RAMIER Barthélemy, Pierre, Louis [alias "Eugène" pseudonyme de Résistance]

Par Jean Lorcin

Né le 3 juin 1899 à Saint-Étienne (Loire), exécuté sommairement le 12 juillet 1944 à Servas (Gard) par les Waffen SS de la 8e compagnie de la division Brandenburg ; ouvrier métallurgiste ; secrétaire de la région de la Loire du Parti communiste et membre du comité central ; résistant FTPF de l’Ardèche et du Gard.

Alès (Gard). Plaque commémorative de l’arrestation de Barthélemy Ramier et de Gabriel Guiraud
Alès (Gard). Plaque commémorative de l’arrestation de Barthélemy Ramier et de Gabriel Guiraud
Photo : Musée de la Résistance en ligne

Fils d’un ouvrier jardinier, Barthélemy Ramier commença à travailler à l’âge de quatorze ans comme apprenti jardinier ensuite comme ouvrier métallurgiste. Ancien combattant, membre du syndicat de la Manufacture nationale d’Armes de Saint-Étienne, où il était voiturier depuis 1917, il adhéra au Parti socialiste en 1918. Partisan de l’adhésion à la IIIe Internationale, il rejoignit le Parti communiste dès sa fondation (selon l’Institut de recherches marxistes) ou le 1er janvier 1922 (selon d’autres sources, notamment son autobiographie de 1932). Il s’y fit remarquer "par son activité et son sens politique".

Il fit partie, sous la houlette de militants expérimentés comme Jean Doron*, du groupe de jeunes militants actifs et efficaces, qui postulèrent à la direction de l’Union départementale CGT unitaire de la Loire après l’éviction de Lorduron* du parti et du syndicat unitaire.

En 1925, il fut élu membre du conseil syndical de la Manufacture nationale d’armes de Saint-Étienne et, en 1926, secrétaire adjoint du syndicat CGTU de la MAS. Arrêté avec d’autres militants communistes, à la suite de la manifestation contre A. Tardieu organisée par le PC et la CGTU, le 12 juin 1927, Ramier fut frappé à coups de pied et de poings par les policiers.

Secrétaire de la cellule d’industrie de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne, membre du comité de rayon dès 1926, Ramier eut d’abord des rapports assez orageux avec la direction locale du parti. Il s’en prit le 22 mai 1926 à "l’arrivisme de Frachon" dont toutes les cellules critiquaient le départ de Saint-Étienne et la nomination à des responsabilités régionales. Le 25 juillet, Ramier démissionna du comité de rayon, démission qu’il reprit sans doute puisque le 25 janvier 1928, il démissionna à nouveau sans que cela tirât à conséquence. Le mois suivant, en février, il était délégué à la propagande et secrétaire à l’organisation du rayon de Saint-Étienne.

Le rôle politique de Ramier dans le parti grandissait de jour en jour. Il fut chargé de l’organisation des cellules de Saint-Étienne et joua un rôle dans la mise en place des comités d’industrie. Aussi fut-il désigné par le comité de rayon pour être candidat au conseil d’arrondissement, à la place d’Urbain Malot*, dans le canton Sud-Est de Saint-Étienne, en 1928. Il obtint au 1er tour 699 voix sur 15 741 inscrits contre 441 au socialiste SFIO, Dubouchet*, 2 842 au radical-socialiste Laroux et 3 387 au républicain URD qui fut élu au 2e tour, le candidat communiste n’obtenant plus que 492 suffrages sur 8 054 votants.

Il fut délégué au VIe congrès du PC (Saint-Denis, mars-avril 1929) et y présenta un rapport. Il critiqua Doriot, Frachon, Semard et Doron reprochant à ce dernier de se compromettre avec la droite parce qu’il avait, seul de toute la délégation lyonnaise, voté l’article 15 qui permettait des alliances circonstancielles avec les socialistes pour les élections municipales. Candidat aux élections municipales de Saint-Étienne, le 27 juillet 1930, Ramier obtint 2 777 voix sur 28 794 votants. La liste communiste se maintint au second tour.

