PIERRARD André, Jean. Pseudonymes : Vincent puis Pierre

Par Jacques Girault, Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau

Né le 3 octobre 1916 à Cousolre (Nord), mort le 26 juin 1997 à Cousolre ; instituteur ; militant communiste ; résistant ; conseiller municipal de Lille, de Dunkerque et de Saint-Pol-sur-mer ; député du Nord ; membre du comité central du PCF.

André Pierrard
André Pierrard
Député communiste du Nord

Le père d’André Pierrard était ouvrier forgeron selon l’état civil, ajusteur selon son témoignage, « ajusteur monteur marbreur » et communiste, selon le questionnaire biographique rempli par Pierrard pour le Parti communiste français ; sa mère, sans profession à sa naissance, était devenue polisseuse de marbre. Il fut baptisé et fit sa communion comme le souhaitait sa mère et, très vite, sous l’influence de son père, il s’était « senti athée ».

Elève de l’école primaire supérieure de Bavay, Pierrard entra à l’École normale d’instituteurs de Douai en 1932 et en sortit instituteur, nommé à Roubaix en 1935. En 1934, à l’ENI, il adhéra au Syndicat unitaire de l‘enseignement et participa aux groupes de discussion entre normaliens. Les événements de 1934 entraînèrent sa participation au mouvement antifasciste Amsterdam-Pleyel. Diffuseur des Cahiers du contre-enseignement prolétarien et du journal Monde, il ne fut pas admis, en raison de son engagement politique, dans l’année de préparation à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Il bénéficia pourtant d’une bourse d’étude en Suisse, sans doute pour prendre contact avec les méthodes pédagogiques nouvelles.

En octobre 1935, membre des Amis de l’Union soviétique, il adhéra aux Jeunesses communistes et l’année suivante, fut élu au bureau fédéral de cette organisation, tout en étant secrétaire du rayon puis de la section des JC de Roubaix. Après un très court service militaire dans un régiment de zouaves à Alger en 1937, il fut réformé, et revint dans l’enseignement en 1937-1938 à Maubeuge-sous-le-Bois, puis fut détaché comme maître de cours complémentaire (section Lettres) à Maubeuge. Il donna alors son adhésion au Parti communiste et devint secrétaire de la cellule de Cousolre puis de la section de Jeumont.

Membre du Syndicat national des instituteurs, André Pierrard fut gréviste le 30 novembre 1938 et sanctionné de huit jours de retenue de salaire. Il indiquait dans le questionnaire biographique du PCF avoir été membre du conseil syndical de la section départementale du SNI en 1938-1939 mais dans son témoignage en 1977, il répondait négativement à cette question. Pendant l’été, avec ses amis de l’équipe Aventure, il parcourait la France à bicyclette et en 1939, fut père-aubergiste à Barret de Lioure (Drôme).

Il se maria uniquement civilement le 27 janvier 1940 à Cousobre avec Marcelle, Blanche Farot, ouvrière miroitière, fille d’un manœuvre, bûcheron ou métallurgiste, communiste.

André Pierrard, en février 1940, fut déplacé dans les Flandres à Bailleul-la-Brèche puis à Saint-Jans-Cappel (Nord), sanction disciplinaire à la suite de ses activités communistes dans le bassin de la Sambre.

Après la défaite française, à la fin de septembre 1940, il reforma un petit noyau communiste à Jeumont. Le 3 octobre 1941, il fut révoqué de l’enseignement public non pour des raisons politiques mais comme fils de Belge, en vertu de la loi de Vichy du 17 juillet 1940. Il trouva quelque temps un travail de « correspondancier » aux Glaceries de Boussois. Dés lors, il put se consacrer davantage à l’action politique. En octobre 1941, il devint responsable O du secteur de Maubeuge. En décembre 1941, il remplaça comme responsable P (« politique ») du bassin de la Sambre l’instituteur Willy Dubois (voir Famille Dubois*) qui prit la direction du Secours populaire dans le Pas-de-Calais. En avril 1942, [Louis Lallemand-<50532] le désigna comme « politique » du Valenciennois, responsabilité qu’il conserva jusqu’en juillet 1943. Pierrard passa dans l’illégalité sous le pseudonyme de « Vincent », lança en août 1942 dans le Valenciennois le Front National et fonda avec Léon Houpe l’organe de presse Front National clandestin, Le Valenciennois patriote.

