POURTALET Henri

Par Dominique Olivesi

Né le 23 décembre 1899 à Cannes (Alpes-Maritimes), mort le 3 juillet 1974 à Antibes ; horticulteur ; député communiste de Cannes ; représentant du Parti communiste à Alger (1943).

Henri Pourtalet passa son enfance à Golfe-Juan. Engagé volontaire, il partit au front en 1916 puis fut envoyé en Haute-Silésie en 1919. De retour en France, il épousa une descendante de l’une des plus vieilles familles cannoises et s’établit comme horticulteur (producteur expéditeur). Il adhéra au Parti communiste en 1923 ou 1924 à l’occasion d’un passage de Gabriel Péri* sur la Côte d’Azur. Pourtalet milita d’abord dans les organisations « périphériques » du PC comme l’ARAC et l’Association des amis de l’Union soviétique. Il porta les couleurs du Bloc ouvrier paysan lors des élections municipales de 1925 et 1929.

C’est après le 6 février 1934 qu’il commença à prendre de réelles responsabilités. Secrétaire du rayon communiste de Cannes-Antibes, il orienta le travail de propagande du parti en direction des catégories socio-professionnelles frappées par la grande récession économique : petits producteurs, petits artisans et commerçants. Ses talents d’organisateur et d’orateur, son dévouement lui assurèrent la sympathie d’une partie de la population, l’estime des militants et la confiance de la direction régionale.

Porté et stimulé par une puissante vague unitaire et décidé à mordre bien au-delà de son électorat traditionnel, le PC sélectionna avec soin ses candidats en vue des élections législatives de 1936. Dans la 4e circonscription (Cannes-Antibes), Henri Pourtalet présentait le profil idéal pour séduire une population restée assez largement rurale dans sa composition sociale. Il fallut néanmoins du temps pour le convaincre car il répugnait à l’idée d’abandonner son commerce pendant deux mois en pleine saison pour faire campagne.

Le 26 avril 1936, le PC totalisa dans les Alpes-Maritimes 17 842 voix. Avec 12,7 % des inscrits, Henri Pourtalet fit moins bien que la moyenne des candidats communistes (17,5 %) mais devança le candidat socialiste Casimir Garino* et le radical Cayatte. Au second tour, grâce à sa personnalité attachante et rassurante, Pourtalet bénéficia d’un bon report des voix de gauche et l’emporta avec 8 520 voix (37,8 %) sur le candidat du Parti social français, le colonel Thierry. Sa victoire était plus nette que celle de son camarade Virgile Barel* à Nice. À la Chambre des députés, il siégea à la commission de l’Agriculture. Ses préoccupations principales tournèrent toujours autour de la défense du monde paysan et de ses problèmes : irrigation, habitat rural, cours des produits sur les marchés parisiens, reboisement, aides et protections sociales. Il travailla en liaison étroite avec Jean Laurenti*, représentant du syndicalisme paysan de son département et avec les responsables communistes de ce secteur : Jean Renaud et Waldeck Rochet*. En 1939, il proposa un projet de fonds national d’indemnisation en faveur des horticulteurs victimes du gel et d’autres catastrophes naturelles.

Le 21 juin 1936, dans la foulée de sa victoire législative et à la suite de la démission de l’ancienne municipalité, Henri Pourtalet fut élu à la mairie de Vallauris, devenant le premier maire communiste des Alpes-Maritimes. Il préféra cependant démissionner au profit de Pierre Chalmette* pour se consacrer à son mandat de député. En 1936 et 1937, Pourtalet intervint plusieurs fois à la tribune de l’Assemblée pour dénoncer la présence et les agissements d’éléments fascistes italiens à Cannes et dans le département. Le 21 avril 1937, il assista aux obsèques de Rossi Stalpero, militant communiste italien assassiné.

Après avoir connu une phase de croissance spectaculaire, le PC entra en 1937 dans une période de reflux. Candidat au conseil général dans le canton de Cannes en octobre 1937, Pourtalet fut largement battu au premier tour (2 944 voix sur 10 378 suffrages exprimés).

En octobre 1938, au terme d’une année de graves difficultés, le parti réunit sa conférence régionale sous la présidence de François Billoux*. Ce dernier blâma sévèrement la direction sortante et fit endosser à Virgile Barel la responsabilité du recul. À l’issue des travaux, Henri Pourtalet fut chargé de redresser la situation. Jouissant de la faveur et de la confiance personnelle de Maurice Thorez, il conforta jusqu’à la guerre cette position de premier responsable communiste du département.

Le 16 décembre 1938, il participa aux côtés du secrétaire général à un meeting de protestation contre la politique extérieure du Duce et ses visées expansionnistes sur Nice et la Corse. Il accompagna encore Maurice Thorez* en février 1939 dans une longue tournée de propagande en Algérie et l’accueillit à Cannes en avril.

Pendant l’été 1939, Henri Pourtalet signa dans le Cri plusieurs éditoriaux exprimant la position officielle du PC sur la partie diplomatique qui se jouait en Europe et sur la question des alliances entre les grandes puissances. Le 13 août 1939, à La Siagne, près de Cannes, il présida avec Maurice Thorez un grand rassemblement de huit mille personnes en l’honneur du 150e anniversaire de la Révolution et des « Patriotes de 1789 ». À la fin du mois d’août 1939, il participa au Palais-Bourbon à la dernière réunion du groupe parlementaire communiste. Puis il rejoignit son unité, le 7e régiment de génie en Avignon avec le grade de sergent-chef.

