Dalbiez (1876-1954) député radical des Pyrénées-Orientales, devenu pacifiste et ayant critiqué la façon dont Joffre, un Catalan, un "enfant du pays", conduisait la guerre, partagea, avec Payra, la direction du Cri catalan. Jean Payra adhéra au début de 1917 au groupe socialiste de Rivesaltes qui devenait le principal centre du courant pacifiste au sein de la Fédération socialiste mais ne partageait pas entièrement les thèses des conférences de Zimmerwald et de Kienthal et se heurtait à l’opposition de Deslinières. En avril 1918, Payra fut élu vice-président de la Ligue des droits de l’Homme des Pyrénées-Orientales mais fut réduit à se faire déléguer par les Basses-Alpes au congrès du Parti socialiste de septembre 1918. Le 13 avril 1919, il présida le premier congrès fédéral de l’après-guerre (café Tourné, place de la Loge, Perpignan) en l’absence de L. Deslinières qui tentait alors de gagner la Russie et lui succéda au secrétariat fédéral puis devint délégué à la propagande. Bientôt, il dut faire face aux partisans de l’adhésion à l’Internationale communiste.
Aux élections législatives du 16 novembre 1919, Jean Payra imposa à la Fédération socialiste une liste d’union des gauches avec les radicaux. Désireux de s’affirmer à la tête de la Fédération des Pyrénées-Orientales, il voulait être le seul élu député socialiste. Aussi Payra fut-il le colistier de trois radicaux : Arrous, Dalbiez et Rameil (les deux derniers, députés sortants). Mais la direction nationale du Parti socialiste désavoua son attitude et fit imprimer des affiches dénonçant son indiscipline. Il fut battu avec 13 502 voix sur 63 276 inscrits, étant le candidat qui recueillit le moins de suffrages. Cette élection permit aux "progressistes" de L’Indépendant regroupés sous la bannière de l’Union nationale républicaine de l’emporter, présentant les socialistes unifiés sans distinction, à commencer par Payra, comme de dangereux "bolchévistes" auxquels s’étaient imprudemment ralliés les radicaux. Par ailleurs, des socialistes, pour la plupart guesdistes d’avant 1914, comme Geoffroy Thomas (de Baixas), furent candidats sur une liste d’Anciens combattants de gauche qui enleva des voix à la liste des groupes républicains de gauche (radicaux et socialistes) dont Payra était l’un des candidats.
Aux élections municipales de décembre 1919, Jean Payra fut candidat à Perpignan sur la liste socialiste et syndicaliste qu’il avait réussi à constituer afin de se démarquer des radicaux avec lesquels il s’était allié le mois précédent aux élections législatives, coalition électorale qui avait été mise en échec : il obtint 1 669 voix. La liste socialiste et syndicaliste devança celle des radicaux. Tourtefois, Payra, fit la part belle aux radicaux dans la liste formée pour le second tour. Au second tour, candidat de la liste des républicains de gauche issue de la fusion de la liste d’union socialiste et syndicaliste et de la liste radicale-socialiste, il recueillit 3 299 voix. Bien qu’ayant été le candidat de la liste des républicains de gauche qui ait obtenu le moins de suffrages, il fut élu premier adjoint au maire, commençant une carrière de notable qui ne fut interrompue que par sa mort prématurée. Jean Payra fut réélu à ce poste de premier adjoint à l’issue du premier tour des élections municipales du 4 mars 1925 (liste du Cartel des gauches) : 4 549 voix se portèrent sur son nom. Aux élections municipales des 6 et 13 mai 1929 Jean Payra conduisit une liste socialiste homogène. À l’issue du premier tour, il arriva en tête de tous les candidats de cette liste. Mais au second tour les radicaux fusionnèrent leur liste avec celle de l’Alliance républicaine. Les socialistes se maintinrent ainsi que les communistes. Jean Payra qui avait obtenu 3 563 voix au premier tour de scrutin fut, au second tour, le seul élu de la liste socialiste (4 583 voix). Il perdit son siège de premier adjoint et demeura jusqu’en 1935 simple conseiller municipal. Lors de la préparation des élections municipales du 5 mai 1935, Jean Payra fit proposer à la section socialiste SFIO de Perpignan une alliance avec les républicains de droite regroupés autour de L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Il n’abandonna ce projet qu’à la suite d’une campagne que certains militants indignés menèrent dans les colonnes du Petit méridional. La section socialiste de Perpignan présenta finalement une liste homogène que Jean Payra devait conduire à la victoire. Il convient de noter que les tracts, affiches et articles de journaux publiés par la section socialiste de Perpignan ne portaient nulle part le sigle de la SFIO mais celui de « liste socialiste Payra ». À la suite de la victoire de cette liste, Jean Payra devint maire de Perpignan. Il le demeura jusqu’à sa mort.
