POTHION Camille

Par Claude Pennetier, Nathalie Viet-Depaule, Gilles Morin

Né le 26 septembre 1886 à Decazeville (Aveyron), mort le 19 août 1974 à Saint-Riquier (Somme) ; ouvrier chaudronnier ; secrétaire général en 1919-1920 du syndicat de la Voiture et Aviation pour la Seine ; secrétaire de la section socialiste et conseiller municipal socialiste puis communiste de Saint-Denis ; responsable RNP puis de la Milice sous l’Occupation.

Fils de Louis, employé aux forges de Decazeville, et de Mélanie Lathieze, trieuse de charbon, Camille Pothion était le sixième d’une famille de neuf enfants. Il fréquenta les frères des écoles chrétiennes jusqu’à 14 ans. Titulaire du CEP, il entra comme apprenti chaudronnier aux forces de Decazeville de 1900 à 1905. En 1902, il perdit son père et devint soutien de famille avec sa mère. En 1905, pour mieux gagner sa vie, il alla travailler en République argentine, jusqu’en mars 1908. Sursitaire, il a été mobilisé en octobre 1908 au 96e Régiment d’infanterie de Béziers, pour deux années. Après le décès de sa mère, il s’installa à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) où il a été chaudronnier à la Compagnie générale de construction. Il s’occupait de ses trois jeunes frères.

Membre du Parti socialiste révolutionnaire français depuis 1902, Camille Pothion était adhérent du syndicat des métallurgistes dès 1904. En 1911, il rejoignit à la section SFIO de Saint-Denis et y demeura jusqu’au congrès de Tours. Il a été secrétaire de la section dans cette période.
Pothion a été mobilisé de nouveau au début de la guerre de 1914 au 8e régiment d’infanterie coloniale, puis affecté chez Delaunay-Belleville toujours à Saint-Denis. Il fut renvoyé à son corps en 1917 pour avoir participé à l’agitation dans les usines de guerre et enfin détaché aux ateliers des chemins de fer du Nord. Mutilé, il fut réformé avec 25 % d’invalidité. L’un de ses jeunes frères fut tué à la guerre, l’autre en sortit aveugle.

Après l’armistice, cumulant les fonctions de secrétaire général (permanent) en 1919-1920 de l’Union syndicale des ouvriers et ouvrières de la Voiture et Aviation pour le département de la Seine et de secrétaire de la section socialiste de Saint-Denis, Pothion fut élu le 30 novembre 1919 conseiller municipal de cette commune où il était domicilié depuis 1911. Il s’y maria le 3 juin 1911 à Saint-Denis, avec Marie Liorzou, née le 6 octobre 1891 à Kermoroch (Côtes-du-Nord), ménagère, ils eurent trois enfants (et une fille morte à l’âge de 8 mois).

Partisan de l’adhésion à l’Internationale communiste, Pothion était l’un des orateurs du comité de la 3e internationale et fit une tournée de conférences dans le sud de la France dans la 2e partie de l’année 1920. En août 1920, il reprochait au prolétariat français “de n’avoir rien fait jusqu’à ce jour pour empêcher la nouvelle guerre qui menace”. La Fédération de la Seine le délégua au congrès de Tours au titre de la motion Cachin*-Frossard*.
Selonl’Humanité du 27 janvier 1921, Camille Pothion fut autorisé à suivre les cours de l’école du propagandiste et entra à la commission exécutive du Comité de la 3e Internationale en mai 1921. Militant de la gauche du nouveau parti, il affirma lors du conseil municipal du 2 juin la supériorité du Comité sur la SFIC. Il démissionna de son mandat de conseiller le 31 août 1921 et quitta le PC, irrité par la tension constante entre la section et le conseil. Il continua à militer comme syndicaliste.

En 1920 et 1921, Pothion a été nommé délégué permanent de l’Union syndicale voiture et aviation. En cette qualité, il assista aux congrès nationaux de Lille et Orléans. Élu à la commission exécutive de l’Union syndicale de la Seine en 1921, suppléant en 1922, membre du comité central des comités socialistes révolutionnaires, il s’attacha à convaincre les militants, notamment dans le Cher, de rallier la CGTU. Il était gérant de la colonie de vacances de la famille nouvelle aux château de la Bergette à la Ferté-sous-Jouarre.

Camille Pothion quitta Saint-Denis en 1924 et s’installa à Ivry-sur-Seine dans le quartier d’Ivry-Port. Il emménagea dans les HBM Philibert Pompée en janvier 1929. Il apparaît sur le listes nominatives de recensement de 1931 comme chaudronnier au chômage vivant avec son épouse Bernadette née Kermoroch (1891), journalière à la Compagnie des lampes à Ivry et ses deux fils nés à Saint-Denis en 1912 et 1922.

En 1928, Pothion s’inscrivit à la fédération des Anciens combattants républicains et en devint secrétaire adjoint. Il la quitta en 1934, après les évènements du 6 février et adhéra à la Fédération ouvrière et paysanne, proche de la SFIO et pacifiste, emmenant toute la section d’Ivry et de Vitry selon lui. Il en fut secrétaire à la propagande de 1934 à 1940. Dans la même période, de 1928 à 1938, il a été membre puis président de la section d’Ivry de la Ligue des droits de l’homme d’Ivry.

Pothion entra à la Compagnie des Eaux le 1er juillet 1933. Il a été affecté au bureau d’Eaubonne, puis à celui de Saint-Denis en 1940. Il était resté militant syndicaliste puisque son nom apparaît dans le liste des membres du bureau du Comité d’action et de propagande syndicale d’Ivry-sur-Seine au début de l’année 1936.

À partir de 1938, il résida dans un pavillon à Ermont (Seine-et-Oise), 29 rue chaussée Jules César. Employé à la compagnie des Eaux, il travaillait rue d’Anjou, comme attaché à l’inspection de Saint-Denis, en qualité de commis.

Adhérent de RNP dès sa fondation entre février et juin 1941 (selon ses divers témoignages), ainsi que son épouse, Pothion a été désigné délégué régional à la permanence du parti à Ermont en 1942. Il connaissait Marcel Déat depuis 1924 selon lui et l’aurait revu dans les années trente. Il avait aussi adhéré aux organisations en lien avec le RNP, le Front social du travail et au Centre syndicaliste de propagande. En mai 1943, les deux sections RNP d’Enghien et de Ermont fusionnèrent pour constituer une section régionale dont il prit la direction. Elle comptait 62 adhérents. Il était encore chef régional des Milices nationales populaires (milice du RNP) et président du comité local de Franconville du Comité ouvrier de secours immédiat (COSI). Il signait un article du Télégramme de Seine-et-Oise, du titre de « correspondant du ministère de l’Information à la propagande ouvrière ».

Lors de la fusion des Milices des partis et de l’instauration de la Milice française, Pothion devint conseiller politique du chef de la Milice dans la région et chef cantonal. Il bénéficiait d’une arme et un port d’arme. Il en aurait menacé au moins un contradicteur. Il reconnut plus tard avoir, le 19 août 1944, se sentant menacé, tenté de tirer sur le responsable local des FFI ; mais son arme s’était s’enraillée. Il était également en lien avec un autre vieux militant RNP de Saint-Denis, Louis Raymond qui était permanent de la section de la ville et qui lui fournit un laisser passer pour aller voir son fils prisonnier des Allemands.

Camille Pothion a été arrêté le 29 août 1944 par les FFI sur dénonciations, ainsi que sa femme et l’un de ses fils. Le comité local d’épuration l’accusait d’avoir menacé de déportation plusieurs personnes et d’en avoir dénoncé d’autres aux Allemands. Il reconnu avoir proféré des menaces, mais affirmait ne les avoir jamais suivies d’effet et n’avoir dénoncé personne aux Allemands. Interné au camp de Saint-Denis, il était mis en état d’arrestation par la Justice le 25 septembre 1944. Durant l’enquête des éléments confirmaient aux yeux de la justice l’accusation d’avoir effectué des dénonciations. Il fut condamné à Paris, le 17 mai 1945, pour intelligence avec l’ennemi et pour une dénonciation, à 15 ans de travaux forcés et à la confiscation de ses biens.

Sa peine a été réduite le 17 mai 1945, avec une remise de 5 ans de travaux forcés, puis a été commuée en 8 ans de réclusion et 20 ans d’interdiction de séjour par décret du 26 juin 1948. Il fut mis en liberté conditionnelle le 18 décembre 1948 (elle devait expirer en novembre 1952), puis bénéficia de la remise de la déchéance au droit de pension et de la confiscation de ses biens le 14 novembre 1949. Il résidait en octobre 1951 à Paris, 27 rue Saint-Blaise (20e), où sa femme tenait une loge de concierge. Il avait été révoqué sans pension et vivait de sa retraite de vieux travailleur, du salaire de son épouse et de quelques gardiennages qu’il effectuait dans les garages de son quartier.
Son deuxième fils, né à Ivry en 1924 membre de l’organisation Todt requis selon eux.
Un nommé Pothion était Chef de la section du JNP d’Ermont-Eaubonne en décembre 1942. Était-ce l’un de ses fils ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article127071, notice POTHION Camille par Claude Pennetier, Nathalie Viet-Depaule, Gilles Morin, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 15 octobre 2020.

Par Claude Pennetier, Nathalie Viet-Depaule, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat. F7/12992, 13618, 13831. — Arch. Dép. Seine, DM3, vers. 10451/76/1. — Arch. PPo, 77W/971 ; PJ/16. — J.-P. Brunet, Th., op. cit. — L’Humanité, 18 mai 1921. — Le Travailleur, 8 février et 11 avril 1936. — Le National-Populaire, n° 19, 24 octobre 1942 ; n° 26, 12 décembre 1942. — Arch. Com. Ivry-sur-Seine (Michèle Rault). — Le National-Populaire, n° 49, 5 juin 1943. — François Ferrette, Le Comité de la 3ème Internationale et les débuts du PC français (1919-1936), mémoire de Maîtrise dirigé par Claude Pennetier – Université de Paris 1, année 2004-2005.

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