PÉAUD Eugène, René, François

Par Loïc Le Bars, Florence Regourd

Né le 20 novembre 1905 à La Roche-sur-Yon (Vendée), mort le 24 mars 1976 à La Roche-sur-Yon ; instituteur ; syndicaliste enseignant (SNI puis FUE puis de nouveau SNI) ; secrétaire du Syndicat unitaire de l’enseignement de Vendée (1928-1930, 1932-1935) ; militant de l’École émancipée ; trésorier de la section départementale du SNI (1935-1938) puis secrétaire adjoint (1945-1953) ; secrétaire administratif de la section FEN de Vendée (1948-1962) ; militant communiste (1924-1929) puis socialiste (1935-1938) ; secrétaire fédéral du PSOP (1938-1940) ; militant de la SFIO (1944-1947), de l’ASR (Action socialiste et révolutionnaire, 1947-1948), de l’UGS (1957-1960) ; secrétaire fédéral du PSU (1961-1967) ; secrétaire général de la section vendéenne de la Fédération générale des retraités (FGR) (1974-1976).

Issu d’une famille d’artisans ruraux, le père d’Eugène Péaud, instituteur adjoint franc-maçon, décéda brutalement en 1908. Sa mère, Berthe Mallard, fut obligée d’effectuer des travaux de couturière à domicile pour subvenir aux besoins de ses trois enfants. Elle obtint une bourse pour son fils qui put ainsi poursuivre ses études à l’école primaire supérieure de Chantonnay. En 1922, Eugène Péaud fut reçu premier au concours d’entrée de l’École normale d’instituteurs de La Roche-sur-Yon. Il adhéra en 1925 au Parti communiste et assuma rapidement des responsabilités importantes au sein de son secrétariat fédéral. Il milita auprès de groupements ouvriers sous un nom d’emprunt et contribua ainsi à la création d’un syndicat unitaire de vanniers de l’Ile d’Elle en 1926.

Nommé instituteur à La Ferrière (Vendée) en 1925, il adhéra aussitôt au Syndicat national (CGT), puis fonda en février 1926, à Fontenay-le-Comte, un Groupe de jeunes dont il était secrétaire général. Ce groupe, qui publia un bulletin à partir de juin 1926, fut mal accueilli par un syndicat fort modéré et encore proche des Amicales. Péaud adhéra à la CGTU ; en octobre 1927, il fonda avec M. Favreau la section vendéenne du syndicat des membres de l’Enseignement laïc de la Loire-Inférieure et de la Vendée (unitaire), soit « une infime poignée de militants », affiliée à la Fédération des syndicats des membres de l’enseignement laïque appelée aussi Fédération unitaire de l’enseignement (FUE).

De retour du service militaire en 1928, Péaud se vit refuser un poste à La Ferrière où il avait pourtant été titularisé, et fut déplacé à Liez (Vendée), en raison de ses opinions communistes, et peut-être aussi de son action antimilitariste. Secrétaire général du syndicat unitaire de Vendée, il épousa Floresca Auger (Floresca Péaud), institutrice elle aussi. Le couple obtint un poste double au Vieux Cerne de Saint-Jean-de-Monts (1928 à 1930) puis à La Bloire-de-Challans jusqu’en 1936, à Sion de 1937 à 1940.

Eugène Péaud fut délégué en 1929 aux congrès de l’Union locale de la CGTU de La Roche-sur-Yon et de la 15e Union régionale (Loire-Inférieure, Vendée et nord des Deux-Sèvres) dont Charles Tillon assurait le secrétariat à Nantes. Au congrès de Besançon (1929) de la FUE, il se rangea aux côtés de Louis Bouët, de Maurice Dommanget, de Joseph Rollo et de la majorité des instituteurs communistes qui refusaient d’appliquer l’orientation ultra-gauchiste que leur parti impulsait depuis l’année précédente et qui risquait d’aboutir à la dislocation de leur organisation syndicale caractérisée par la présence d’une forte minorité proche de la Ligue syndicaliste de Pierre Monatte. Eugène Péaud (orthographié Péault) représenta la Vendée au Ve congrès de la CGTU à Paris, en 1929.

