PHILIPPE André [LIOGIER Claude, Pierre dit]

Par Jean Prugnot, Claude Pennetier

Né le 22 mars 1906 à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire), mort le 29 mars 1965 à Saint-Étienne ; ouvrier métallurgiste, forgeur puis journaliste et écrivain ; rabcor ; militant communiste et syndicaliste.

Fils d’un gérant d’une boulangerie coopérative à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire), établi vers 1909 comme boulanger à La Ricamarie puis encaisseur en 1922 à la compagnie d’électricité « Loire et Centre », Claude Liogier aidait souvent son père à la boulangerie. Il avait un frère. En 1921, pour cause de maladie, son père devint encaisseur à la Compagnie électrique Loire-et-Centre et fut trésorier de son syndicat. Il était antireligieux. Avait-il un lien de famille avec un autre Claude Liogier qui tenait au milieu du XIXe siècle, à Saint-Étienne, la « Buvette prolétaire, au rendez-vous de la Montagne » ?

Claude Liogier entra à l’école pratique de commerce et d’industrie (EPCI) de Firminy d’où il sortit avec son CAP de forgeur à quinze ans et demi. De 1918 à 1921, il fut abonné à la revue de Paul Boncourt, Floréal. Ouvrier aux Aciéries Verdié (devenue Compagnie des Forges et Aciéries de la Loire –CAFL- en 1954, puis Creusot-Loire en 1970, société disparue en 1984), il adhéra, en 1923, au Parti communiste et à la CGTU et fonda, avec un étudiant en chimie, Jean Robin, le groupe des Jeunesses communistes de Firminy qui regroupe 27 jeunes.

Il fit son service militaire comme 1re classe, en 1926, au 13e Bataillon d’ouvriers d’artillerie de Clermont-Ferrand tout en restant en contact avec la Parti communiste et en écrivant chaque semaine dans la Cri du Peuple de Clermont. Son contact dans le Puy-de-Dome était le métallurgiste Gaston Brunstein.

À son retour, il collabora avec Le Cri du Peuple de la Loire et épaula Pétrus Faure lors de la campagne électorale sans s’entendre avec le candidat. Celui-ci n’acceptait pas la tactique classe contre classe et alla jusqu’à traiter Liogier d’imbécile, lors d’une réunion publique, quand il voulut défendre cette politique.

Le 10 mai 1928, « de sa propre autorité », il gagna Paris et travailla aux usines Citroën (Clichy). Voyant qu’il n’y avait pas de cellule, il écrit à l’Humanité et Paul Vaillant-Couturier intéressé par sa prose lui demanda un grand article sur l’usine. Ce fut la première page des correspondants ouvriers (Rabcor). Puis, ayant pris le pseudonyme de André Philippe, il travailla à la SOMUA (Saint-Ouen) et dans le bâtiment comme manœuvre. Le 20 novembre 1928, au titre de correspondant ouvrier, il partit en délégation pour l’URSS au 4e congrès des Rabcors. Ill séjourna en URSS jusqu’au 10 janvier 1929, et, en 1930, entra comme journaliste à l’Humanité le 21 mai 1930, fonction qu’il occupa avec zèle. En février de la même année, Liogier fut délégué avec Berlioz et Servet à la conférence internationale d’agit-prop à Berlin.

Dans son autobiographie du 6 février 1932, il reconnut avoir été « un peu sectaire en tant que dirigeant du sous-rayon de Saint-Ouen »,« j’ai été un peu fort en exigeant des vieux sociaux-démocrates de travailler pratiquement ou de partir ». Cependant il passa d’une cellule de rue animé par de « vieux éléments » à huit cellules dont six d’entreprise.

Il se maria le 7 mai 1931, à Villejuif (Seine, Val-de-Marne) avec une militante polonaise qui était menacée d’expulsion mais ne vécut jamais avec elle, donc un "mariage blanc". Rebecca Zeiligman, était membre du comité du 8e rayon et fréquentait les milieux juifs communistes. Le mariage fut dissout par le Tribunal civil de la Seine le 9 mai 1939. Le 24 octobre 1939, Claude Liogier épousa Catherine, Claudia Granger à Firminy.

