POUZAT Jean [Pseudonyme dans la Résistance : Albert]

Par Eric Panthou

Né le 9 août 1904 à Riom (Puy-de-Dôme), mort le 23 avril 1986 à Riom ; ouvrier chez Michelin, membre du Parti communiste (PCF) et de la Confédération Générale du Travail (CGT) ; secrétaire de la cellule PCF de Riom, interné politique, résistant, emprisonné à la Centrale de Eysses ; déporté à Dachau, a quitté le Parti vers 1975.

Fils de Jean, charpentier, et de Marie, née Ray, Jean Pouzat était détenteur d’un CEP.
Il prit sa première carte au PCF en 1922, à la cellule de Riom dirigée alors par Maurice Pérol. Il est ensuite embauché chez Michelin comme charpentier. Il fut affecté spécial, charpentier chez Michelin au service BL depuis le début de la guerre, ce qui évita qu’il soit mobilisé en 1939. Il habitait place Sugny à Clermont-Ferrand.

En 1934, il appartenait à la cellule Nord de Clermont-Ferrand, dirigée par Claude Planeix. Il a toujours eu des responsabilités au sein du Parti, notamment diffusion, action au sein de la FSGT, secrétaire de cellule.

Ses actions lui valurent d’être arrêté après qu’il ait été vu à distribuer des tracts signés Thorez-Duclos devant les usines Michelin le 28 août 1940. Il est alors interné administratif au camp de Mons (Puy-de-Dôme) suite à arrêté du préfet du Puy-de-Dôme en date du 21 septembre 1940. Il a été interné entre le 21 septembre 1940 et le 31 décembre 1941, d’abord à Mons, puis à Nexon (Haute-Vienne) du 1er janvier au 31 décembre 1941. Il est libéré le 1er janvier 1942 sur décision de Pétain, avec 19 autres militants du Puy-de-Dôme.

Dans un premier temps, après sa libération, il figure parmi les personnes susceptibles d’obéir à un mot d’ordre, classées communistes, portées sur la liste "S" établie en application de la circulaire du 2 juin 1942. Quoique suspectes au point de vue politique, les personnes qui figurent sur cette liste n’ont manifesté aucune activité depuis juin 1940 qui puisse justifier un internement, estime un rapport du 6 août 1942 des Renseignements Généraux.

Pourtant, une fois libéré, il avait rejoint l’Organisation Spéciale à Clermont-Ferrand.
Son nom de résistant, Albert, figure bientôt sur un document trouvé chez un des responsables de l’Organisation Spéciale. Il est indiqué qu’Albert a transporté des armes.
Des renseignement recueillis par le commissaire Herviot de l’inspection générale des services de police judiciaire à Vichy, il résultait qu’un certain Petiot, habitant Firminy (Loire) devait rencontrer le 14 juin 1942 à Clermont-Ferrand à l’angle des boulevards Fleury et Lafayette, Jean Pouzat. Il devait remettre à ce dernier des carcasses de bombes dont Justin Gibert assurait le chargement. Petiot ne vint pas au rendez-vous et Pouzat fut appréhendé Place de Jaude, le 12 et non le 14 juin, alors qu’il s’éloignait du lieu fixé après une assez longue attente. Il déclara agir pour l’organisation illégale du parti communiste mais tout ignorer des instructions qu’un inconnu, dit-il, devait lui transmettre. Gibert prétendit ne rien savoir de tout cela et la confrontation avec Pouzat ne donna rien.

Ce même 12 juin, Jean et Jeanne Durand, ses subordonnés, sont arrêtés. Il en est de même de ses chefs, Roucaute et Raoul Calas. Au total, selon Pouzat, 17 personnes furent arrêtées dans le cadre de cette affaire. Les services de police considéraient que Pouzat était l’auteur d’attentats communistes récents dans le Puy-de-Dôme. Pouzat indiqua dans son dossier de demande du titre de déporté-résistant, qu’il avait commis des sabotages, mais il ne donne aucune précision sur ceux-ci et ne fournit aucune attestation en ce sens.

Il est condamné à 12 ans de travaux forcés et à six ans de prison par la section spéciale du tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 13 août 1942. L’acte d’accusation de la Section spéciale, daté du 7 août 1942, indique que Jean Pouzat est considéré par la police judiciaire comme "l’un des responsables de l’OS à Clermont-Ferrand et comme ayant eu à ce titre des rapports avec son co-inculpé, Calas". Dans son dossier de demande d’attribution de la carte de déporté résistant, Jean Pouzat affirme qu’il était responsable départemental de l’OS en janvier 1942. Pour lui, le sigle OS signifie "Organisation Sabotage". Roger Roucaute, alias colonel Lazare, confirma par une attestation la responsabilité de Jean Pouzat, de janvier à juin 1942, ainsi que la terminologie du sigle OS (Organisation Sabotage).