Premier adjoint de Victor Dalbiez, puis successeur de ce dernier, Payra participa à la mise en œuvre d’un ambitieux plan d’urbanisme qui impliquait en premier lieu la démolition des remparts du sud de Perpignan. Mais, dès la fin des années 1920, la ville entra dans une période de stagnation démographique qui fut aggravée par la dépression des années 1930. Néanmoins, les municipalités successives au sein desquelles Payra fit preuve de beaucoup d’énergie, favorisèrent des grands travaux d’aménagement et d’urbanisme avec la création des trois premiers ensembles de HBM (Habitations bon marché) de grande qualité architecturale : Saint-Louis, au nord de la Têt ; Saint-Jacques dans les nouveaux quartiers sud ; des rois de Majorque, à proximité de la citadelle ; la mise en œuvre du boulevard de rocade sud ; la construction d’équipements comme un groupe scolaire moderne (actuelles écoles Jean-Alio et Louis-Torcatis*), d’un vélodrome, de nouveaux stades ; l’aménagement des quais de la Basse avec la construction d’une nouvelle poste centrale et d’un palais consulaire.
Au congrès fédéral du 3 janvier 1920, il était l’un des chefs de file de la tendance regroupée autour de la motion « Pour la reconstruction ». Au congrès de Strasbourg (février 1920), sa fédération donna dix-neuf mandats aux « reconstructeurs », six mandats aux partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale. Payra finit par perdre la majorité dans son fief de Perpignan : la section socialiste de cette ville vota en faveur de l’adhésion à l’IC. Devenus minoritaires, à la veille du congrès de Tours, Payra et ses partisans s’abstinrent d’y envoyer un délégué.
Jean Payra, pacifiste depuis 1916 au moins, n’hésitait pas à se considérer comme étant le "Jaurès catalan". Mettant à profit une certaine ressemblance avec le tribun tarnais, Payra instrumentalisa son image et son souvenir d’"apôtre de la paix". En avril 1919, après le verdict d’acquittement de Raoul Villain, l’assassin de Jaurès, il prit l’initiative de constituer un comité afin d’ériger à Perpignan un monument destiné à perpétuer la mémoire de l’ancien député du Tarn. La réalisation du buste fut confiée à un artiste de renom, Gustave Violet. Le comité recueillit les fonds grâce à une souscription relayée dans les colonnes du Cri catalan. La pose de la première pierre, le Premier Mai 1920, puis l’inauguration solennelle du monument le 31 juillet 1921, scellèrent définitivement la consécration de Payra, qui accédait définitivement au rang des notabilités départementales les plus éminentes.
De 1921 à 1937, Jean Payra demeura le dirigeant le plus en vue de la SFIO dans les Pyrénées-Orientales. Élu en janvier 1921 secrétaire de la fédération, il ne demeura que peu de temps à ce poste, préférant y placer un de ses fidèles lieutenants, et siégea à la commission administrative fédérale. Jean Payra fut candidat dans le canton de Millas lors d’élections cantonales partielles (9 avril 1923). Il se présentait sous l’étiquette de candidat « d’Union des groupes républicains de gauche ». Toutefois il retira sa candidature peu de temps avant le jour du scrutin. Il se présenta à nouveau à une élection cantonale partielle le 25 novembre 1923 dans le canton de Perpignan-ouest (André Marty avait démissionné). Au 1er tour, il obtint 1 318 voix et au second bénéficia du retrait des candidats communistes et radicaux. Arrivé en tête à Perpignan, il fut néanmoins battu.
Aux élections législatives du 14 mai 1924, il fut le seul candidat socialiste d’une liste du Cartel des gauches et fut élu avec 24 539 suffrages sur 61 099 inscrits. À la suite de cette élection, Aristide Briand et Pierre Laval proposèrent à Jean Payra de participer au gouvernement du Cartel des gauches en qualité de sous-secrétaire d’État à l’enseignement technique et à l’éducation physique. Il aurait accepté cette proposition si les instances nationales de la SFIO n’avaient pas refusé de participer au gouvernement formé par Édouard Herriot. Payra suivit donc, au sein de la SFIO, le courant majoritaire de ce parti et ne s’en écarta qu’en de très rares occasions. Jean Payra fut une première fois mis en minorité au congrès fédéral du 9 juillet 1933. Tenté par le « néo-socialisme », il appuya la motion que Renaudel défendait lors de la préparation du congrès national (Voir Francès Clément, Forgas Isidore). Mais il fut, lors de cette bataille de congrès, abandonné par certains militants qui avaient été ses plus fidèles soutiens. Il fut vice-président du groupe viticole de la Chambre et, de 1924 à 1935, siégea à la commission des boissons dont il fut élu vice-président. Membre puis vice-président de la commission du suffrage universel, il fut en 1927 l’un des principaux artisans du rétablissement du scrutin d’arrondissement. Membre influent de la commission du suffrage universel, il intervint directement dans le redécoupage des circonscriptions électorales des Pyrénées-Orientales et put ainsi se tailler une circonscription « personnelle ». Au moment de la discussion du budget de 1925, il réclama la création d’un Office national de l’éducation physique et des sports.
Aux élections cantonales du 19 juillet 1925, Jean Payra était bien décidé à se faire élire. Il tenta sa chance dans le canton de Prats-de-Mollo où la SFIO était bien implantée. Il fut élu au premier tour avec 838 voix sur 1 831 inscrits. Après avoir abandonné son siège de conseiller général de Prats-de-Mollo (1928) il se présenta dans le canton de Perpignan-est. Il fut élu au premier tour de scrutin avec 3 422 voix. A la suite de cette élection, il fut élu président du conseil général des Pyrénées-Orientales, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort.
Il tenta sa chance aux élections sénatoriales à l’occasion du scrutin des 9 et 15 janvier 1927. Le radical Dalbiez fut élu au premier tour, Jean Payra ne recueillant que 146 suffrages. Il maintint sa candidature au second tour où il n’obtint plus que 10 voix : Jules Pams, ancien candidat à la présidence de la République, fut facilement élu.
En avril 1928, Jean Payra fut réélu député dans la circonscription de Perpignan. Il l’emporta au 2e tour avec 7 089 voix sur 18 631 inscrits. Il se présenta à une élection sénatoriale partielle (il fallait remplacer Jules Pams, décédé) le 6 juillet 1930. Au 1er tour Jean Payra ne recueillit que 134 voix contre 178 au radical. Il maintint sa candidature sans succès (4 voix). Lors de la préparation des élections législatives de 1932, il manœuvra pour écarter la candidature de Joseph Rous aux législatives. Mais pour la première fois, il fut mis en minorité et Rous fut désigné comme candidat. En 1933, il quitta la SFIO pendant plus de trois mois. À partir des années 1932-1935, Payra dut donc affronter une forte opposition regroupée autour de la tendance « Bataille socialiste » et les « Cercles d’Avant-Garde ».
Cependant, il fut réélu député en mai 1932 (avec 8 183 sur 19 397 inscrits). Inscrit dès l’origine au groupe socialiste de la Chambre, Jean Payra, député d’un département viticole, se devait de défendre les intérêts d’agriculteurs qui formaient une part non négligeable de son électorat. En 1933, il défendit une proposition de loi définissant le statut des professeurs d’éducation physique ainsi qu’une autre portant application de la taxe sur les cercles aux Fédérations et sociétés sportives. Jean Payra participa aux travaux de la commission interministérielle de la viticulture. Vice-président de la Chambre, il fut vice-président du groupe viticole de la Chambre, vice-président de la commission des boissons et de celle du suffrage universel, président de la commission de la comptabilité, et président du groupe de l’éducation physique et des sports. Il fut membre de la commission des travaux publics, du comité consultatif des chemins de fer, de la commission interministérielle de la viticulture.
Au congrès fédéral du 2 juin 1935, il fut mis en minorité lors du vote des motions. La Bataille socialiste groupée, dans le département autour de En avant ! fondé en 1934, devint majoritaire avec l’appui de Joseph Rous. Soutenu par la Bataille socialiste Rous fut désigné secrétaire fédéral. Mais Marcel Mayneris et Jean Canal de la Bataille socialiste, après d’être entretenus à Paris avec Paul Faure et Jean-Baptiste Séverac — tous deux soucieux de ménager Payra — se rallièrent à l’idée d’un nouveau congrès fédéral en septembre. Cette initiative déplut toutefois à Rous qui fit le choix de la dissidence. Le 8 septembre, Payra, ainsi que Georges Pézières, acceptèrent que la Bataille socialiste prît en main la fédération. En contre-partie, le congrès fédéral désigna Payra et Pézières comme candidats à l’élection sénatoriale. Payra qui avait longtemps appuyé la candidature de Barthélemy Lledos comme colistier aux sénatoriales, lui préféra Pézières, à moins que la candidature de ce dernier n’ait été choisie par la majorité des congressistes au lieu de celle de Lledos.
