PHILIPPI Mathieu (Mathias). Parfois PHILLIPPI

Par Pierre Schill

Né le 4 août 1883 à Forbach (Lorraine annexée), mort le 16 décembre 1960 à Forbach (Moselle) ; mineur et délégué mineur à la sécurité aux Houillères de Petite-Rosselle (Moselle) ; secrétaire de la section de Forbach (Moselle) du Syndicat des ouvriers mineurs de Lorraine CGT au lendemain de la Grande Guerre puis vice-président de la section de Forbach du Syndicat unitaire des mineurs après la scission ; militant socialiste ; trésorier puis secrétaire de la cellule communiste de Forbach après la scission et secrétaire du rayon de Forbach du Parti communiste ; conseiller municipal de Forbach.

Fils de Mathieu Philippi, ouvrier verrier sarrois, et de Joséphine née Brosic, une lorraine, marié, Mathieu Philippi entra en 1903 aux Houillères de Petite-Rosselle (Moselle), propriété de la famille de Wendel. Il fut mobilisé pendant la Première Guerre mondiale dans l’armée allemande du 1er août 1914 au 16 octobre 1917.

Il tenta au lendemain de la guerre de faire l’unité entre les mineurs allemands et lorrains. C’est notamment à cette fin qu’en mars 1919, il se rendit, avec Friedrich Bannwarth*, à une réunion « spartakiste » en Rhénanie.

Il participa activement aux grèves qui touchèrent les houillères lorraines au printemps et à l’été 1919. Il fut l’un des principaux animateurs de ces luttes qui permirent aux mineurs de charbon d’obtenir des augmentations de salaires et la reconnaissance officielle par les houillères de leurs organisations syndicales. Ces grèves permirent aussi au syndicat des mineurs CGT, dont il était un des leaders à Forbach, de s’implanter durablement dans le bassin houiller lorrain.

A la mi-décembre 1920, il présida, en sa qualité de secrétaire syndical, une réunion organisée à Forbach par la Fédération socialiste de Moselle. Ces rencontres furent organisées dans le cadre des discussions sur l’adhésion à la Troisième internationale. Le principal orateur du rassemblement, Émile Béron*, se prononça en faveur de l’adhésion.

En août 1921 le commissaire spécial de Forbach le décrivait comme un militant modéré et réfléchi. Il précisait dans un rapport que ses tendances politiques étaient « internationalistes modérées » et « son attitude générale relativement correcte ».

Il représenta la cellule communiste de Forbach au congrès départemental du Parti communiste qui eut lieu les 8 et 9 octobre 1921 à Merlebach (Moselle). Entre cinquante et soixante délégués représentaient l’ensemble des communistes mosellans.

Mathieu Philippi fut un des principaux dirigeants de la grève des mineurs de charbon mosellans entre le 8 février et le 4 avril 1923. Il était alors le président de la section de Forbach du Syndicat unitaire des mineurs. Il anima plusieurs réunions publiques organisées par les syndicats de mineurs au cours de la grève. Demandant que les grévistes fassent un geste de solidarité financière avec les mineurs congédiés il assura que s’il était lui même renvoyé, il irait « se faire technicien à l’électricité » en Russie. Il fut un bref moment rayé des listes de la houillère pour faits de grève mais fut assez vite réembauché.

Il fut élu, le 13 mai 1923, délégué titulaire à la sécurité des ouvriers mineurs (Sicherheitsmann) de la circonscription Simon des Houillères de Petite-Rosselle. Il fut constamment réélu jusqu’en 1939.

En mai 1925 Mathieu Philippi fut candidat aux élections municipales de Forbach. Sur les dix-huit mineurs candidats à ce scrutin il fut le seul à être élu. Candidat sur la liste du Bloc ouvrier et paysan présenté par le parti communiste, il obtint au premier tour 598 voix sur 1 917 suffrages exprimés pour 1 961 votants sur 2 218 électeurs inscrits. Il obtint au second tour 886 voix sur les 1 904 suffrages exprimés. Il fut réélu aux élections municipales partielles de mai 1927, aux élections générales de mai 1929.

En juillet 1925 il fut candidat aux élections cantonales dans le canton de Forbach. Il fut battu par Louis Couturier et obtint 634 voix sur 3 422 suffrages exprimés pour 3 476 votants et 8 706 électeurs inscrits.

Du 16 au 22 novembre 1927 une grève générale toucha les Houillères de Petite-Rosselle notamment pour des désaccords entre la direction et les mineurs sur l’organisation du travail. La grève fut déclenchée par le Syndicat des ouvriers mineurs (CGTU) après que quarante-quatre mineurs, avec à leur tête Joseph Fousse*, ont été licenciés par la direction pour avoir refusé de participer à la nouvelle réglementation de la descente. Le comité de grève animé notamment par Lucien Witz, Victor Doeblé, Henri Luxemburger* et Mathieu Philippi vota la reprise du travail dans la soirée du 21. Cette grève se solda par un échec s’expliquant par l’importance du stock de charbon dont disposait la houillère et la volonté de la direction des houillères de Wendel de ne discuter des licenciements qu’après la reprise du travail. Mathieu Philippi anima plusieurs réunions publiques de soutien aux grévistes et participa à la tentative de conciliation qui échoua le 17 novembre à la sous-préfecture de Forbach. Il fut verbalisé par les autorités administratives en tant qu’organisateur de la manifestation et du meeting de Forbach du 21 novembre.

Dans le Klein-Rosseler Kumpel du 15 novembre 1930, Mathieu Philippi signait une lettre ouverte à M. Leharle, directeur des Houillères de Petite-Rosselle, dans laquelle il attaquait durement la politique économique et sociale de la famille de Wendel, propriétaire de la mine.

Il participa, les 18 et 19 avril 1931 à Saint-Avold (Moselle), au congrès départemental de la CGTU. Il fut chargé du rapport financier.

Le congrès communiste de Forbach, réuni au café Bach le 26 mars 1932, le désigna comme candidat communiste aux élections législatives dans la circonscription de Forbach. Mathieu Philippi anima, le 23 avril 1932 à Stiring-Wendel, une réunion publique dans le cadre de la campagne électorale pour les élections législatives. Il justifia sa candidature contre le député sortant Victor Doeblé*. Le soir même il anima un autre meeting contradictoire à Forbach. Il fut donc candidat du Parti communiste aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932 dans la circonscription de Forbach où il était opposé notamment à Victor Doeblé et au « chrétien social » Nicolas Meyer, secrétaire du syndicat des mineurs CFTC. Il ne réussit pas à inquiéter le député sortant, ancien membre du Parti communiste. Il recueilli seulement 907 voix (7,9 % des suffrages exprimés) au premier tour pour n’en conserver que 380 (3,1 % des suffrages exprimés) au second tour remporté par Victor Doeblé.

Il participa, le 20 février 1933 à Stiring-Wendel, à la réunion organisée par les trois syndicats de mineurs CGTU, CGT et UGB. Il s’agissait de rendre compte à quatre-vingts mineurs des négociations intersyndicales menées depuis le mois de janvier 1933 dans le but de créer un comité d’action chargé d’organiser un front unique du mouvement ouvrier dans les mines de charbon lorraines. Les orateurs des trois syndicats justifièrent la création de ce comité au début du mois de février par la gravité de la situation économique et la nécessité d’opposer une action unitaire au patronat charbonnier.

Candidat communiste, il représentait la gauche, le 7 octobre 1934, dans le canton de Forbach pour le renouvellement du conseil d’arrondissement de Forbach. Il obtint 1 475 voix sur 4 602 suffrages exprimés pour 11 257 électeurs inscrits et ne fut donc pas élu.

Philippi se présenta, le 5 mai 1935 aux élections municipales à Forbach. La gauche était divisée entre la liste « indépendante » menée par le député Victor Doeblé et celle qu’il menait avec le socialiste Édouard Waghemaecker*. Il obtint 521 voix sur 2 163 suffrages exprimés pour 2 196 votants et 2 657 électeurs inscrits. Son résultat fut le meilleur de sa liste mais il ne fut pas élu et la division de la gauche permit la réélection du maire sortant Paul Harter.

Il anima, le 1er mars 1936 à Forbach, une réunion privée de dix dirigeants communistes de Moselle chargés d’organiser les prochaines élections législatives. Mathieu Philippi joua un rôle actif lors des grèves du Front populaire en mai et juin 1936. Il anima les grèves du mois de juin 1936 et participa notamment à la manifestation du 14 juin à Forbach qui rassembla près de 5 000 persones. Il prit ensuite la parole devant deux mille grévistes réunis à la salle Caspar. La lutte ouvrière s’acheva, le 18 juin au soir, par une grande manifestation réunissant les dirigeants syndicaux et mille cinq cents mineurs accompagnés de leurs femmes et enfants. Le cortège, précédé des drapeaux rouge et tricolore, de cyclistes et de musiciens, se dirigea joyeusement vers l’auberge Baltes de Petite-Rosselle.

Philippi fut à l’origine, au nom de la cellule de Forbach du Parti communiste, de l’organisation de la manifestation du 14 février 1937 qui célébrait le troisième anniversaire de la manifestation antifasciste du 12 février 1934. Cette initiative fut prise de manière conjointe par les responsables locaux de la SFIO, CGT et du Parti communiste.

Il fut candidat aux élections complémentaires du 25 juillet 1937 au conseil d’arrondissement de Forbach pour le canton de Forbach. Candidat communiste, il obtint au premier tour 1 258 voix sur 6 015 suffrages exprimés pour 6 099 votants et 11 956 électeurs inscrits et arriva en troisième position derrière le candidat conservateur et le candidat SFIO, Georges Schuler qui rassembla 1 921 voix. Au second tour Mathieu Philippi ne se représenta pas rendant ainsi possible la victoire de l’adjoint au maire socialiste de Petite-Rosselle.

Son nom figurait dans le compte rendu d’interrogatoire d’Alphonse Rieth arrêté par la Gestapo en octobre 1940. Le secrétaire général du Syndicat confédéré des mineurs de Moselle y décrivait dans le détail les structures de la CGT mosellane. Mathieu Philippi était présenté comme militant communiste et comme l’un des principaux dirigeants du syndicat. Il fut expulsé par les nazis le 21 novembre 1940.

De retour en Moselle, Mathieu Philippi recommença à militer au lendemain de la guerre. Il fut élu au conseil municipal de Forbach lors des élections des 23 et 30 septembre 1945 en obtenant au second tour 1 674 voix sur 3 377 suffrages exprimés. Il se présentait sur la liste d’Entente républicaine et antifasciste et avait obtenu au premier tour 1 205 voix sur 2 974 suffrages exprimés pour 3 413 votants et 4 340 votants. Il fut réélu aux élections municipales d’octobre 1947 et d’avril 1953 mais battu aux élections de mars 1959.

Il anima en juin 1947 la grève qui toucha les houillères mosellanes. Il mena avec Pierre Muller (voir ce nom) le cortège de cinq à six mille mineurs qui se rendit le 26 juin 1947 à la sous-préfecture de Sarreguemines (Moselle).

En mars 1953, Mathieu Philippi était directeur de la publication du journal Der Kumpel (« Le camarade », organe de la Fédération régionale des mineurs CGT de la Moselle). C’est seulement en juin 1960, quelques mois avant sa mort alors qu’il était âgé de 77 ans, qu’il abandonna son titre de directeur de la publication du Kumpel.
Au milieu des années cinquante, Mathieu Philippi était encore directeur de la publication de la presse régionale de la CGT éditée à Strasbourg (Bas-Rhin).

Mathieu Philippi était l’une des figures les plus importantes du mouvement ouvrier dans les mines de charbon lorraines de 1920 à la fin des années cinquante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126085, notice PHILIPPI Mathieu (Mathias). Parfois PHILLIPPI par Pierre Schill, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 1er septembre 2014.

Par Pierre Schill

SOURCES :
Archives départementales de la Moselle : 301 M 75, 76, 77, 78 et 82 ; 303 M 56, 75, 76, 111 et 151 ; 304 M 76 ; 10 S 20, 23, 28, 33, 38 et 41 ; 145 W 28 ; 151 W 149 ; 1330 W 263, 265 et 266 ; 23 Z 5, 6 et 7. — Archives des Houillères du Bassin de Lorraine : Vt53-B3 ; Vt233-B128 ; Vt323-B10, B12, B13, B15, B20, B25 et B26 ; Vt421-B40 ; dossier personnel ; registre des renvois sans préavis du 1er décembre 1918 au 31 décembre 1923. – Volkstribüne, 5 mai 1925. — Metzer Freies Journal, 16 juin 1936. — Le Républicain Lorrain, 28 avril 1953. — Le Courrier de Metz, 10 mars 1959. — Archives du Syndicat régional des mineurs CGT de Merlebach (Moselle) : Der Kumpel (« organe bi-mensuel de la Fédération régionale des mineurs de la Moselle ») du 15 décembre 1955. — Etat-civil et archives de la commune de Forbach (Moselle) : renseignements fournis par Jean-Claude Flauss. — Lothringer Volkszeitung, 15 novembre 1930. — Der Klein-Rosseler Kumpel, 15 novembre 1930. — Metzer Freies Journal, 7 mai 1935. — Gérard Diwo, Le communisme en Moselle (1925-1932) à travers les élections législatives d’avril 1928 et de mai 1932, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1983, 176p. — Didier Kompa, La formation du Front populaire en Moselle, 1934-1936, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1985, 173p. — Pierre Schill, Les grèves de l’immédiat après-guerre dans les mines de charbon de Moselle, 1918-1919, mémoire de DEA d’histoire sous la direction de Serge Wolikow, Université de Bourgogne, 1997, 277p. et 34 p. d’annexes. — Luitwin Bies, Gestapo contra CGT Lothringen. Die Auskünfte des Alphonse Rieth von 1940, Saarbrücken, VVN-Bund der Antifaschisten, Landesverband Saar, 2000, 27 p.

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