Responsable des élections cantonales dans le canton Nord-Est de Saint-Étienne en 1931, il fut candidat aux législatives de 1932 dans la 2e circonscription de Saint-Étienne. Au 1er tour, il obtint 968 voix sur 25 977 inscrits, contre 1 149 au socialiste Dubouchet, 2 566 au républicain socialiste Teissier, 6 042 au candidat de l’URD, Pierre Doron, et 6 128 au radical-socialiste Antoine Durafour. Ramier qui s’était maintenu, n’obtint plus au 2e tour que 469 suffrages sur 17 509 votants, contre 6 390 à Doron et 10 423 à Desgeorges qui fut élu : ce dernier avait pris la place de Durafour, décédé entre les deux tours.

Devenu secrétaire du comité de rayon, puis de la région de la Loire après la mort de Jean Doron* en 1932, Ramier fut élu membre du comité central du PC au VIIe congrès du Parti (Paris, 11-19 mars 1932). Il contribua à accroître l’influence du PC dans la région stéphanoise. Avant les élections cantonales de 1934, Ramier, qui était lui-même candidat au conseil général dans le canton Sud-Ouest de Saint-Étienne, rapporta au comité régional du 15 septembre 1934 que le PC avait repoussé la proposition d’unité de candidature du Parti socialiste SFIO, mais que ce dernier avait accepté les contre-propositions du PC : désistement réciproque au 2e tour et campagne commune, création d’un comité de coordination départemental pour continuer l’agitation après les élections, présentation d’un candidat socialiste contre le candidat pupiste Laurent Moulin* au Chambon-Feugerolles, enfin, soutien à l’URSS dans le programme. Ramier obtint au 1er tour 857 suffrages contre 737 au socialiste Ferdinand Faure*, 1 252 au radical socialiste Teissier et 2 365 au candidat URD, Pierre Doron. Teissier refusa de se désister en faveur de Ramier, comme le lui demandait le Comité de coordination socialiste-communiste, mais accepta de signer le programme minimum "antifasciste" que lui présenta le Comité de coordination. Ce programme comportait entre autres clauses, la condamnation de la politique d’union nationale du Parti radical. En échange, les candidats socialiste et communiste se désistaient en faveur de Teissier, premier pas vers la réalisation du Front populaire. Resté seul en lice au 2e tour, Teissier battit Doron par 3 282 voix contre 3 020.

Les élections municipales de mai 1935 furent placées sous le signe du Front populaire. Ramier fut élu au 2e tour, avec 17 606 voix, sur la liste du Front populaire constituée sous la présidence de l’ancien maire républicain-socialiste, Louis Soulié. Ramier se vit confier le poste de premier adjoint et entra, avec Louis Soulié, au bureau provisoire de la Fédération des municipalités ouvrières antifascistes de la Loire, constitué à Saint-Étienne le 12 juin 1935. Il fit partie avec Louis Soulié et Ferdinand Faure* de la délégation du conseil municipal de Saint-Étienne, invitée par le Soviet de Moscou en septembre 1935.

À peine élu, il fut, avec les autres conseillers communistes de Saint-Étienne, en butte aux critiques de la "base" qui lui reprochait de s’être embourgeoisé. Au congrès de rayon du 29 décembre 1935, Brotte réclamait, par exemple, que le travail des élus municipaux fût contrôlé par une commission formée de membres du PC. Sans attendre le congrès du comité de région où il devait s’expliquer, Ramier releva la plus grave des accusations proférées dans le parti : "Plusieurs déclarent que nous sommes maintenant des bourgeois et que nous nous en mettons plein les poches (sic). Moi et Dolmazon nous touchons chacun 1 000 F. par mois et Fabry* 900. Sur cette somme, nous donnons chacun 345 F. par mois à la région communiste de Lyon. Cet argent est destiné à la propagande du parti". S’il ne s’était pas enrichi, du moins s’était-il "assagi" comme le constatait avec humour Benoît Frachon* au meeting du 26 janvier 1936 : "Ramier, premier adjoint au maire que nos ennemis appelaient le "briseur de vitres" (...) est aujourd’hui à la tête de la voirie, service le plus important de la Mairie, et qu’il fait très bien marcher. La bourgeoisie en est toute déroutée."