Il fut successivement interné à la prison militaire du 92 RI à Clermont-Ferrand, puis à celle de Nontron (Dordogne) en septembre, puis à Mende (Lozère), en novembre, et enfin, en mai 1943 à la centrale de Eysses, commune de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) à partir de septembre 1942. Il intégra le Bataillon FTP de la Centrale et participa aux actions des 9, 10 et 11 décembre 1943 puis à la bataille contre les forces de Vichy les 19 et 20 février 1944. Suite à cette tentative d’évasion collective, 12 prisonniers furent fusillés et plus d’un milliers de prisonniers furent livrés par Vichy aux autorités allemandes, en l’occurrence les SS de la division Das Reich, le 30 mai 1944. Ils furent envoyés sur Compiègne puis déportés à Dachau. Jean Pouzat fit partie des déportés, arrivant le 20 juin 1944. Il fut envoyé au camp de Landsberg (Allemagne) d’août 1944 à mars 1945 avant de retourner à Dachau. Il fut libéré le 15 mai 1945. Son état de santé empêcha son rapatriement immédiat et il fut hospitalisé à Strasbourg avant d’arriver à Clermont-Ferrand, chez son frère Paul, demeurant 42 rue Vallières.

Il fut médaillé de la Libération, Croix de Guerre 39-45 et Officier de la Légion d’Honneur. Il a reçu la carte de Combattant volontaire de la Résistance et la carte du Combattant.
Il déposa en 1950 deux dossiers pour être reconnu déporté politique et déporté résistant. En 1954, il essuya un refus d’attribution du titre de déporté résistant, la carte de déporté politique lui étant attribué pour sa première arrestation. On dénia notamment à Henri Verde, auteur d’une attestation en faveur de Pouzat, la moindre légitimité pour établir une telle attestation, lui-même n’ayant pas été reconnu déporté résistant.
Pouzat fit un recours immédiatement. La Commission nationale motiva le maintien de son refus par le fait que les motifs de l’arrestation de Pouzat en 1940 puis 1942 étaient liés à son activité politique et non à une action qualifiée de résistante. Pouzat fit donc appel de la décision, rappelant qu’il avait été condamné en 1942 en tant que responsable départemental de l’OS et non du PCF. En 1957, il s’adressa de nouveau à la commission, s’étonnant que deux de ses subordonnés quand il était chef de l’OS, Jeanne et Jean Durand, soient détenteurs de la carte de déporté résistant, alors que lui ne l’était pas. N’ayant reçu aucune réponse, il renouvela sa remarque un an plus tard, en novembre 1958.
Il a finalement obtenu gain de cause en 1960, la carte de déporté et interné de la résistance (DIR), lui étant attribué pour la période suivant sa seconde arrestation.
Il avait été homologué FFI, avec le grade de lieutenant et date de prise de rang au 1er juin 1942 pour son action au sein du Bataillon FTP de la Centrale d’Eysses, pour la période du 9 décembre 1943 au 30 mai 1944.

Aux lendemains de son retour de déportation, il fut chargé en 1945 de la coordination de l’action des anciens internés politiques de la centrale de Eysse pour Clermont-Ferrand. Après avoir vécu quelques mois chez son frère à Clermont-Ferrand, il habita d’abord Riom, 12 rue Daurat, où il exerça la profession d’artisan charpentier. Puis il vécut ensuite, au moins à partir de 1950, de nouveau chez son frère, 42 rue Vallières, à Clermont-Ferrand. Il devint alors représentant.

A son retour de déportation, il s’était vu confier la responsabilité de secrétaire de la cellule de Riom. Il quitta le PCF entre 1975 et 1977, se disant « en complet désaccord avec certaines positions du parti surtout en ce qui concerne l’Union Soviétique et le Marxisme ». Il écrivit en 1978 au secrétaire de la Fédération pour s’étonner qu’on puisse lui demander de se justifier du titre de « Vétéran » du Parti sur la période 1924-1948.

Il s’était marié en avril 1959 à Clermont-Ferrand avec Marie Faure.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article127253, notice POUZAT Jean [Pseudonyme dans la Résistance : Albert] par Eric Panthou, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 19 juillet 2022.

Par Eric Panthou

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 489379, dossier résistant de Jean Pouzat (nc). — Archives de la justice militaire au Blanc, registre du tribunal militaire de Clermont-Ferrand.— Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux..., Th., op. cit .— arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296 W1 549 : rapport des inspecteurs de Police Mobile, château de Mons, 6 octobre 1940.— Lettre de Jean Pouzat au secrétaire de la Fédération du Puy-de-Dôme du PCF, 4 mai 1978, archives privées Maurice Vigier.— Cahier des Vétérans du Puy-de-Dôme avec timbres versés, 1970-1974, archives privées Maurice Vigier,.— Archives privées Henri Verde : liste des déportés politiques rentrés, maison Michelin.—Archives privées Roger Champrobert : note manuscrite sur Jean Pouzat.— AVCC Caen, AC 21 P 650786. Dossier Jean Pouzat .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme 1296 W 102 : le Commissaire principal chef du service régional de police de sûreté à Clermont-Ferrand à monsieur l’intendant de police à Clermont-Ferrand, le 9 février 1943 .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme,1296 W 102 le commissaire principal des Renseignements généraux du Puy-de-Dôme à monsieur le commissaire divisionnaire, chez régional de la police judiciaire, 6 août 1942.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296 W 1549 : liste complémentaire des internés politiques arrivés au Camp [de Mons] récemment. — Franck Liaigre, Les FTP. Nouvelle Histoire d’une Résistance, Paris, Perrin, 2015. Notice nécrologique, Résistance d’Auvergne, Bulletin ANACR 63, n°63, juillet 1986.— Le Moniteur, 3 janvier 1942 .— "Jean Pouzat de retour à Clermont", La Voix du peuple, 9 juin 1945. — Bulletin intérieur Michelin, n°17, juillet 1945 .— La Voix du peuple, 28 juillet 1945. — État civil. — Note de Jean-Pierre Besse.

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