POLOTTI Jules, Antoine. Pseudonymes : TONY (en Meurthe et Moselle), GEORGES (dans les FTP en Isère)

Par Pierre Broué, René Lemarquis, Jean-Luc Marquer, Claude Pennetier

Né le 21 juin 1913 à Iséo (Italie), mort en action le 17 mai 1944 à Fontaine (Isère) ; ajusteur ; responsable communiste et syndicaliste de la région de Longwy (Meurthe-et-Moselle), brigadiste en Espagne républicaine, responsable du PC dans la clandestinité en Isère, résistant FTPF, homologué officier des Forces françaises de l’Intérieur et interné résistant (D.I.R.)

Antoine Polotti
Antoine Polotti
Cliché fourni par Jean-Pierre Ravery

Jules, Antoine Polotti était le fils de Marco et de Guilia Manessi.
Les parents de Jules Polotti étaient dans les années 1930 des petits commerçants de Lorraine. Son père avait été tourneur sur métaux en Italie et sa mère ouvrière textile. Leurs revenus provenaient de leur commerce d’épicerie et de quelques rentes rapportées par deux immeubles dont ils étaient propriétaires. Le père, qu’il qualifiait de « proscrit », avait milité quinze ans dans le PS italien surtout dans l’immédiat après-guerre où il fut adjoint de la municipalité de Lovere. Secrétaire d’une « commission interne d’entreprise » (sans doute un Consiglio di Fabbrica ou conseil ouvrier) et directeur de coopérative, il joua un rôle important lors du mouvement des occupations d’usines. Exilé en France après l’avènement du fascisme il resta quelques années en relation avec des dirigeants de son parti et de la Concentration antifasciste mais cessa toute activité politique. Jules Polotti fit ses études d’abord en Italie pendant quatre ans puis trois années en France à Herserange (Meurthe-et-Moselle). Il ne continua pas, désireux d’aller travailler en 1926 (et, écrivait-il, « parce que je m’étais rendu compte de la canaillerie de notre instituteur »). Il travailla d’abord comme garçon de courses, puis en 1929 comme apprenti ajusteur, qualification qu’il acquit en 1933. Il fut ainsi employé aux hauts fourneaux de la Chiers, à la société de Senelle-Maubeuge et aux aciéries de Longwy.

Devenu français, Jules Polotti effectua son service militaire en France comme 2e classe et, bien que parlant italien il « n’avait jamais milité dans le groupe de langue » de l’immigration ainsi que le nota la commission des cadres. Cependant, dans la première de ses quatre autobiographies, il déclarait avoir fait partie quelque temps de la Sezioni Giovanile du PS italien dont s’occupait, à Argenteuil (Seine-et-Oise), un camarade de son père mais cette adhésion se réduisait à la possession d’une carte. Il eut aussi une activité de boy-scout et dans des « groupements sportifs bourgeois » où il acquit « une certaine virtuosité » dans un club de football.

Jules Polotti, qui eut d’abord « une idéologie social-démocrate que [lui] avait inculqué [son] père » adhéra, à la suite de discussions avec des camarades des JC, aux Jeunesses communistes « la trentième semaine de l’année 1932 ». S’il adhéra officiellement au parti en septembre 1935 il insistait sur le fait « qu’en réalité l’histoire de [son] adhésion au parti c’est l’histoire de [son] adhésion aux JC ». Il fut successivement secrétaire d’une cellule puis du rayon de Longwy et membre du bureau de la région Est. Dans le parti, il était affecté à la cellule des ponts roulants aux aciéries de Longwy. Il fut membre du bureau de section, du comité régional et responsable du comité d’usine des aciéries de Longwy. Il fut délégué aux conférences nationales d’Ivry (juillet 1934) et de Paris (juillet 1936). Mais à son retour du régiment la Fédération des JC l’avait sanctionné pour « une position sectaire » en le « privant d’aller au congrès de Villeurbanne » de janvier 1936. Membre du syndicat des métaux de Longwy, il devint en 1937 permanent de la section syndicale des Aciéries qui employaient 4 500 ouvriers. Il fut à l’origine de la constitution d’un syndicat des techniciens fort de 800 membres avec son camarade Marcel Dupont*. Il avait été renvoyé en 1934 de l’usine de la Chiers pour son activité militante et il participa aux mouvements de juin 1936.

Au début de 1937, Jules Polotti fut, selon son expression, « pressenti par le Parti » pour partir dans les Brigades internationales en Espagne. Il avait alors pour compagne Alda Angelini, secrétaire d’un groupe de l’UJFF, fille d’un ouvrier d’usine et ils étaient à la veille de se marier. Faisant preuve « d’un instinct de classe » elle consentit et même l’encouragea à partir (selon son autobiographie). En février 1937 il partit comme commissaire politique et fut responsable d’un journal de brigade jusqu’au 20 octobre 1937 date à laquelle il revint en permission. Sa décision de retourner en Espagne provoqua en décembre 1937 un débat dans les directions nationales de la CGT et du PC comme le montrent certains documents de son dossier au RGASPI.

Le 2 décembre le conseil syndical des techniciens du bassin de Longwy, s’adressant à Raymond Semat* demandait à celui-ci d’exercer son influence sur Jules Polotti pour l’inciter à rester. « Sa présence dans la région de Longwy est plus profitable au mouvement ouvrier que de l’autre côté des Pyrénées ». Depuis son départ il y a une baisse de la section de Mont-Saint-Martin où règne la discorde et où le moral est bas « Seul Tony peut redresser la situation ». Sur cette lettre, une note manuscrite d’Ambroise Croizat* (au « camarade Gitton ») s’élevait contre « cette pratique de relever des militants... on a abouti dans la direction d’un syndicat... à permettre aux socialistes d’avoir la majorité, c’est un véritable scandale. Je vous demande que vous interveniez aussitôt pour que Tony reste à Longwy et qu’on en finisse avec ces méthodes de prélèvements ». Le 11 décembre, une lettre de Coquet à Legros (Maurice Tréand*) indiquait que « le camarade Benoît Frachon* m’a chargé de signaler à Jacques Duclos* et M. Legros que le camarade Tony a l’intention de partir en Espagne. Le camarade Frachon est d’avis qu’il ne faut pas laisser partir Tony ». Le 18 décembre une lettre du secrétariat à Alphonse Lampe* annonçait que « le CC a décidé que Tony actuellement en permission ne devait pas repartir en Espagne... Ce camarade est absolument indispensable dans la région pour le travail syndical ».

A une lettre du secrétariat du 22 janvier 1938 demandant quelles tâches remplissait présentement Jules Polotti, le secrétaire régional, René Uni*, répondait qu’il était membre du comité régional du parti, sociétaire de la section syndicale et qu’il était question de le présenter comme secrétaire adjoint du syndicat des Métaux de la région de Longwy. Une note de la commission des cadres indiquait « Retour sur lettre de Gitton » et une autobiographie de Polotti de septembre 1938 nous montrent que celui-ci est donc resté militant responsable dans le bassin de Longwy. Il joignait d’ailleurs un rapport sur les difficultés « dans le cas où [il] devrait être remplacé dans le mouvement syndical ». Il affirmait que « personne ne pouvait sans danger remplir le rôle de secrétaire permanent » en donnant la liste nominative des vingt-quatre membres du bureau syndical avec sur chacun l’appartenance politique et des appréciations parfois fort sévères (y compris sur la vie privée). Affirmant que « le mouvement syndical est aussi pauvre que le Parti » il rappelait qu’on avait dû intervenir auprès du centre pour qu’il ne reparte pas en Espagne. Il devint ensuite secrétaire fédéral du PC pour la Meurthe-et-Moselle.

Mobilisé en 1939 dans l’artillerie, il reçut une citation et la Croix de guerre 1939-1940. Peu après la démobilisation, il passa dans la clandestinité. La direction du PC en zone Sud le désigna comme secrétaire régional dans l’Isère et il occupa cette fonction jusqu’en octobre 1942, date à laquelle il fut affecté dans le Sud-Ouest (Gironde, Dordogne, maquis de Limoges). Il revint dans l’Isère au printemps de 1943, comme secrétaire régional du PC clandestin. Son expérience espagnole faisait de lui, comme de bien d’autres dirigeants des JC d’avant-guerre, un cadre tout désigné pour l’organisation de groupes armés : il fut aussi le « commandant Georges » des FTP. Surpris au cours d’une réunion avec son camarade Marco Lipszyc le 17 mai 1944, dans son quartier général clandestin, à Fontaine (Isère), par la Gestapo et la Feld-gendarmerie, il se défendit les armes à la main et fut tué au cours de l’assaut.
Il fut inhumé au cimetière de Fontaine-La Poyat
Jules Polotti a été reconnu "Mort pour la France". Il fut homologué résistant, officier des Forces françaises de l’Intérieur, et interné résistant (D.I.R.).
Il fut décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume et élevé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 28 avril 1959.
Son nom figure sur une plaque apposée à proximité du lieu de sa mort à Fontaine et sur le monument aux morts de cette ville. Il est également honoré en Lorraine, sur le monument aux morts de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle).
En Isère, cinq rues portent son nom : à Grenoble, à Échirolles, à Saint-Martin-d’Hères, à Seyssinet-Pariset, ainsi qu’à Fontaine.


Voir : Fontaine

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126826, notice POLOTTI Jules, Antoine. Pseudonymes : TONY (en Meurthe et Moselle), GEORGES (dans les FTP en Isère) par Pierre Broué, René Lemarquis, Jean-Luc Marquer, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 6 avril 2022.

Par Pierre Broué, René Lemarquis, Jean-Luc Marquer, Claude Pennetier

Antoine Polotti
Antoine Polotti
Cliché fourni par Jean-Pierre Ravery
La plaque à Antoine Polotti et Marco Lipzick se trouve à Fontaine (Isère).
RGASPI, Moscou, fiche d’évaluation d’une autobiographie de Polotti.
RGASPI, début de l’autobiographie de 1937.

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 484558 (à consulter) ; GR 19 P 38/17 ; — AVCC Caen, AC 21 P 134744 et AC 21 P 662972 (à consulter) — Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle, 3 M 111. — Arch. AVER — La Voix de l’Est, 4 août 1945, notamment. — Le Travailleur alpin, 13 et 14 septembre 1944, 16 mai 1945 [Iconographie], 13/19 mai 1974. — RGASPI : 495.270.869 : 4 autobiographies notées AS, AS, A, A, 1934, 1937-1938, toutes longues et détaillées. — Mémoire des hommes. — MémorialGenweb. — Base Léonore. — État civil

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