Quelques semaines après la dissolution du PC, il fut mis aux arrêts (le 11 novembre 1939) et déchu de son mandat (21 janvier 1940). Transféré au fort Saint-Nicolas de Marseille, il y passa cinq mois. Un tribunal militaire le condamna le 1er mai 1940 à la privation de ses droits civiques pour dix ans et à cinq années de détention. Pendant l’été 1940, il fut affecté de façon assez mystérieuse dans une brigade chargée de la surveillance d’un camp d’internement pour étrangers. De nouveau en liberté, muni d’un titre de démobilisation et de faux papiers, il travailla à la reconstitution d’un réseau militant dans le Gard et les Bouches-du-Rhône. À la fin de l’année 1941, il passa sous les ordres d’un responsable communiste de la zone sud, Roger Roucaute. En janvier 1943, l’ex-député des Alpes-Maritimes reçut de la part de Jacques Duclos* en personne la mission de représenter le PC en Afrique du Nord. Dans un souci d’équilibrer ses relations entre Londres et Alger, la direction clandestine du parti faisait de Pourtalet son émissaire autorisé auprès du général Giraud, comme Fernand Grenier* l’était auprès de De Gaulle. Pour atteindre Alger, il transita par l’Espagne (où il fut arrêté sans être reconnu) et par le Portugal. Le 28 juillet 1943 un avion en provenance de Casablanca le déposa à bon port.

Membre de l’Assemblée consultative, il reprit rapidement du service. Le gouverneur provisoire le dépêcha en Corse où, en liaison avec Giovoni, il participa à la libération de l’île. Il assura ensuite une mission sur le front de l’Italie en 1944 lors de la grande offensive alliée sur le Mont Cassin. Il fut enfin un des responsables politiques chargés de superviser le débarquement en Provence. Son retour à Nice le 7 ou 8 septembre 1944 précéda celui de tous les autres dirigeants communistes départementaux. Pendant l’hiver 1944-1945, Pourtalet organisa pour le compte du comité de Libération le ravitaillement en armes et en vivres des bataillons FFI toujours aux prises avec les Allemands dans l’arrière-pays niçois.

Pendant l’année 1945, Henri Pourtalet joua un rôle important dans le processus de renouveau institutionnel. Le 1er octobre il présenta au préfet Escande les dix nouveaux conseillers généraux communistes du département. Élu lui-même aux deux Assemblées constituantes, il plaida en faveur d’institutions démocratiques respectueuses de la souveraineté populaire et fidèles au programme du CNR. 77 312 électeurs des Alpes-Maritimes l’envoyèrent siéger à l’Assemblée nationale pour la première législature de la IVe République.

En 1951, le système des apparentements barra la route au candidat du PC et priva ce dernier, en dépit de ses 70 195 voix, de toute représentation. Henri Pourtalet retrouva le chemin du Palais-Bourbon en 1956. Mais à peine deux ans plus tard, l’UNR. Cornut-Gentille, porté par la vague gaulliste, lui infligea une sévère défaite (21 189 voix contre 9 622). Cet échec mit un terme définitif à sa carrière parlementaire.

En 1950 et 1951 ses tentatives pour succéder au docteur Raymond Picaud (SFIO) au conseil général et à la mairie de Cannes échouèrent aussi. Il siégea néanmoins au conseil municipal de cette ville après 1953.

Militant discipliné, Henri Pourtalet épousa toujours la ligne officielle de son parti. Pendant la période de guerre froide, il se comporta en ardent « militant de la paix » et dénonça les « ennemis du socialisme de l’URSS », notamment les « renégats titistes ». Il conduisit la délégation des Alpes-Maritimes au XIIe congrès du PCF à Gennevilliers. En juillet 1952, il fut convoqué et entendu comme témoin dans l’affaire du « complot » instruite par le juge Roth de Toulon contre Virgile Barel*. En novembre de la même année, il remplaça ce dernier à la direction politique de l’hebdomadaire le Cri des travailleurs.

En 1953, il intégra le bureau fédéral du Parti communiste des Alpes-Maritimes, et y siégea jusqu’en 1962. De 1959 à 1962, il était également membre du comité de la section de Cannes.

Membre du comité fédéral de 1962 à 1964, il fut durant cette période permanent du parti et responsable de la fédération des artisans-commerçants.

Très grand, massif, Henri Pourtalet demeura toujours passionné par son métier d’horticulteur qu’il mêla étroitement à sa vie militante et à sa carrière politique. Il se fit l’ardent défenseur des petits producteurs qui formaient sa base électorale. Pour les cinquante ans de M. Thorez, qui lui marqua toujours une certaine préférence, Pourtalet mit tout son savoir-faire dans la préparation d’une somptueuse exposition de fleurs. Il inspira peut-être aussi l’horticulteur qui lança l’œillet « Marcel-Cachin » pour les quatre-vingts ans du chef historique du parti. Il chercha enfin à expérimenter dans son domaine professionnel, à l’époque de la « science prolétarienne », les théories de Mitchourine et de Lyssenko.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article127217, notice POURTALET Henri par Dominique Olivesi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 8 août 2014.

Par Dominique Olivesi

SOURCES : RGASPI, 495 270 23. — Arch. F7/13128. — Arch. Jean Maitron, fiche Batal. — Arch. Virgile Barel*, Nice. — Le Cri des travailleurs, 1936. — Le Patriote de la côte d’Azur. — J. Jolly, Dict. parl., op. cit. — V. Barel, Cinquante ans de luttes, op. cit. — M. Burlando, Le Parti communiste et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes, op. cit. — J.-R. Bézias, Le communisme dans les Alpes-Maritimes, 1920-1939, op. cit. — J.-L. Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945, op. cit.— H.-C. Giraud, De Gaulle et les communistes, Albin Michel, 1989. - Arch. comité national du PCF. - Notes de Julien Lucchini.

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