QUENIN Sixte, Anatole, dit Sixte-Quenin

Par Justinien Raymond

Né et mort à Arles (Bouches-du-Rhône) : 2 juillet 1870-27 septembre 1957 ; employé, puis représentant de commerce ; militant socialiste et député.

Sixte-Quenin
Sixte-Quenin

Anatole Sixte-Quenin était le septième enfant d’une famille qui en comptait neuf. Son père, Jacques Quenin, maréchal-ferrant à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), était un militant royaliste. Sa mère, beaucoup plus jeune, épouse d’un second mariage, de famille arlésienne, douée d’une vive intelligence, a eu une grande influence sur l’évolution de son fils. Sixte-Quenin était donc issu de vieilles familles provençales, mais citadines et non terriennes, de professions artisanales et non paysannes. Brillant élève des Frères des Écoles chrétiennes, il dut interrompre ses études à l’âge de douze ans, muni du certificat d’études primaires, son père étant décédé. Tout en gagnant son pain, il ne cessa de lire, de se cultiver. Employé de commerce à Arles, il devint en 1890 représentant d’une carrière de pierre à bâtir de Fontvieille, « Le Croissant », dont il écoulait la production dans la région et jusqu’en Espagne. Marié à une Arlésienne, il put bientôt s’établir à son compte. En 1919, il s’occupa d’une coopérative à Billancourt (Seine), puis fut journaliste et notamment, de 1921 à 1923, secrétaire général du Populaire.

Le journalisme l’avait d’ailleurs attiré dès son entrée dans la vie militante. À dix-huit ans, la politique le passionnait déjà : le milieu familial qui en débattait l’y incita ; il assista très jeune à des réunions royalistes. Mais, par une réaction de son tempérament indépendant, sous l’influence des réflexions d’un jeune salarié nourri de lectures, il alla vers le socialisme. L’Affaire Dreyfus rendit ce choix définitif et le jeta dans l’action. En 1892, il créa un journal de tendance socialiste Le Petit Arlésien. En 1894, il fonda à Arles un groupe socialiste dont il fut secrétaire, « le Réveil social », de tendance guesdiste. Le 10 octobre 1895, il présida à Arles une réunion de protestation contre la campagne de Madagascar ; Zévaès y prit la parole. Bientôt sa signature parut dans les journaux d’Arles, de Marseille et de Paris, même dans la Guerre sociale de Gustave Hervé avec qui il « flirta » quelque temps. En 1899, il représenta « le Réveil socialiste » d’Arles au 1er congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Japy. Il fut aussi délégué au congrès de la salle Wagram (1900). Il fut un des fondateurs de la Fédération d’Unité socialiste révolutionnaire des Bouches-du-Rhône. Son esprit guesdiste ne l’empêchait pas de porter à Jaurès une grande admiration et il fut un des artisans de l’unité dans son département. Dans les débats suscités par le congrès de Lyon (1901), où il fut délégué, Sixte-Quenin, malgré ses attaches guesdistes, voulut arracher la cause de l’unité à la défense compromettante des ministérialistes. Il participa au congrès de fusion de la salle du Globe à Paris (avril 1905). Au congrès départemental de Miramas (30 juillet 1905), il fit adopter la motion fondant l’unité locale sur les directives du congrès d’Amsterdam. Il fut porté à la commission exécutive de la fédération socialiste SFIO et il la représenta aux congrès nationaux de Limoges (1906), Nîmes (février 1910), Saint-Quentin (1911), Lyon (1912), Brest (1913) et Amiens (1914). Lors du congrès de Limoges, il déclara que « les prolétaires n’ont pas à être patriotes ». En 1913, il siégea à la conférence d’entente franco-allemande de Berne. En février 1920, il représenta sa fédération au congrès de Strasbourg, comme il la représenta à la plupart des congrès nationaux du Parti socialiste SFIO de l’entre-deux guerres.

En 1898, Sixte-Quenin fut candidat socialiste aux élections législatives dans l’arr. d’Arles. Il recueillit 2 365 voix sur 27 536 inscrits et 19 243 votants. Il se désista pour le radical Henri Michel à qui il succédera plus tard. En 1906, la fédération socialiste de Vaucluse posa sa candidature dans l’arr. d’Avignon : il arriva en quatrième position avec 1 283 voix sur 27 414 inscrits et 20 021 votants et se retira au second tour. En 1910, il fut élu député dans l’arr. d’Arles. Sur 30 382 inscrits, il recueillit au premier tour 4 900 voix sur 16 039 votants, le député sortant radical Henri Michel en obtenant 6 551. Sixte-Quenin bénéficia, au scrutin de ballottage, des suffrages des royalistes et des catholiques pratiquant la politique du pire et battit le député sortant par 10 056 voix contre 7 940 sur 18 387 votants. En 1914, sur 29 940 inscrits et 18 075 votants, Sixte-Quenin vint en tête avec 5 676 suffrages contre 5 192 à Jean Granaud, progressiste, 4 293 et 2 001 à deux candidats radicaux-socialistes et 675 à un candidat républicain. Il l’emporta sur Granaud au scrutin de ballottage par 10 170 voix contre 8 539. En 1919, Sixte-Quenin avait pour colistier Félix Gouin* et Éyriés dans la circonscription d’Aix-Arles. Il obtint 13 354 voix sur 36 624 votants et 62 964 inscrits, et il fut battu. Il ne se représenta pas en 1924, mais reprit la circonscription d’Arles en 1928. Sur 29 624 inscrits et 19 392 votants, il recueillit 5 618 voix derrière le député radical sortant Victor Jean (6 211) et devant le communiste Coustet (3 753). Au second tour, il bénéficia des voix du candidat communiste et battit le député sortant par 9 583 voix contre 8 818, malgré l’opposition du Petit Provençal. En 1932, Sixte-Quenin obtint 7 107 suffrages sur 30 506 inscrits et 21 955 votants au premier tour. Il l’emporta au ballottage par 9 834 contre le radical Dominique (5 854), le modéré Ripert (5 361) et le communiste Chauvet (1 195). En 1936, les radicaux, ses principaux adversaires, pratiquèrent contre Sixte-Quenin la tactique qui lui avait été profitable en 1910 et, combinée avec la poussée communiste, elle lui coûta son siège. Il recueillit 6 826 voix sur 31 659 inscrits derrière le candidat communiste Mouton (7 106) et le candidat du Parti agraire Jouve (7 935). Son désistement assura l’élection du candidat du Front populaire, Mouton. Alors, il démissionna de la mairie d’Arles où il avait été porté à l’occasion d’une crise municipale à la fin de 1934. Il avait déjà été adjoint au maire radical Nicolas pour quelques années après 1900 et avait marqué son passage à la mairie par la création de la Bourse du Travail et des premières cantines scolaires.

Parlementaire actif, Sixte-Quenin portait à la tribune du Parlement la langue claire, souvent ironique et caustique dont il usait comme journaliste. Il fut le porte-parole du groupe socialiste contre le militarisme et le colonialisme. Il combattit vivement la loi des trois ans et, pendant la guerre de 1914 à 1918, il se rangea dans la fraction pacifiste d’abord minoritaire. Le 12 décembre 1911, il défendit l’idée que « le colonialisme n’a pas pour le pays de très heureux effets économiques » (Le Petit Provençal, 13 décembre). En 1925, il combattit l’action de la France en Syrie et entra en rapports avec le leader nationaliste Riad Bey As. Solh. Il préconisa l’évacuation du territoire sous mandat parce que la Syrie lui paraissait mûre pour l’indépendance et surtout parce que les dépenses de prestige lui semblaient inutiles et trop lourdes pour le peuple français. Son anticléricalisme, toujours en éveil, rendait Sixte-Quenin plus que réticent devant l’idée du suffrage des femmes tant que ces dernières resteraient sous l’influence de l’Église. Il fut un adepte du malthusianisme démographique : dès avant 1914, il préconisa la restriction des naissances pour les foyers populaires.

Après le congrès de Tours (décembre 1920), Sixte-Quenin demeura, avec la minorité de sa fédération et du Parti, dans la SFIO. Il témoigna d’un anticommunisme assez virulent. Il se rangeait dans le courant animé par Léon Blum*, hostile à la participation ministérielle. À l’issue du congrès de Nancy (1929) qui débattit des questions scolaires et de la défense laïque, Sixte-Quenin fut porté à la CAP du Parti socialiste. Son échec électoral de 1936 et la guerre qui survint peu après marquèrent la fin de sa vie politique active à laquelle il survécut de longues années.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article127724, notice QUENIN Sixte, Anatole, dit Sixte-Quenin par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 20 septembre 2022.

Par Justinien Raymond

Sixte-Quenin
Sixte-Quenin

ŒUVRE : A. — Journaux et revues : Sixte-Quenin collabora au Petit Arlésien, au Combat social du Gard, à l’Avenir social, au Jour, à La Tribune socialiste de Marseille, au Socialiste des Bouches-du-Rhône, au Cri de Marseille, à La Provence, au Populaire du Midi. Il collabora à la presse parisienne, à l’Avant-Garde, au Socialiste (hebdomadaire), à La Guerre sociale d’Hervé, à l’Humanité, au Populaire, organe de la SFIO. Il signait parfois ses articles du pseudonyme de Jarjaille.
En 1926, Sixte-Quenin prit à Arles la direction d’un vieux journal local, L’Homme de bronze, et en fit un journal socialiste. Sous le titre La Liberté, ce journal paraît toujours.
B. — Écrits divers : Comment nous sommes socialistes in Encyclopédie socialiste de Compère-Morel*, op. cit., 315 p. — Le Catholicisme et la guerre, Paris, 1915, 57 p. — Le Cléricalisme et la guerre, Villeneuve-Saint-Georges, 1917, 79 p. — La Défense nationale et l’Unité socialiste, Paris, 1922, 14 p. — Le Problème de la natalité au Parlement, Paris, 1933, 24 p. (texte de la proposition de loi présentée par Sixte-Quenin et tendant à l’abrogation de l’article 3 de la loi du 31 juillet 1920 réprimant la propagande anticonceptionnelle).

SOURCES : Renseignements fournis par Antoine Olivesi et par Mme Élise Joucla, ex-avocate au barreau de Tarascon, fille de Sixte-Quenin. — Les archives de Sixte-Quenin ont été déposées au Centre d’Histoire du Syndicalisme de l’Université Paris I.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 377.

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