Jean Payra se présenta donc à l’élection sénatoriale d’octobre 1935 et fut élu au second tour de scrutin (20 octobre 1935) par 270 voix sur 505 votants. Il abandonna alors la députation. Pendant sa campagne électorale, le 9 septembre 1935, il fut victime d’un grave accident d’automobile, entre Ille-sur-Têt et Néfiach. Le véhicule, une Hotchkiss, était conduit par son propriétaire, Victor Rocaries, industriel et adjoint au maire qui secondait Payra dans sa campagne électorale. Projeté à l’extérieur du véhicule dont le conducteur avait perdu le contrôle, Payra, victime d’un violent choc thoracique, fut conduit à l’hôpital de Perpignan. Cet accident ébranla sa santé. De ce fait, il ne put guère participer aux débats du Sénat.
Jean Payra usa de son influence auprès des dirigeants nationaux de la SFIO pour se faire admettre, au moins jusqu’en 1935, comme seul leader de la SFIO catalane. Les élections législatives de 1936 permirent de formaliser la scission de fait de la Fédération socialiste, provoquée par ses différents avec Joseph Rous, député de la circonscription de Prades. Autour de Rous fut constituée une Union puis une Fédération dissidente. La mort (mai 1937) de Jean Payra permit la réunification des deux fédérations socialistes des Pyrénées-Orientales. Ses obsèques civiles donnèrent lieu à une imposante cérémonie, en présence des organisations locales et départementales de la SFIO, des Faucons rouges. Le cortège, parti de son domicile, la villa "Jean-Jaurès" de la rue Oliva, parcourut une grande partie de la ville. Le corps fut inhumé au cimetière Saint-Martin, en présence des représentants du gouvernement et du parlement, du conseil général du département, du conseil municipal. Son vieil ami Alfred Soubielle prononça son éloge funèbre.
Une rue et une place de Perpignan portent le nom de Jean Payra.
Par André Balent
ŒUVRE : J. Payra collabora entre 1905 et 1914, au Socialiste des Pyrénées-Orientales et au Cri catalan, hebdomadaire littéraire et sportif qui devint l’organe officieux du Parti socialiste quand son directeur, Albert Bausil, eut cédé à Payra la direction du journal le 26 novembre 1916.
SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 463, f° 1809 ; 2 M 194. — Arch. com. Perpignan, état civil, actes de naissance, de mariage de Jean Payra. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 1905-1914. — Le Cri catalan, 1916-1929. — Le Cri socialiste, 1930-1937. — L’Avant-Garde. — Le Front populaire, 1935-1936. — Le Travailleur catalan, 1936-1937. — L’Indépendant, 10, 11, 12 septembre 1935 ; 29 et 30 mai 1937. — Dict. parl., t. VII, op. cit... — André Balent, notice "Payra Jean", DBMOF, XXXVIII, 1990, pp. 129-131. — André Balent, "Du Front populaire à la Résistance, l’itinéraire d’un militant perpignanais : Marcel Mayneris (1899-1993)", Études roussillonnaises, XVI, Perpignan, 1998, pp. 165-192. — André Balent, "Autour de l’inauguration (31 juillet 1921) du monument Jaurès de Perpignan", Le Midi Rouge, bulletin de l’Association Maitron Languedoc-Roussillon, 24, 2014, pp. 3-13. — André Balent, "Jean Payra et les artisans du pacifisme nord-catalan (1916-1920)" in Perpignan pendant la Première guerre mondiale, Tours, Éditions Sutton, 2018, pp. 95-98. — André Balent et Michel Cadé, Histoire du Parti socialiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation (1895) au congrès de Tours (1920), Prades, 1982. — Esteban Castañer Munoz, Modernité et identité dans l’urbanisme et l’architecture à Perpignan (1848-1939), Perpignan, Trabucaire, 2014, 307 p. — Horace Chauvet, La politique roussillonnaise de 1870 à nos jours, Perpignan, 1934. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, t. I, op. cit... — Joan Peytaví Deixona, Avantpassats. Histoire et généalogie des grands hommes de la Catalogne du Nord, Perpignan, Trabucaire, 2012, 279 p. [pp. 292-297]. — Antoine de Roux, Perpignan, de la place forte à la ville ouverte, Xe-XXe siècle), Perpignan, Archives de la ville de Perpignan, 1996, 499 p. — Paul Boulland, Julien Lucchini, « À la santé du Popu, le ‟grand apéritif rouge” socialiste », RetroNews, octobre 2022.