PLANTEVIN Auguste, François

Par Jean-Michel Steiner

Né le 15 août 1849 à Vaison-la-Romaine (Vaucluse), mort le 24 mai 1936 à La Cadière d’Azur (Var) ; viticulteur, représentant de commerce, comptable ; administrateur de la coopérative l’Union des Travailleurs ; membre du Parti ouvrier ; maire de Saint-Étienne (Loire) de 1906 à 1908.

Auguste Plantevin était le fils de François Joseph Plantevin, cordonnier à Vaison la Romaine, et de Roman Marie Hypoline, fille d’un agriculteur de Séguret. À douze ans, Auguste Plantevin vivait avec ses grands parents maternels et se déclara lui-même agriculteur. Incorporé le 10 août 1870 dans un régiment d’artillerie de marine comme 2è canonnier servant, il participa à la guerre franco-prussienne du 29 juillet 1870 au 7 mars 1871. Élevé au grade de 1er canonnier servant le 27 janvier 1871, il fut nommé brigadier le 16 mai 1872, maréchal des logis le 7 juin 1873 et participa à la campagne de Cochinchine du 19 novembre 1873 au 12 juin 1875. Son registre de matricule signale qu’à son arrivée à Saint-Étienne il était employé à la manufacture d’armes (comme comptable ?) et habitait 6 rue Raisin.
Selon le Bulletin du Conseil municipal de Saint-Étienne du 30 juin 1936, c’est « après son service militaire », dans les années 1870, que Plantevin vint s’établir à Saint-Étienne. Lorsqu’en 1876, il épousa à Séguret (Vaucluse) Victorine Girardon, fille d’un garde forestier, débitante de boissons, il était agriculteur dans cette commune. Selon la liste électorale de 1885, il était représentant de commerce. C’est peut-être comme représentant d’une entreprise viticole que Plantevin arriva à Saint-Étienne : sur la liste électorale de 1905, il apparaît comme marchand de vins et il consacra l’essentiel de son temps de retraité à cette activité. D’autres documents le montrent marchand de vins, puis comptable et chef comptable de la coopérative l’Union des Travailleurs.
Le couple a eu deux enfants, nés à Saint-Étienne : Jeanne Louise, le 9 juillet 1885 ; Émile, Alexandre, Auguste le 12 mai 1893. Son activité professionnelle et celle de son épouse ont sans doute mis Plantevin en contact avec les milieux ouvriers socialisants de la ville. Il en vint à s’engager et participa à la création du Parti Ouvrier socialiste dans les années 1880. Lors des élections municipales de 1888, Auguste Plantevin comptait parmi les candidats de cette formation. La fusion entre les deux tours de la liste du Parti Ouvrier avec celle de Girodet lui permit d’être élu et de devenir adjoint. En octobre, il fut révoqué par le préfet pour avoir ouvert la Bourse du Travail, tout juste inaugurée, aux mineurs grévistes. Ce geste le situe dans la mouvance extrémiste d’un socialisme local plutôt modéré. Le 4 octobre, le conseil vota une motion en sa faveur. Finalement Plantevin fut réélu adjoint le 10 avril 1890.
En 1892, il connut la défaite avec Girodet et toute la gauche, mais il revint au conseil le 5 mai 1895 à la faveur d’une élection partielle. Il fut réélu en 1896, démissionnaire en 1897, réélu en 1898 puis en 1900. Cette fois-ci la gauche l’avait emporté et Plantevin devint 2e adjoint de Jules Ledin puis 1er adjoint après l’élection de Charpentier à la Chambre des députés (1902). Après les victoires de Charpentier et de Ledin aux élections législatives de 1906, Plantevin devint maire. Le 29 juillet, sur 34 votants, il y eut 9 bulletins blancs et 25 suffrages en sa faveur. Il rendit hommage à Ledin : « Je m’inspirerai de ses qualités et surtout de la courtoisie à laquelle il nous a habitués pendant son long stage à la mairie. »
En 1906, parmi les témoins du mariage de sa fille Jeanne Louise, on comptait le peintre Auguste Berthon, qui réalisa en 1907 la grande fresque de la Bourse du Travail de Saint-Étienne. En 1908, la crise structurelle qui frappait l’économie locale depuis une vingtaine d’années, commençait à faire sentir des effets profonds. Le 25 février, le maire présenta un bilan de l’action municipale sortante. Il termina son rapport en soulignant que le poids financier de l’assistance représentait près du quart du budget ordinaire auxquels il convenait d’ajouter le coût des « chantiers de voirie pour les ouvriers sans travail (…) Comme on le voit, l’Administration n’a pas failli au premier devoir qui s’impose à une Municipalité de pourvoir à l’assistance publique des valides par le travail, et des vieillards, des incurables et des indigents par les secours ».
En insistant sur l’effort de solidarité sans précédent consenti par le budget communal, Plantevin voulait donner un aspect positif au « socialisme municipal » qui s’achevait dans la morosité. L’amertume montait dans les rangs de la gauche. Une gauche qui se présenta fortement divisée aux élections municipales : une liste pour le Parti ouvrier socialiste de Jean Sagnol, une pour le Parti socialiste unifié de Jean Piger, et une pour le Parti socialiste autonome du maire sortant, sans compter la liste des radicaux-socialistes de Desgeorges et Durafour. En face la droite était tout entière rassemblée dans l’Union républicaine. Au second tour, on en revint à une opposition droite contre gauche. Le Bloc emporta les 10 sièges du canton Nord-Est, mais ne put empêcher le triomphe de la droite qui emportait 20 sièges sur 26 dans les trois autres cantons. La gauche, redevenue minoritaire, n’accepta pas sa défaite ! Pour empêcher l’élection du nouveau maire, 9 élus du Nord-Est démissionnèrent le 13 mai. Interrogé par la Loire Républicaine le 15, Plantevin dénonça le sectionnement : « Le scrutin de dimanche dernier, pour l’ensemble de la ville, a donné aux radicaux et aux socialistes coalisés 14 442 voix contre seulement 12 705 aux listes libérales et progressistes. Saint-Étienne a voulu une administration radicale et socialiste ». Curieusement, il ne fut pas candidat lors du scrutin. Cessant de jouer un rôle politique à Saint-Étienne, Plantevin retourna à une date indéterminée dans le Sud : d’abord dans son Vaucluse natal, à Séguret, puis dans le Var.
Il revint subrepticement et brièvement au premier plan de l’actualité en janvier 1910 lors de la fausse annonce de son suicide dans la presse stéphanoise. Le 16 janvier Le Mémorial écrivait : « un homme qui joua un rôle considérable dans le monde blocard, qui occupa une haute situation dans notre ville – la plus haute – mais qui, abandonné par ses électeurs, le fut aussi par ses amis politiques et autres, était tombé dans une telle situation que la mort lui parut la seule issue honorable ». Le 19, La Tribune publiait un article vengeur : « Ayant appris qu’il était mourant, M. Plantevin eut enfin la rare satisfaction de lire sur lui, dans le Mémorial, une note touchante, quoique nécrologique. »
C’est à la Cadière d’Azur (Var) qu’Auguste Plantevin termina sa vie, engagé dans l’action politique presque jusqu’à son dernier jour. Socialiste SFIO, il fut élu conseiller municipal de La Cadière, le 3 mai 1925, sur la liste d’Union républicaine et socialiste. Il choisit de se représenter en 1929 aux côtés du conseiller d’arrondissement Marius Blanc sur la liste des candidats républicains-socialistes et fut élu au deuxième tour, le 12 mai.
Peu de temps avant de mourir il eut l’occasion de saluer la victoire de la municipalité de Front Populaire à Saint-Étienne (mai 1935). Le 30 juin 1936, le Conseil municipal de Saint-Étienne décida de transformer la rue des Marronniers en rue Plantevin. À cette occasion, Louis Soulié prononça un bref hommage en l’honneur de son ancien prédécesseur : « Maire socialiste de Saint-Étienne, ce fut un administrateur émérite ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126612, notice PLANTEVIN Auguste, François par Jean-Michel Steiner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 11 mars 2021.

Par Jean-Michel Steiner

SOURCES : Arch. Dép. du Vaucluse : 1 E 137/12, État-civil de la commune de Séguret (Vaucluse) ; 1 R 1163, classe 1869, matricule n° 518 - Arch. Dép. du Var : 2 M 7 30 1, 31 1, 32 1, 3 Z 3 12 ; État-civil de La-Cadière-d’Azur (Jacques Girault) – Arch. Mun. Saint-Étienne : État-civil, 2 E 99 ; 2 E 115 ; 3 E 120 ; 1 K 4/6 & 8 ; 1 F 26 & 1 F 33 ; 10 K 3 à 7 & 8 ; 9 C 2 9 à 29 & 9 C 2 57. Arch. Dép. Loire : 1 M 566. Tribune Républicaine et Mémorial (1906 à 1910).
BIBLIOGRAPHIE : Jean Lorcin, « Chefs d’atelier et compagnons dans la grève des passementiers de Saint-Étienne en 1900 », in Cahiers d’histoire t. XIII, 1968. pp. 179 à 192. – « Le “socialisme municipal” et l’électrification des villes françaises : frein ou accélérateur ? Le cas de Saint-Étienne », in Energie und Stadt in Europa. Vor des Vorindustriellen Holznot bis zur ölkrise des 1970er Jahre (L’énergie et la ville en Europe, de la pénurie de bois de l’ère préindustrielle à la crise du pétrole des années 1970), Dieter Schott (dir), Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1997, p 93-109. – « Une utopie fin de siècle au Pays Noir : le socialisme municipal à Saint-Etienne en 1900 », in Le mouvement social, n°.184, 1998, pp. 53-73. – Économie et comportements sociaux et politiques : la région de Saint-Etienne de la grande dépression à la seconde guerre mondiale. Thèse, Université de Lyon, 1990. – Jean-Michel Steiner, Gérard Thermeau, Les maires de la grande ville ouvrière. Une autre histoire de Saint-Étienne. Saint-Étienne, PUSE, 2015.
Notes de Jacques Girault.

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