PERRIN Albert. Pseudonyme : FAYET Jacques

Par Antoine Olivesi

Né le 2 mai 1869 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 11 août 1965 à Marseille ; ouvrier graveur, puis maître-imprimeur ; militant socialiste et syndicaliste, franc-maçon, écrivain.

Fils de Mélanie Perrin, orphelin à trois ans, Albert Perrin fut élevé par une tante dont il évoqua la figure dans une nouvelle, La trahison d’Hortense, avant d’être confié à l’orphelinat protestant de Castres (Tarn). Il obtint à onze ans son Certificat d’études. Destiné à devenir pasteur (il aimait à commenter la Bible), il découvrit et assimila aussi bien les œuvres d’Héraclite et de Platon que le Capital de Marx. Apprenti graveur-lithographe, il se tourna vers le syndicalisme puis vers le socialisme. Syndiqué à seize ans, secrétaire de son syndicat à dix-sept ans, Albert Perrin n’allait plus cessé, désormais, de se consacrer à l’action militante.

Ouvrier graveur à Marseille à la fin du XIXe siècle, puis premier graveur à l’imprimerie Moullot, il organisa le syndicat ouvrier du Livre à Marseille, fut délégué en 1908 au congrès de la CGT à Paris et dirigea, cette année-là, la grève de l’imprimerie Moullot. L’activité syndicale d’Albert Perrin ne fut pas seulement revendicative. Il essaya de mettre en pratique les méthodes coopératives et fut secrétaire d’un groupe phalanstérien, en relation avec Jean Jaurès, Jules Guesde, [Édouard Vaillant[ et René Viviani. Il tenta d’organiser une coopérative ouvrière d’imprimerie régionale qui n’obtint pas le succès escompté. Devenu maître-imprimeur à son compte, puis conseiller prud’homme en 1928, dans la catégorie patrons de la section industrielle de Marseille, il reçut plus tard, sous la municipalité d’Henri Tasso, qui était son ami, la direction de l’imprimerie municipale. Jusqu’à la fin de sa vie, il fit des cours des techniques d’impression et d’esthétique au lycée technique de la rue François-Moisson.

Albert Perrin fut l’un des promoteurs de l’unité socialiste à Marseille en 1905. Il rédigea la charte de la première Fédération SFIO des Bouches-du-Rhône. En 1908, il fut élu conseiller municipal dans la 5e section de Marseille qui englobait notamment le quartier populaire d’Endoume où il résidait. Albert Perrin siégea à l’hôtel de ville pendant quatre ans, polémiquant avec Chanot et ses dix-sept partisans anticollectivistes qui l’emportèrent aux élections de 1912. En tant qu’administrateur du bureau d’assistance et de bienfaisance, Albert Perrin avait créé un service de bains gratuits destiné aux indigents. Il essaya, avec fermeté, d’imposer des principes d’hygiène dans les vieux quartiers de la ville. Au congrès fédéral SFIO de Marseille en mars 1911, Albert Perrin défendit le principe des régies municipales. Deux ans plus tôt, il avait été le candidat du Parti socialiste unifié, en compétition avec Albert Gaston-Crémieux, pour la succession d’Antide Boyer dans la 6e circonscription de Marseille. Soutenu par les sections locales, il obtint, au congrès fédéral d’Aubagne, le 24 janvier 1909, 14 voix, à deux reprises, contre 14 également à Crémieux qui était appuyé par la direction nationale de la SFIO. Il retira finalement sa candidature.

Sa carrière politique s’arrêta donc avant 1914. Mais il demeura un militant écouté et engagé, luttant, de l’affaire Dreyfus à la Résistance, contre l’antisémitisme, le militarisme, le fascisme, la menace de guerre et l’Occupation allemande. Avec son épouse (petite-fille d’un insurgé de la Commune de Marseille), il hébergea en 1934-1935, à la demande d’Henri Barbusse, le député autrichien Franz Nutz, condamné à mort dans son pays. En 1935, Albert Perrin dirigeait l’imprimerie Buretto à Sauvion qui imprimait Rouge-Midi.