Devenue autonome à partir de 1930, la section vendéenne du syndicat unitaire publia son propre bulletin mensuel : l’Émancipation de Vendée. Comme les autres dirigeants de la FUE, Eugène Péaud fut exclu du Parti communiste en novembre ou décembre 1929. Selon ses proches, il aurait refusé les offres de Charles Tillon l’invitant à suivre l’école du parti et pris position en faveur de l’Opposition de gauche. A partir de 1930, il fit partie de la Majorité fédérale de la FUE qui dut faire face aux violentes attaques de la Minorité oppositionnelle révolutionnaire regroupant les militants demeurés fidèles au PC. Eugène Péaud entendait préserver l’indépendance du syndicalisme, faisant voter sa section contre le rapport moral de l’Union régionale présenté par Charles Tillon. Il défendit cette position au congrès de l’UR en 1930. Secrétaire administratif de son syndicat depuis octobre 1930, ses statuts prévoyant le changement de secrétaire général tous les deux ans, il fut délégué au congrès national de la CGTU à Paris en novembre 1930. Il redevint secrétaire général du syndicat unitaire de 1932 à 1934 et assuma la gérance de son bulletin de 1932 à sa fusion avec la section vendéenne du SNI fin 1935.

Eugène Péaud milita dès 1932 en faveur de la réunification syndicale et anima plusieurs réunions mixtes des syndicats confédéré et unitaire de l’Enseignement. Il se défendait d’être trotskyste tout en reconnaissant cependant que Trotsky avait prédit les erreurs de l’Internationale communiste. Il participa à la manifestation du 11 février 1934 (1 200 manifestants à La Roche-sur-Yon), à la grève du 12, aux comités antifascistes de Challans et de La Roche, et représenta son syndicat au congrès de la 15e UR à Nantes en février 1935. Eugène Péaud ne partageait pas les réticences des dirigeants de la FUE à l’égard de l’unification des forces syndicales de l’enseignement qui, en Vendée, s’amorça dès octobre 1934. Il était convaincu que cette unité devait aussi se réaliser entre le PC et la SFIO dont les Jeunesses, sous l’impulsion notamment de Jean Poireaudeau, un jeune instituteur membre du syndicat unitaire, faisaient preuve en Vendée d’un indéniable dynamisme. Péaud participa à la Fédération des Pacifistes vendéens créée en 1933 par Paul Chauvet. Il fut même le dernier gérant du mensuel La Vendée pacifiste lancé en 1934. Eugène Péaud demanda sa réintégration dans le PC mais refusa les conditions que ses dirigeants locaux voulaient lui imposer. ll décida alors, fin 1935, d’adhérer à la SFIO. Il organisa une caravane de cyclistes pour assister au dernier congrès de la FUE à Angers, en août 1935. Après le congrès d’unité du 8 décembre 1935 chez les enseignants vendéens, il fut délégué au congrès national de fusion à Paris le 27 décembre 1935. Il milita dans le Syndicat national des instituteurs pour la reconnaissance des tendances et leur représentation proportionnelle aux instances délibératives du syndicat. Trésorier de la section vendéenne de 1936 à 1938, il anima la minorité syndicaliste révolutionnaire des amis de L’École émancipée. Délégué au congrès national du SNI de Lille en 1936, il y intervint violemment, accusant ses dirigeants de pratiquer un syndicalisme d’argent.

Bien que sympathisant de la Gauche révolutionnaire de Marceau Pivert, Eugène Péaud soutint cette même année la candidature dans la deuxième circonscription de Vendée du socialiste Paul-E. Grolleau. Il réussit en avril à faire voter dans la section du SNI une motion favorable au recours à la grève générale révolutionnaire en cas de menace de guerre. En tant qu’élu à la commission administrative de l’Union départementale CGT, il parcourait la Vendée, intervenant lors des grèves des ouvriers carriers et de celles du bâtiment. Dans le bulletin du SNI, il défendait les positions des « Amis de l’École émancipée » (motion contre la guerre, dite motion de l’Ardèche en 1937). Il fut réélu membre de la CA départementale aux congrès de l’UD-CGT de 1937 et de 1938 où il représentait les instituteurs, Il animait la « régionale » du SNI de Challans et, à Croix-de-Vie, le comité local des Auberges de Jeunesse. En 1938, il dénonça les procès de Moscou et les crimes perpétrés contre les militants du POUM. Secrétaire général de la fédération de Vendée du Parti socialiste ouvrier et paysan, créée en juin 1938 après l’exclusion de Gauche révolutionnaire de la SFIO, il participait également aux Cercles syndicalistes « lutte de classe » animés principalement par les militants de l’École émancipée. Conséquence de la grève de novembre 1938 à laquelle ils participèrent, Eugène et Floresca Péaud furent déplacés d’office en novembre 1940 et nommés dans deux communes différentes. Bien que se sachant surveillé par la police, Eugène Péaud rendit d’assez nombreux services à ses amis entrés dans la Résistance mais refusa de rejoindre le Front national universitaire animé par le PC, pour des raisons de sécurité et par opposition aux positions « nationalistes » du PC. Il trouvait « petit-bourgeois », le petit groupe de Fontenay-Le-Comte à Libé-Nord et chercha à entrer en contact avec la CGT clandestine, ce qui ne se fit pas.

Eugène Péaud participa à la reconstitution du SNI en Vendée et fit partie du bureau mis en place en octobre 1944. Secrétaire corporatif, il fut élu au Conseil départemental de l’enseignement primaire. Pour la première élection du bureau national du SNI à la proportionnelle, Marcel Valière conduisait la liste "d’indépendance et d’action syndicale" qui comprenait Péaud, non élu par le conseil national du 28 décembre 1947.

Membre du conseil syndical de la section départementale du SNI, membre de la commission administrative paritaire départementale, il fut à nouveau candidat en 15eme position sur la liste "École émancipée". Les membres du conseil national, le 27 décembre 1949 le placèrent en septième position sur la liste avec 105 voix. Il fut à nouveau candidat en quinzième position sur la liste conduite par Yvonne Issartel en décembre 1951. Il figura en quatorzième position sur la liste « des Amis de l’École émancipée » en décembre 1953.

Son épouse, élue au Conseil départemental de l’enseignement primaire en 1951, démissionna collectivement à la demande du SNI pour protester contre la politique répressive du gouvernement et sa politique antilaïque à la fin de 1953. Lors des élections en janvier 1954, elle fut réélue avec beaucoup plus de voix qu’en 1951.

Eugène Péaud adhéra de nouveau en 1946 à la SFIO (section de La Roche-sur-Yon). Pour le 38e congrès de Paris de cette organisation en août 1946, il vota en faveur de la motion Guy Mollet*, dite de redressement du parti, qui s’opposait à l’orientation impulsée par son secrétaire général Daniel Mayer et contribua à faire repousser le rapport moral dans sa fédération. Délégué, avec Georges Gorse et Charles Herbert , de la fédération de Vendée au 39e congrès national de Lyon, Eugène Péaud se positionna sur la motion Yves Déchezelles d’Action socialiste révolutionnaire (ASR), dite du Rhône, opposée au nouveau secrétaire général Guy Mollet.

Eugène et Floresca Péaud obtinrent, non sans mal, leur mutation en 1947 pour La Roche-sur-Yon où ils devaient rester jusqu’à leur départ à la retraite au début des années 1960. Militant de l’Action socialiste révolutionnaire (ASR), qui avait quitté la SFIO en décembre 1947, il refusa d’adhérer au RDR contrairement à beaucoup d’adhérents de cette organisation qui vivota jusqu’en 1949 avant de disparaître. Eugène Péaud milita alors pendant plusieurs années exclusivement sur le plan syndical. Partisan de la « rotation » des militants à la tête de leur syndicat, il se démit de ses responsabilités dans le SNI en 1953 mais, faute de trouver un remplaçant, il continua à le représenter à la section départementale de la FEN dont il devint secrétaire administratif, et au Cartel de défense laïque de Vendée. En 1950, il prit, dans le bulletin du SNI la défense du Parti communiste yougoslave qualifié de fasciste et de trotskyste par Moscou, avec qui il venait de rompre, et accusé de vouloir vendre son pays à l’impérialisme américain par les organisations et la presse communistes à travers le monde. Eugène Péaud, contrairement à d’autres militants, ne se faisait guère d’illusions sur le régime yougoslave, mais il estimait nécessaire de réfuter les fausses accusations dont il était l’objet. Il annonça son intention de participer à une délégation de syndicalistes qui comptait se rendre en Yougoslavie pour contribuer à rétablir la vérité. Il fut alors la cible d’une violente campagne, orchestrée par le PCF, l’accusant de travailler pour le compte des « fascistes de Belgrade ». Cette campagne fut condamnée par les sections du SNI et de la FEN et par de nombreux militants, dont certains membres du PCF, du département.

À l’approche de la retraite, et en réaction à la poursuite de la guerre d’Algérie et à l’instauration du « pouvoir personnel » en 1958, Eugène Péaud cessa progressivement de militer sur le plan syndical et consacra l’essentiel de son temps à l’action politique. Il adhéra dans un premier temps à l’Union de la gauche socialiste (UGS) dont il devint localement le principal animateur. Il fit partie du Comité vendéen d’entente et d’étude pour l’unification socialiste regroupant les adhérents de l’UGS et ceux du Parti socialiste autonome. Il représenta la Fédération de Vendée de l’UGS au congrès d’Issy-les-Moulineaux qui, en avril 1960, aboutit à la création du PSU. Il accepta en octobre 1961, alors qu’il avait pris sa retraite l’année précédente, d’assumer la charge de secrétaire général de la fédération du PSU de son département en remplacement de Wilfrid Goichon démissionnaire.

Eugène Péaud était dans le PSU partisan de la tendance impulsée par Jean Poperen*, fils de l’un de ses vieux camarades de la FUE, Maurice Poperen. Mais il resta secrétaire général de la fédération vendéenne quand celle-ci accorda, en janvier 1963, les deux tiers de ses mandats à la tendance animée par Gilles Martinet* et qui allait l’emporter au congrès d’Alfortville. Il s’efforça de faire du PSU une organisation capable d’imposer localement l’unité aux forces de gauche. Son dynamisme, sa bonne connaissance de la vie politique vendéenne et son incontestable charisme lui permirent parfois d’atteindre cet objectif, alors que le PSU en Vendée n’avait, au début des années 1960, qu’une petite cinquantaine d’adhérents. Ce fut notamment le cas en 1962 quand un Comité antifasciste départemental se mit en place en réaction aux attentats commis par l’OAS. Eugène Péaud fut présenté par son parti aux élections cantonales du 8 mars 1964 à La Roche-sur-Yon. Il obtint 11,18% des suffrages exprimés, devançant de plus de 300 voix le candidat de la SFIO et faisant presque jeu égal avec celui du PC.
Cependant, les conflits de tendances qui faisaient rage dans le PSU n’épargnaient pas la Vendée, et finirent par lasser et décourager de nombreux militants. Eugène Péaud, dont la santé laissait alors quelque peu à désirer, fut l’un d’eux. En désaccord avec la tactique électorale élaborée par le conseil fédéral en vue des élections législatives du mois de mai, il donna sa démission de secrétaire fédéral en février 1967. Il resta cependant au PSU jusqu’au début des années 1970.

Son dernier engagement concerna la Fédération générale des retraités (FGR). Il avait été coopté au bureau de la section vendéenne de cette organisation dès 1964. Il en devint le secrétaire général dix ans plus tard. Victime d’une attaque d’hémiplégie, il mourut. Ses camarades de la FGR, dont certains le connaissaient depuis le début de sa vie militante, lui rendirent hommage dans leur bulletin, en affirmant qu’il avait été « au point de vue syndical, le militant vendéen le plus documenté, le plus complet, le plus rigoureux, le plus intègre, le plus actif ».

Son fils, Jean Péaud, milita activement dans les domaines politique et syndical, dans la lignée familiale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article125246, notice PÉAUD Eugène, René, François par Loïc Le Bars, Florence Regourd, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 18 novembre 2022.

Par Loïc Le Bars, Florence Regourd

SOURCES : Arch. Nat., 581AP/136/497. — Arch. Dép. Vendée, 1 M 334, 3 M 244, 4 M 404, 405, 408, 512, 11 M 215. — Bulletin du SNI, Vendée. — Bulletin du SMEL : L’Émancipation de Vendée, février 1930, janvier 1932, juin 1933. — Compte rendu de congrès. — Florence Regourd, « Les Instituteurs de Vendée et le syndicalisme entre les deux guerres », Mémoire syndicale : Instituteurs en Vendée, CDMOT Vendée, 1989. — Loïc Le Bars, Eugène Péaud, un syndicaliste révolutionnaire, Paris, Syllepse, 2005. — Élections cantonales, 8 mars 1964 : fonds du CDHMOT. — Florence Regourd, Ludovic Clergeaud, métayer (1890-1956). 50 ans d’engagement en Vendée, Geste éditions, 2013. — Témoignages de militants vendéens, de Floresca et de Jean Péaud. — Notes de Jacques Girault.

ICONOGRAPHIE : Fonds Cardin CDHMOT de Vendée.

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