En juin 1932, Philippe fut arrêté. L’activité dans les usines des correspondants ouvriers communistes, les « rabcors », dont un certain nombre travaillait dans les arsenaux, était surveillée par la police qui les soupçonnait de recueillir des informations techniques pour les Soviétiques. L’autobiographie de Maurice Martin (RGASPI, 495 270 2222) offre un exemple de sollicitation par Liogier ("il m’a demandé des plans de tracteurs pour l’URSS"). Pourtant, dans son autobiographie de février 1932, Liogier écrivait : « Le groupe a essayé plusieurs fois à obtenir de moi des tuyaux sur les fabrications de guerre avec les rabcors, le dernier fait date du 31 juillet 1931. J’ai averti Thorez qui m’a dit de refuser. Je n’avais d’ailleurs rien entrepris et n’était pas décidé sans l’avis du secrétariat du Parti, surtout que l’affaire Paul n’était pas si vieille ».

La veille d’un nouveau voyage à Moscou où il devait se rendre en mission pour le parti, André Philippe assistait à une réunion de camarades du XVIIIe arr. et de Saint-Ouen et fut arrêté avec le groupe parti coller des affiches. Le réseau des Rabcors fut démantelé (voir aussi Boris Meiler). Cette affaire se situe dans le cadre d’une autre connue comme « l’affaire Fantomas ». Un journaliste de l’Humanité, André Requier, fut longtemps soupçonné d’avoir « mouchardé », mais peu avant la guerre, à la suite d’une enquête menée en France, Léopold Trepper déclara, avoir découvert le véritable indicateur (Cf. G. Perrault, L’Orchestre rouge, Fayard, 1989). Le rôle d’indicateur de Requier, pour le compte de la Préfecture de police, est maintenant confirmé (RGASPI 495 270 81(1), dossier Duclos). Condamné à treize mois de prison en décembre 1932, Philippe écrivit un roman, L’Acier. Après avoir été libéré, il ne retrouva pas immédiatement du travail. En 1934, il réussit à se faire embaucher dans une usine de Châtenois-les-Forges, près de Sochaux, où il participa aux grèves de 1936. De retour à Paris en 1937, il fut employé chez Citroën aux ateliers des forges et fut élu secrétaire de la section syndicale CGT. Il publia son roman L’Acier dans lequel il décrivait le travail et la vie des ouvriers mineurs et fondeurs de la région de Firminy. Le prix « Ciment » qui venait d’être créé lui fut décerné par un jury comprenant Louis Aragon, Claude Aveline, Jean Cassou, H. de Jouvenel, Léon Moussinac et Paul Nizan.

Mobilisé en 1939, Philippe revint à Firminy en 1940. Il entra dans la Résistance, diffusa les Lettres françaises clandestines. En 1944, il reprit le métier de journaliste au Patriote de Saint-Étienne, publia en 1946 Les Constructeurs, monographie sur le bassin industriel de la Loire et, en 1949, Michel Rondet, roman historique dans lequel il retraçait la vie mouvementée du fondateur du syndicat des mineurs de la Loire et de la Fédération nationale des mineurs de France. Il créa la même année, avec un professeur de lycée, le Cercle des lettres françaises (devenu, plus tard, le Cercle des lettres et des arts). A la disparition du Patriote, en 1956, André Philippe eut un passage à vide, retourna à la forge, puis entra à la Tribune républicaine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126065, notice PHILIPPE André [LIOGIER Claude, Pierre dit] par Jean Prugnot, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 juillet 2020.

Par Jean Prugnot, Claude Pennetier

Congrès des "rabcors du monde entier" en 1928. La délégation entoure Maria Oulanova, la sœur de Lénine, Philippe est juste à sa droite sur la photo.

ŒUVRE : L’Acier, roman, ESI, 1937. — Les Constructeurs (monographie), Saint-Étienne, Union départementale CGT de la Loire, 1946. — Michel Rondet, Éd. Hier et Aujourd’hui, 1949.

SOURCE : Correspondances de Madame Catherine Liogier et de Jean Merle. — RGASPI, 495 270 4945, dossier du Komintern, autobiographie du 6 février 1932. — État civil. — Documents iconographiques fournis par Jean Vigouroux.

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