En juillet 1943, André Pierrard fut nommé « politique » du département du Pas-de-Calais, pseudonyme « Pierre » et devint membre du comité départemental de libération du Pas-de-Calais à la fin de l’année.

À la Libération, premier rédacteur en chef puis directeur du quotidien communiste Liberté, rédacteur àl’Humanité au service propagande, il fut élu en mai 1945, conseiller municipal à Lille, adjoint au maire, délégué aux Beaux-Arts. À Dunkerque ensuite, tête de la liste communiste, il fut élu conseiller municipal en 1947, puis en 1953 à Saint-Pol-sur-mer où il habitait désormais. En raison de sa surcharge en responsabilités, il négligea cette responsabilité locale.

Après avoir été candidat aux deux élections de l’Assemblée nationale constituante sur les listes communistes (en sixième position en octobre 1945 puis en cinquième en juin 1946), André Pierrard fut élu député de la première circonscription du Nord (Dunkerque) le 10 novembre 1946. Il participa aux commissions de la presse puis, à partir de 1947, aussi à celle de la marine marchande et des pêches. De 1949 à 1951, s’ajoutèrent la commission des immunités parlementaires dont il fut un des rapporteurs, et en 1949, la commission de la justice et de la législation. Il intervint souvent à la tribune sur divers sujets. Secrétaire du groupe parlementaire communiste, en 1947, il fit partie de la délégation du groupe parlementaire d’amitiés franco-britannique. Réélu le 17 juin 1951 à la tête de la liste communiste, il fut inscrit aux commissions de l’Éducation nationale, de la reconstruction (à partir de 1953), des dommages de guerre, des immunités parlementaires, du suffrage universel, du règlement et des pétitions. Le 2 janvier 1956, il fut à nouveau élu et devint vice-président de la commission de l’Éducation nationale. Il siégea aussi à la commission des immunités parlementaires. Il fut battu en 1958 dans la onzième circonscription (Dunkerque) avec 10 142 voix puis 9 416 sur 75 416 inscrits, son maintien n’empêchant pas l’élection du député socialiste sortant Denvers, arrivé largement en tête au premier tour.

Membre du bureau de la fédération Nord-maritime du Parti communiste français, il participa à l’école centrale de trois mois à Arcueil en 1946 puis à celle d’un mois consacrée à la politique extérieure. Resté membre du comité et du bureau de la fédération du Nord réunifiée, il ne fut pas réélu par la conférence fédérale de mai 1959 puisqu’il demeurait maintenant en région parisienne.

Sur le plan national, André Pierrard, un des animateurs des réflexions sur l’enseignement, devint rédacteur en chef de la revue L’école et la nation en 1951. Il intervenait à l’Assemblée nationale sur les questions scolaires. Etant donnée la surcharge de responsabilités, il avait demandé en 1956 à être remplacé comme secrétaire de rédaction de la revue, ce que le secrétariat décida en octobre 1956, mais ce qui ne se fit pas. A partir de 1957-1958, un malaise se répandit parmi les collaborateurs de la revue. On reprochait à Pierrard de ne pas être sur des positions de combat et ce dernier estimait que, comme toute la propagande du Parti, il fallait se montrer plus ouvert afin de sortir de l’isolement. La rédaction collective faiblissant, finalement il fut remplacé tout en restant membre du comité de rédaction.

André Pierrard fut élu suppléant du comité central du PCF au XIIIe congrès à Ivry, en avril 1954, réélu titulaire au XIVe congrès au Havre en juillet 1956. Pendant l’été 1956, il fut le remplaçant de François Billouxau bureau politique. Il ne fut pas réélu en 1959 au XVe congrès d’Ivry en juin 1959. Pendant cette période, il écrivit de nombreux articles dans la presse communiste dont les Cahiers de Communisme.