Pendant la guerre, Albert Perrin utilisa les locaux de l’imprimerie municipale pour fabriquer des faux papiers qui sauvèrent de la déportation, ou du STO, de nombreux Marseillais. Membre du réseau "Cotre", il échappa de justesse à l’arrestation. Une attestation du lieutenant-colonel Robert Mistral, contrôleur général de la DGER, souligna en janvier 1945 le rôle d’Albert Perrin qui "a permis, de juillet à novembre 1942, de jeter les bases du réseau sur les côtes méditerranéennes à l’Ouest de Marseille...".

Marxiste convaincu, sa pensée fut en définitive plus proche de celle de Jaurès que de celle de Guesde ou, après le congrès de Tours, de celle des communistes. Dans la Franc-maçonnerie, à laquelle il adhéra en 1924, au Grand Orient de France, et où il s’éleva jusqu’au grade le plus important (33°), il s’attacha surtout aux problèmes d’éducation, de progrès dans la fraternité et la solidarité humaines. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’initia à l’hindouisme, à Lavaur, revenant ainsi aux préoccupations philosophiques de sa jeunesse. Les hindouistes qu’il fréquentait ne disaient-ils pas que Jaurès était, pour la France, une incarnation de la divinité ? Un deuil familial cruel explique également cette évolution spirituelle.

Écrivain, Albert Perrin a laissé une œuvre abondante sous son nom ou sous le pseudonyme de Jacques Fayet. Dès 1897, il écrivait, dans l’Humanité intégrale, un article sur "Marius George et le socialisme", et, deux ans plus tard, la librairie de la Revue socialiste éditait ses Flambeaux, "poème communiste en prose", qui fut également représenté au théâtre. Avant 1914, le Théâtre social de Marseille joua quelques-unes de ses pièces, notamment Leurs vices, satire violente de l’exploitation patronale. Une autre pièce de Perrin, Ma femme a toujours raison figurait au répertoire du Théâtre social. Entre les deux guerres, il fit jouer en outre, à Paris, au théâtre de la Potinière, une pièce sociale, Les portes s’ouvriront, et à Marseille, au Gymnase, fut créée La terre du mal. Il écrivit aussi des romans, des essais, des nouvelles : Vers la paix totale, Quand l’enfant est parti, La Fontaine d’Homère surtout, son ouvrage le plus connu, et Les arbres enchantés, volume illustré de ses propres dessins et gravures. Artisan, Albert Perrin était aussi peintre aquarelliste et avait obtenu en 1900, pour ses lithogravures, des récompenses à l’École des Beaux-Arts de Marseille et à l’Exposition universelle de Paris. Il publia en 1965 une remarquable étude sur L’Esthétique dans les écritures et les arts de l’imprimerie. Il avait participé à l’activité politique et intellectuelle de Marseille, au groupe littéraire Thalasse, dans des journaux et revues : l’Union démocratique d’Aix, la Vie socialiste de Marseille, l’œuvre socialiste de Marseille, l’Avenir social, Massalia, la Vie, la Criée, avec Brion et Jean Giono et, bien entendu, la revue municipale, Marseille. De nombreux manuscrits d’Albert Perrin sont restés inédits.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article125701, notice PERRIN Albert. Pseudonyme : FAYET Jacques par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 9 octobre 2018.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Ouvrages et articles cités.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, V M2/218, M6/3851, M6/10809, M6/10284, XIV M25/48. — Le Petit Provençal, mai 1908, 24 janvier 1909, 27 mars 1911 et 2 janvier 1913. — Indicateur marseillais, 1935. — Les Cahiers du Sud, n° 387-388, 1966 (nécrologie). — Marseille, revue municipale, n° 65, octobre-novembre-décembre 1966 (Iconographie et biographie par A.-Olivesi). — Renseignements communiqués par la femme d’Albert Perrin, par Léon Baudou, par Francis J.-P. Chamant.

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