PICARD Jeanne, Marie, Lucienne née AUBERT Jeanne

Par Claude Pennetier

Née le 6 décembre 1909 à Vaux-sur-Poligny (Jura), morte le 13 janvier 2003 à Mirabel-aux-Baronies (Drôme) ; employée ; première jociste et première secrétaire générale de la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine (JOCF) de 1928 à 1940 ; Membre du Conseil économique (1951-1974).

Fille d’artisan forgeron, Jeanne Aubert fit des études primaires avant d’entrer dans la vie professionnelle en 1924. Elle travailla successivement dans une épicerie, dans une entreprise de tissage, puis comme dactylo-facturière dans une grande fabrique de savon et de bougies à Clichy. Durant plusieurs mois elle milita aux jeunesses syndicalistes CFTC.

Le hasard fit que, dans un bureau voisin de cette fabrique de Clichy, travaillait le jeune comptable Georges Quiclet, délégué syndical CFTC, un proche du vicaire de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Clichy, l’abbé Georges Guérin, le fondateur de la JOC française. Or, en 1927, Georges Quiclet, se rendant en Belgique pour rencontrer la JOC belge, fit la connaissance des premières responsables de la JOC féminine qui le convainquirent de mettre en place une organisation similaire en France.

Quiclet sollicita Jeanne Aubert, pensant qu’elle pouvait entreprendre la création de la JOCF dans sa paroisse de N. D. Auxiliatrice de Clichy. Elle accepta de se rendre auprès de l’abbé Guérin qui lui expliqua son projet de JOCF et la chargea de recruter quelques jeunes travailleuses de sa paroisse.

Un premier groupe se créa ainsi — avec l’aide de l’abbé Pluyette, vicaire à N. D. Auxiliatrice —, se consacra à l’étude du manuel de la JOC et mena, comme les garçons, ses premières enquêtes sur les conditions de vie de la jeunesse ouvrière de Clichy. Mais, craignant que la JOCF ne puisse s’organiser et vivre, l’abbé Pluyette conseilla à ce premier groupe de porter le nom de « pâquerettes ». Mais, le 22 février 1928, la secrétaire générale de la JOCF belge, Nelly Dutrieux, leur rendit visite et reconnut les françaises comme d’authentiques jocistes. Malgré les oppositions des patronages et avec le soutien de l’abbé Guérin et de la JOC la cérémonie officielle de l’affiliation des vingt-cinq premières jocistes eut lieu le 26 février 1928 en présence de trente-deux jeunes travailleuses de Clichy.

Jeanne Aubert devint la première présidente locale, secondée par Germaine Gautier, secrétaire, et Marcelle Guillory, trésorière. Après l’affiliation de Clichy, d’autres sections jocistes se mirent en place dans la région parisienne et l’organisation d’une fédération s’avéra nécessaire, avec un conseil fédéral dont Jeanne Aubert assura la présidence à partir de mai 1928.

Devant le succès grandissant de la JOCF à travers tout le pays, l’abbé Guérin demanda en juillet 1928 à Jeanne Aubert de devenir la secrétaire générale permanente du jeune mouvement. Elle accepta sous condition de travailler au préalable pendant trois mois comme ouvrière d’usine. Elle se fit ainsi embaucher dans trois grandes usines métallurgiques de la région parisienne.

Jeanne Aubert fut secrétaire générale de la JOCF de 1928 à 1940. Dès les première années, la JOCF s’était déployée dans quelque deux cents sections locales, regroupant environ six mille jeunes travailleuses. Rapidement le mouvement s’implanta dans tous les départements de France et d’Afrique du Nord. Le premier journal imprimé, la Jeunesses ouvrière féminine, parut en novembre 1928, tirant à 6 000 exemplaires pour atteindre 28 000 exemplaires fin 1929, 45 000 en 1930 et 180 000 en 1939. Avec une importante équipe de dirigeantes nationales et de permanentes, Jeanne Aubert fut une des organisatrices du grand congrès du 10e anniversaire de la JOC qui rassembla 80 000 participants JOC-JOCF au Parc des Princes de Paris en juillet 1937.

En novembre 1939, après son départ de la JOCF, Jeanne Aubert entra à la Ligue ouvrière chrétienne (LOC) fondée par d’anciens et d’anciennes jocistes.

Selon le témoignage de Jeanne Aubert, en juillet 1940, l’abbé Guérin lui demanda de « représenter la JOCF aux réunions du secrétariat d’État à la Jeunesse, de Vichy, avec mission de veiller à ce que le gouvernement de Vichy ne tente pas d’organiser en France une jeunesse unique, à la manière allemande ». Avec la JOCF elle proposa la création de Centres de jeunes chômeuses qui se multiplièrent rapidement dans toute la zone sud. Avec la participation de membres de la JEC, Guides et JICF Jeanne Aubert fonda trois écoles de cadres pour la formation des responsables des centres de jeunes chômeuses de la zone sud.

Le 6 mai 1941 à Lyon (Ve arr.), Jeanne Aubert se maria avec François Picard, ancien vice-président national de la JOC Ils eurent quatre enfants. Dès son mariage, elle milita au Mouvement populaire des familles (MPF), nouvelle appellation de la LOC. En 1942, elle lança dans la banlieue lyonnaise, les « Aides familiales du milieu populaire » et, avec une ancienne dirigeante jociste, Reine Platre, elles organisèrent en 1943 la première École de formation des aides familiales du MPF.

En 1950, Jeanne Picard fut élue membre du conseil d’administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et membre du Conseil économique et social où elle resta jusqu’en 1974.

Entre-temps, de 1958 à 1962, Pierre Sudreau, ministre du Logement et de l’Urbanisme, l’appela à son cabinet, comme chargée de mission : « pour y exprimer le désir des mères de familles en matière de logement. » Dans cet esprit elle présenta plusieurs maisons ou logements « modèles », comme « l’appartement-référendum » au salon des Arts ménagers de 1959.

Représentante de l’UNAF à l’Union fédérale des consommateurs (UFC) depuis sa fondation en 1951, Jeanne Picard devint, en 1965, présidente de cette association et directrice de la revue Que choisir dont elle assura le développement.

En 1974, Jeanne Picard-Aubert prit sa retraite tout en restant active dans le domaine familial.

En 1990, avec la collaboration de huit cents témoins-acteurs de l’époque, elle publia aux Éditions ouvrières, sous le titre JOC, qu’as-tu fait de nos vies ? un ouvrage sur la vie et l’action de la JOCF de 1928 à 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126146, notice PICARD Jeanne, Marie, Lucienne née AUBERT Jeanne par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Pierre Pierrard, Michel Launay, Rolande Trempé, La JOC. Regards d’historiens, Éd. ouvrières, 1984. — Renseignements fournis par Jeanne Picard. — Etat civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable