PIERRE Thérèse, Madeleine. Pseudonyme dans la Résistance : Madeleine

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Née le 5 novembre 1908 à Épernay (Marne), morte sous la torture le 26 octobre 1943 à Rennes (Ille-et-Vilaine) ; professeure ; militante syndicaliste CGT et communiste ; résistante Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France ; FTPF.

Thérèse Pierre
Thérèse Pierre
SOURCE : Photo sur sépulture

Thérèse Pierre était la fille de René Ernest Pierre et d’Aline Catherine Francine Amiel, un couple d’instituteurs, domiciliés à Épernay (Marne).

Ancienne élève de l’École normale d’institutrices de Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne, Marne) de 1924 à 1927, puis de celle de Nancy (Meurthe-et-Moselle), où elle a préparé le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Fontenay auquel elle échoué, Thérèse Pierre a occupé son premier poste d’enseignante à la rentrée 1929 à Felletin (Creuse) comme surveillante.

Après un second échec au concours d’entrée à Fontenay, elle a été nommée professeure à l’École primaire supérieure de Bar-le-Duc (Meuse) en octobre 1934. Militante communiste, elle s’est rendue en 1935 en URSS avec sa compagne Emma, et a organisé dès 1936 des collectes en faveur des Républicains espagnols. Membre du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire, elle animait en outre la section locale du Comité de liaison des Auberges de jeunesse (AJ). À ce titre, elle a fait un rapport sur les AJ au congrès de l’UD-CGT de la Meuse en juillet 1938. Elle militait activement pour l’intervention au côté de l’Espagne républicaine. Membre de la section communiste de Bar-le-Duc, elle fut déléguée à la conférence nationale du Parti communiste à Gennevilliers en janvier 1939. Elle était également responsable du Comité des femmes contre la guerre et le fascisme de Bar-le-Duc, qui fit paraître de 1937 à 1939 un bulletin mensuel, Femmes de la Meuse. Trésorière de la Ligue des Combattants de la Paix, elle prit la parole le 11 novembre 1938 à Verdun (Meuse) dans un meeting de femmes pacifistes.

En septembre 1939, après une perquisition effectuée à son domicile, elle a été expulsée de la zone des combats de la 3e Armée et déplacée d’office en Bretagne où elle a exercé les fonctions de professeure de sciences naturelles dans les écoles primaires supérieures de Vitré, puis de Redon (Ille-et-Villaine) en 1940, et de Carhaix (Finistère) en 1941. Elle y a fait la connaissance d’un responsable du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, Yvon, futur colonel Pascal dans la Résistance, qui lui a demandé d’implanter le Front national en Ille-et-Villaine. À la rentrée 1942, elle a été mutée à l’école primaire supérieure de jeunes filles de Fougères (Ille-et-Vilaine), où elle est devenue rapidement responsable du Front national pour l’arrondissement sous le pseudo « Madeleine » chargée plus particulièrement de la rédaction et de la diffusion de la presse clandestine. Par ailleurs elle délivrait des faux papiers à des clandestins, en hébergeait occasionnellement chez elle, servait d’agent de liaison, participait à des transports d’armes et à la préparation de plusieurs opérations contre l’occupant au sein des Francs-tireurs et partisans français (FTPF).

Arrêtée par la Gestapo le 21 octobre 1943 à Fougères, elle a été incarcérée à la prison Jacques Cartier de Rennes où elle a été affreusement torturée par des policiers français du Service de la police anticommuniste venus de Paris. Ramenée dans sa cellule, le corps brisé, elle a eu la force de communiquer avec ses voisines de cellule répétant inlassablement : « Je ne parlerai pas... Ils ne me feront pas parler… Ils n’ont rien obtenu de moi ».
Le 26 octobre elle a été retrouvée pendue au barreau de sa cellule, mise en scène de ses bourreaux pour faire croire à un suicide, selon le témoignage du commandant FTPF Pétri. La Résistance a diffusé un tract annonçant son décès :

« ENCORE UN CRIME MONSTRUEUX DES BOCHES.
Le jeudi 21 octobre, veille de l’anniversaire du massacre de Chateaubriant, la Gestapo arrêtait à FOUGÈRES, Mlle Thérèse PIERRE professeur à l’E.P.S. de cette ville. Son crime était d’être restée fidèle à son idéal communiste et de trop aimer sa patrie pour la libération de laquelle, en bonne française, elle combattait. Tous les Fougèrais connaissaient Thérèse PIERRE pour son dévouement, sa simplicité et son impartialité dans son travail.
Malgré cela, la Gestapo l’arrêta et la transféra à la prison de Rennes où les boches lui firent subir les pires tortures : elle fut battue sauvagement à la tête, aux jambes, sur tout le corps, à tel point qu’elle dut se traîner à terre pour regagner sa cellule où le lendemain, elle fut retrouvée morte. C’est alors que les assassins tentèrent de camoufler leur crime en répandant la version que Thérèse PIERRE se serait suicidée.
ASSEZ DE CRIMES !
FRANÇAIS, FRANÇAISES !
Vous pouvez et vous devez venger Thérèse PIERRE.
Vous pouvez et vous devez empêcher que se poursuivent les assassinats de patriotes français. »

Le corps de Thérèse Pierre a été inhumé dans le cimetière de l’Est de Rennes, puis il a été transféré en 1946 dans le cimetière du Nord à Épernay (Marne).

L’acte de décès numéro 2070, dressé le 28 octobre 1943 à l’état civil de Rennes (Ille-et-Vilaine), déclare que son décès « paraissant remonter à quelques heures » a été constaté le 26 octobre 1943 à dix-heures et demie, et que le corps a été retrouvé 56 Boulevard Jacques cartier ».
La mention marginale « Morte pour la France le 26 octobre 1944 à Rennes (Ille et Vilaine) » a été ajoutée à son acte de naissance le 17 décembre 1945 à l’état civil d’Épernay.

Thérèse Pierre a été homologuée RIF (Résistance intérieure française). En 1945, elle a reçu à titre posthume la Croix de guerre avec étoile d’argent et a été citée à l’ordre de la division. Le titre d’Internée-résistante lui a été décerné, ainsi que la Médaille de de la Résistance avec Rosette par décret du 10 janvier 1947 publié au JO le 11 janvier 1947.

À Fougères en Bretagne, une plaque apposée après la guerre à l’entrée de l’École primaire supérieure où elle enseignait honore sa mémoire, et son nom a été donné à un collège de la ville créé en 1973.
Dans la Marne, une plaque commémorative a été apposée à l’École normale de filles de Châlons-sur-Marne, aujourd’hui Châlons-en-Champagne. Cette plaque qui avait disparu a été remise en place dans les locaux de l’ancienne École normale de filles, devenue aujourd’hui l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPÉ). En 2007, une nouvelle plaque honorant la mémoire de Thérèse Pierre a été inaugurée dans le hall de cette école.
Le nom de Thérèse Pierre est également inscrit sur la plaque « À tous les maîtres de l’école laïque » conservée dans le Square des victimes de la Gestapo à Reims.
Il figure aussi sur la liste des internés du Monument aux martyrs de la Résistance à Épernay.
Dans la Meuse, une école primaire de Bar-le-Duc porte le nom de Thérèse Pierre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126283, notice PIERRE Thérèse, Madeleine. Pseudonyme dans la Résistance : Madeleine par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 octobre 2023.

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Thérèse Pierre
Thérèse Pierre
SOURCE : Photo sur sépulture
Sur la a sépulture de Thérèse Pierre à Épernay
Sur la a sépulture de Thérèse Pierre à Épernay
À Fougères
À Fougères
À l'entrée de l'école publique Odile Gautry</br> à Fougères
À l’entrée de l’école publique Odile Gautry
à Fougères
Le collège Thérèse Pierre à Fougères
Le collège Thérèse Pierre à Fougères
 Dans l'ancienne École normale de filles</br>à Châlons-en-Champagne
Dans l’ancienne École normale de filles
à Châlons-en-Champagne
Sur le monument aux martyrs de la Résistance</br> à Épernay
Sur le monument aux martyrs de la Résistance
à Épernay
Dans le Square des victimes de la Gestapo à Reims
Dans le Square des victimes de la Gestapo à Reims
À Bar-le-Duc
À Bar-le-Duc
SOURCE :
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson

SOURCES : SHD, Vincennes, GR 16 P 47 6946. – Arch. nat., F/7/14813. – Arch. dép. Meurthe-et-Moselle. – L’Éveil de la Meuse, 1937-1939. – Rens. fournis par Jeanne List. – Rapport du commandant FTPF Pétri, " La SPAC et l’enfer Jacques Cartier ", sur le site Internet Mémoires de guerre des anciens combattants d’Ille et Vilaine. – " Qui était Thérèse Pierre ? ", site Internet du collège Thérèse Pierre de Fougères. – Robin Hunzinger, Où sont nos amoureuses, 2007, film documentaire composé de photos et d’archives, qui retrace l’itinéraire de Thérèse Pierre et de son amie Emma. – Claudie Hunzinger, Elles vivaient d’espoir, Grasset, 2010, roman qui relate la liaison amoureuse de Thérèse Pierre avec Emma, la mère de Claudie Hunzinger, à partir des cahiers et des lettres échangées par celle-ci avec Thérèse. – Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, dvd-rom, AERI-Département de la Fondation de la Résistance et CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2013. – Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin. – Mémorial GenWeb. – État civil, Épernay (acte de naissance) ; Rennes (acte de décès).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable