Par Jean-Pierre Besse, Didier Bigorgne
Né le 24 septembre 1905 à Deville (Ardennes), mort le 25 novembre 1965 à Deville ; ouvrier tôlier ; syndicaliste, militant communiste et résistant à Bordeaux (Gironde) ; trésorier de l’UD-CGTU des Ardennes (1934-1936), puis de l’UD-CGT (1936-1939) ; secrétaire de l’UD-CGT des Ardennes (1944-1949) ; membre du bureau de la Région communiste des Ardennes (1933-1939) ; maire de Deville (1934-1940, puis 1944-1965) ; conseiller général des Ardennes (1936-1940, puis 1945-1949).
Clément Pierlot était le fils de Rodolphe Emile Pierlot, employé de bureau dans une fonderie, et d’Emilie Louise Caniard, sans profession. Pendant la Première Guerre mondiale, il resta avec sa famille dans les Ardennes occupées et travailla dès l’âge de douze ans. Aîné de quatre enfants, Clément Pierlot ne put reprendre les études en 1918. Il fut d’abord apprenti en tôlerie dans une usine de Deville. Plus tard, il travailla dans diverses localités de la vallée de la Meuse (à Nouzonville, à Revin, à Monthermé), mais il fut régulièrement renvoyé pour son activité militante Ce fut toutefois à Deville qu’il exerça le plus souvent son métier d’ouvrier tôlier. Le 19 avril 1924, il y épousa Marie Louise Gillard, sans profession ; qui lui donna une fille.
Clément Pierlot adhéra très jeune à la CGTU et au Parti communiste. Il mena son premier grand combat en 1925, contre la guerre du Rif. Après la crise du syndicalisme unitaire des années 1927-1929, le congrès des usines tenu en février 1930 marqua un renouveau en lançant l’idée d’une campagne revendicative : Pierlot s’y fit remarquer par sa connaissance approfondie des questions de la métallurgie. À partir de 1929, il publia aussi des rapports précis sur les usines de Deville signés Raymond Kardoff ou K.R, dans L’Exploité, journal de la Région communiste du Nord-Est (Aisne, Ardennes et Marne). En 1930, il devint trésorier du syndicat unitaire de la métallurgie des Ardennes.
En octobre 1931, Clément Pierlot représenta, pour la première fois, le Parti communiste à une élection, celle pour le Conseil général dans le canton de Monthermé :il échoua au premier tour en obtenant 750 voix sur 4650 inscrits et 3343 votants. Aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932, il fut le candidat de son parti dans la circonscription de Rocroi. Il recueillit 999 voix sur 13643 inscrits et 11754 votants au premier tour Il se maintint au second tour et obtint 336 voix sur 11992 votants ; le socialiste républicain Pierre Viénot* fut alors élu député.
Avec la crise économique qui frappa durement la vallée de la Meuse, la commune de Deville comptait soixante-quatre chômeurs en 1934. Clément Pierlot organisa un comité local de chômeurs dont il devint le secrétaire. Il porta aussitôt la lutte sur le terrain politique en remettant au conseil municipal de Deville un cahier de revendications, approuvé par les cinq élus communistes mais refusé par la majorité socialiste. Après la démission des conseillers municipaux communistes, puis leur réélection, les onze élus socialistes démissionnèrent à leur tour. Les nouvelles élections donnèrent la victoire à la liste PCF : Clément Pierlot devint maire de Deville le 10 juin 1934. Avec André Compain*à Levrézy, il était le deuxième maire communiste des Ardennes.
Par contre, le succès ne fut pas au rendez-vous le 7 octobre suivant à l’élection pour le Conseil d’arrondissement dans le canton de Monthermé : Clément Pierlot échoua de justesse en obtenant 1184 voix sur 4685 voix sur 5685 inscrits et 2699 votants contre 1371 voix au conseiller sortant et maire socialiste de Château-Regnault, Léon Bosquet*, qui fut réélu.
À la fin de l’année 1934, Clément Pierlot cumulait les responsabilités politiques et syndicales. Il était membre du bureau de la Région communiste des Ardennes depuis 1933 (fonction qu’il conserva jusqu’au 26 septembre 1939) et du comité départemental de coordination PCF-SFIO, trésorier général adjoint du comité départemental antifasciste, trésorier général de l’UD-CGTU des Ardennes, secrétaire-trésorier du syndicat régional unitaire de la métallurgie, membre du comité départemental des chômeurs.
Clément Pierlot fut l’un des organisateurs de la ’’ marche de la faim ’’ des 22 et 23 février 1935. Le 22, au point de rassemblement de Deville, il conduisit la manifestation, ceint de son écharpe tricolore, jusqu’à Nouzonville où il prit la parole. Le lendemain, il était toujours à la tête du cortège devant la préfecture des Ardennes et essuya les charges de la police. Avec André Compain*, Camille Génon* et Pierre Lareppe*, il fut condamné, le 28 mars suivant, en audience de simple police ; à trois francs d’amende pour avoir enfreint l’arrêté préfectoral du 30 janvier 1935 qui interdisait la manifestation.
Aussi, Clément Pierlot fut délégué, avec Jules Fuzellier*, Marcel Fraison* et Pierre Taillard*, au 8e congrès national de la CGTU qui se déroula du 24 au 27 septembre 1935 à Issy-les-Moulineaux.
Le 19 janvier 1936, Clément Pierlot participa au congrès de fusion départemental CGT-CGTU à Charleville : il fut élu trésorier de l’UD-CGT réunifiée. Avec les grèves de 1936, il devint permanent de l’Union départementale. Le 24 juin, avec Ambroise Croizat* de la Fédération des Métaux, les cégétistes Camille Génon* et André Compain*, Jules Périn* président de l’UD-CFTC, il fit partie de la délégation ardennaise qui négocia la convention collective de la métallurgie au ministère du Travail ; il fallut deux jours pour arracher aux délégués patronaux Faure et Vicaire un salaire de base de quatre francs.
Clément Pierlot, réélu maire de Deville en 1935, fut de nouveau le candidat du Parti communiste dans la circonscription de Rocroi aux élections législatives d’avril-mai 1936 : il obtint 1664 voix sur 13736 inscrits et 11625 votants au premier tour, et se désista au scrutin de ballottage pour Pierre Viénot * qui fut réélu. Après le décès du conseiller général socialiste Emile Jevais*, il se présenta à l’élection partielle des 30 août et 6 septembre 1936 dans le canton de Monthermé : il fut élu conseiller général au premier tour avec 1687 voix sur 4634 inscrits et 3065 votants. Au scrutin des 10 et 17 octobre 1937, il arriva en tête au premier tour avec 1711 voix ; il fut réélu au second tour en rassemblant 2211 voix sur 3692 votants.
Le 13 juin 1938, Clément Pierlot représenta la CGT à la commission départementale paritaire de conciliation des conflits du travail composée à nombre égal d’employeurs et d’ouvriers et placée sous la présidence du préfet des Ardennes. Après la signature des accords de Munich qu’il dénonça, il participa à la campagne de pétition qui suivit. À partir de la grève du 30 novembre 1938, il fut à l’avant-garde de la lutte contre la menace nazie. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, Clément Pierlot reçut une lettre du secrétaire de l’UD-CGT, Camille Génon*, qui lui demandait de le désavouer. Il n’y répondit pas et fut exclu de la CGT. En janvier 1940, il fut déchu de ses fonctions de maire et de conseiller général par le gouvernement français.
Bien qu’inscrit sur le carnet B des Ardennes depuis le 25 juin 1934, Clément Pierlot fut mobilisé en septembre 1939. Il rejoignit son unité à Bonifacio (Corse), avec le grade de sergent. Démobilisé, il retrouva sa famille réfugiée à Bordeaux. Il travailla à l’usine Peugeot de Mérignac. Engagé dans la Résistance, il participa à la libération de Bordeaux. Il fut l’un des treize membres du comité provisoire de réorganisation des syndicats créé le 28 août 1944, et fut chargé de réorganiser la fédération départementale des Métaux, Claude Courribault* assurant la trésorerie. Il fut aussi membre du Comité départemental de Libération de la Gironde, y représentant la CGT avec Bertrand Pinsolle*, et de la délégation municipale de Bordeaux.
De retour dans les Ardennes en décembre 1944, Clément Pierlot retrouva son poste de maire à Deville. Le 23 décembre, il fut élu secrétaire de l’UD-CGT des Ardennes ; il remplit cette fonction jusqu’au 23 avril 1949. Délégué du syndicat des Métaux des Ardennes, il continua de siéger au bureau de l’Union départementale jusqu’en 1951. Dans le même temps, il fut membre du comité fédéral du Parti communiste des Ardennes jusqu’au 19 mars 1950.
Aux élections municipales d’avril-mai 1945, Clément Pierlot conduisit de nouveau la liste communiste à la victoire. Il fut réélu maire de Deville et le demeura jusqu’en mars 1965. Le 23 septembre 1945, il fut aussi réélu conseiller général pour le canton de Monthermé dès le premier tour en obtenant 3245 voix sur 8378 inscrits et 6387 votants. Il devint vice-président du Conseil général des Ardennes et membre de la commission départementale. Enfin, le 21 octobre suivant, Clément Pierlot figura en quatrième position sur la liste du PCF pour l’élection à l’assemblée constituante ; avec 37863 voix sur 149484 inscrits et 121299 votants, le Parti communiste devint le premier parti politique des Ardennes qui eut deux élus, Pierre Lareppe* et Jules Mouron*.
Clément Pierlot perdit son siège de conseiller général lors des élections cantonales des 20 et 27 mars 1949. Arrivé en tête au premier tour avec 2712 voix sur 8410 inscrits et 6255 votants, il recueillit 2871 voix sur 6729 votants ; il fut nettement battu par le socialiste René Hugot* qui bénéficia en sa faveur du désistement du candidat MRP.
Après cet échec, Clément Pierlot se consacra à la vie de sa commune. Il fut à la fois secrétaire de la cellule communiste de Deville, président de la société coopérative ’’La Fraternelle’’ et responsable local du Mouvement de la paix. Il présida aussi les triages forestiers des Mazures, Renwez et Harcy pendant de nombreuses années.
La défaite aux élections municipales de mars 1965 affecta Clément Pierlot . Sa dernière contribution au mouvement ouvrier fut sa participation à une réunion des anciens de la CGT pour préparer l’exposition célébrant le 70e anniversaire de la CGT à Charleville. Clément Pierlot mourut d’une crise cardiaque ; ses obsèques civiles eurent lieu à Deville le 28 novembre 1965, l’après-midi du vernissage de l’exposition, sans aucun discours comme il l’avait souhaité.
Une rue de Deville porte aujourd’hui le nom de Clément Pierlot.
Par Jean-Pierre Besse, Didier Bigorgne
SOURCES : Arch. Nat. F7/13130. — Arch. Dép des Ardennes, 1M 15, 20 et 25 ; 3M 5 à 9.— L’Exploité du Nord-Est, 1929 à 1934. — L’Exploité des Ardennes, 1935 à 1939.— Liberté, 1945 à 1952.— L’Ardenne syndicale, novembre 1965. — L’Ardennais, 27-28 novembre 1965. — Presse locale. — DBMOF, notice par Henri Manceau. —Aperçu d’histoire sociale en Aquitaine, n° 70, 3e trimestre 2003. — Notes de Jean-Pierre Besse. — Renseignements fournis par le frère de l’intéressé. — État civil de Deville.