Selon Marc Coppin (La côte d’Opale en guerre d’Algérie 1954-1962, Presses du Septentrion, 2012), en contact avec Francis Jeanson en 1956, dirigeant du réseau d’aide au Front de Libération nationale, il se montrait favorable à une prise en compte par le PCF de la radicalisation des revendications algériennes. Lors de la réunion du comité central, le 22 mars 1956, Pierrard intervint pour demander un débat après le rapport de Jacques Duclos sur le XXe congrès du PCUS. Il prit la parole dans d’autres réunions pour exposer la situation de France-URSS. Le 10 juin 1958, lors de la réunion du comité central, Pierrard exprima des désaccords avec le rapport présenté par Waldeck Rochet, jugeant que le PCF sous-estimait le changement provoqué par l’arrivée de De Gaulle au pouvoir. Il ne s’agissait pas, selon lui, de fascisme, mais de « risque de dictature », d’où l’importance des comités de défense qui devaient élaborer un front républicain, une « unité ponctuelle vers une base commune ». Il pensait implicitement que le PCF portait une part de responsabilité dans l’arrivée de De Gaulle. Marcel Servin et André Voguet développèrent des critiques et devant la demande renouvelée par Pierrard de la recherche d’une entente avec de « nombreux républicains » à la recherche d’un « compromis sur l’Algérie », Maurice Thorez à deux reprises l’interrompit avec violence, estimant que l’on devait « faire front devant l’ennemi au lieu de faire preuve de légèreté ». Raymond Guyot* critiqua aussi les analyses de Pierrard. Dans ses conclusions, Thorez souligna l’unité des communistes contrastant avec les désaccords du seul Pierrard.

Secrétaire national et vice-président de l’association France-URSS, Pierrard écrivait régulièrement des articles dans sa revue et indiquait souvent ne pas avoir le temps d’approfondir les sujets examinés. Il entra en conflit avec le responsable de la politique extérieure Raymond Guyot. A partir de 1956 se posa la question d’un élargissement politique de la direction nationale ce qui signifiait que l’on pouvait accepter des partisans d’une analyse que repoussait la direction du Parti sur une volonté de l’URSS d’établir un compromis avec les pays de l’OTAN, ce qui pouvait rejoindre l’idée de la responsabilité éventuelle du PCF dans l‘absence d’alliance lors de l’arrivée au pouvoir de de Gaulle. Il résulta de cette période de nouvelles difficultés entre Pierrard et la direction du PCF. A la veille du congrès de France-URSS de juin 1957, Thorez accepta ses arguments pour ouvrir la direction de France-URSS à des non-membres du Parti. Mais Pierrard avertit en juillet 1957 que des oppositions se manifestaient dans la direction du PCF et que les diplomates soviétiques à Paris devraient en tenir compte et entendre tous les points de vue.

Une expression publique de cette tension se manifesta lors de la première projection du film de [Chris Marker-<139888] Lettre de Sibérie dont la documentation de base avait été constituée par Armand Gatti et André Pierrard à l’occasion de reportages sur la Yakoutie pour France-URSS en 1957-1958. Guyot ne fut pas invité à la première. Contesté, Pierrard demanda par lettre du 7 juin 1958 au secrétariat du Parti d’être relevé de ses responsabilités à France-URSS ce qui fut décidé à la fin de l’année.

André Pierrard, n’étant plus député, reprit son métier d’instituteur à Bagneux en octobre 1958, à Villejuif en janvier 1959, puis devint professeur d’enseignement général des collèges et termina sa carrière comme chargé de recherches à l’Institut pédagogique national.

Il n’intervint plus dans la politique nationale et s’efforça de se comporter en militant communiste, en contact avec les sections communistes de Bagneux et de Villejuif, sans intervenir dans la vie politique nordiste. Il prit progressivement ses distances vis-à-vis de la politique du parti dont il supporta mal le comportement en 1968. Il signa alors avec trente-deux anciens dirigeants du PCF une lettre rendue publique au secrétaire général Waldeck-Rochet contestant la rédaction de l’article de Georges Marchais à propos du mouvement étudiant.

Selon les archives du PCF, André Pierrard reprit sa carte cette fois à Cousolre en 1972. Ce qui pourrait infirmer les analyses de certains sur son départ du PCF en 1973 pour protester contre l’attitude de Georges Marchais pendant la guerre. Quoi qu’il en soit, son absence de manifestations publiques le rapprochait des comportements d’autres anciens dirigeants du PCF comme Charles Tillon, Roger Pannequin, Maurice Kriegel-Valrimont.

Localement, il pensait pouvoir conduire aux élections municipales de Cousolre en 1977 une liste d’union de la gauche. Mais la fédération communiste s’y opposa devant les divisions des communistes locaux. Il dut alors ne pas reprendre sa carte.

Franc-maçon (Grand Orient de France), André Pierrard fut un des premiers signataires de la pétition « Union dans les luttes » lancée en décembre 1979. Il signa, avec notamment Kriegel-Valrimont et Jean-Pierre Vigier, en février 1981 un texte déclarant : « Le Parti ne peut-être confisqué par un groupe restreint de dirigeants » (Le Monde, 27 février 1981) qui demandaient la recomposition du PCF. Après avoir signé les textes favorables à la rénovation du PCF, il soutint en 1988 la démarche de Pierre Juquin, candidat à la Présidence de la République. En 1991, il témoignait dans le film de Mosco, Mémoires d’ex.

Doué d’un réel talent d’écrivain et de polémiste, il écrivit de nombreux ouvrages sur son Avesnois natal, son expérience de la résistance et huit romans et récits. Certains de ses ouvrages, tels Le Jeune homme à la rose et On l’appelait Tamerlan, ont pris leur inspiration dans les souvenirs de résistance de l’auteur. La croix de chevalier de la Légion d’honneur au titre des Anciens combattants lui fut remise le 8 mai 1991 à Lens par Charles Tillon, ancien commandant national des FTPF.

Le 30 juin 1997, l’Humanité annonça son décès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126261, notice PIERRARD André, Jean. Pseudonymes : Vincent puis Pierre par Jacques Girault, Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau , version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 9 avril 2021.

Par Jacques Girault, Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau

André Pierrard
André Pierrard
Député communiste du Nord
Auteur

ŒUVRE : Le Jeune homme à la rose, Paris, Presses de la Cité, 1969. — On l’appelait Tamerlan, Paris, Julliard, 1970. — La Fugue flamande, Paris, Julliard, 1971, Prix du Roman populiste. — Le don de Charleroi, Paris, Julliard, 1972. — Mourir à 14 ans : Thierry (1958-1972), Paris, Presses de la Cité, 1973, rééd. en Pass-Pocket, 1975.— Ceux d’Hurtebise, Paris, Julliard, 1974. — La belle vie au Pays noir, Lille, Ed. Blondel-Planquard, 1979. — Avec R. Guienne, Denain : un crime signé Usinor, Ed. Bondel [?], 1979.— Avec Michel Rousseau, Eusebio Ferrari. A l’aube de la Résistance armée, Paris, Syros, 1980 (son nom d’auteur est orthographié par erreur dans l’ouvrage et les bibliographies, Pierrart avec un t et non un d). — Le Janissaire, Dunkerque, Ed. des Beffrois, 1983. — Avec Bernard Maïeu pour le tome 1 André Hanot pour les tomes 2 et 3, Promenade dans la mémoire de l’Avesnois, Westhoek-Editions, 3 tomes, 1986, 1989. — Avec Jean-Louis Chappat, La fusillade de Fourmies. Premier Mai 1891, Editions Miroirs, 1991.

SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Arch. de l’Assemblée nationale. — RGASPI, dossier individuel de Florimond Bonte, 495-270-69, feuilles 22 et 23. — Renseignements fournis par l’auteur à J. Girault en 1977. — André Pierrard, Michel Rousseau, Eusebio Ferrari à l’aube de la résistance armée, Paris, Syros, 1980. — Jacques Estager, Ami, entends-tu. La résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais, Paris, Messidor-Editions sociales, 1986 — Notes de Marc Giovaninetti.

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