Dès les premiers jours, l’activité inlassable de Ramier dans l’exercice de ses fonctions remplit régulièrement la rubrique du Cri du peuple "Nos élus au service des travailleurs". Pour faire face au financement des travaux, l’adjoint communiste qui n’hésitait pas, en cas de besoin, à "faire payer les riches", dut aussi, parfois, transiger avec les principes : il consentit, pour hâter les travaux d’adduction d’eau, à ce que la ville participât aux dépenses, et alla même, pour réviser en baisse les tarifs de gaz et d’électricité, jusqu’à tirer parti des "décrets-lois".

À la conférence de la région communiste de la Loire et Haute-Loire réunie à Saint-Étienne le 11 et 12 janvier 1935 pour préparer le congrès national de Villeurbanne, Ramier, qui s’y vit renouveler son mandat de secrétaire régional, tira la leçon de la grève victorieuse des Forges et Aciéries de la Marine, à Saint-Chamond et Assailly : ses résultats vérifiaient la justesse de la tactique du front unique avec les ouvriers chrétiens. Ramier revint sur ce thème dans son rapport préparatoire à la conférence régionale : il fallait, disait-il, régler définitivement la question du "sectarisme", c’était la condition préalable à tout élargissement du recrutement aux classes moyennes et aux paysans.

Délégué de la région de Saint-Étienne au VIIIe congrès du PC (Villeurbanne, 22-25 janvier 1936), B. Ramier fut réélu au comité central. Candidat aux élections législatives de 1936 dans la 2e circonscription de Saint-Étienne, il arriva en tête de la gauche au 1er tour, avec 4 904 voix sur 17 037 votants, contre 1 262 au socialiste SFIO. Dubouchet, et 3 118 au candidat de l’USR, Mossé. Ramier bénéficia du désistement des deux autres candidats de gauche, pour affronter au 2e tour le candidat de l’URD. Fauchery et le républicain de gauche Aulagnier, qui avait eu 1 818 voix au 1er tour.

La déception que devaient ressentir, à l’issue du scrutin de ballottage, les communistes n’en fut que plus grande : partout dans la Loire, sauf dans la vallée de l’Ondaine et à Roanne, les adversaires du Front populaire l’emportaient. C’était en particulier, faisait observer Charles Maurras dans l’Action Française du 7 mai, l’échec personnel du maire de Saint-Étienne, Louis Soulié, dont les Croix de feu, le soir du scrutin, réclamaient la démission. Elle fut évitée grâce à la fermeté du groupe communiste du conseil municipal dont le président, B. Ramier, sut surmonter "l’amertume" de la défaite pour maintenir la cohésion de la municipalité du Front populaire. Au reste, soulignaient les communistes, si leurs candidats Marcel Thibaud* et Barthélémy Ramier* avaient été battus, c’était précisément grâce aux "manœuvres abjectes" que dénonçait le groupe communiste au conseil municipal de Saint-Étienne, le 7 mai, et qui appartenaient à l’arsenal traditionnel de la "peur" où la droite avait puisé largement entre les deux tours de scrutin. L’avance communiste du 1er tour était bien faite, en effet, pour effrayer les radicaux patriotes et les catholiques. Pendant la guerre d’Espagne, Ramier aurait organisé la fabrication clandestine d’armes à la Manufacture pour les républicains espagnols.

Le 31 mai 1937, une manifestation d’employés municipaux dont Marcel Thibaud avait dû, bon gré mal gré, prendre la tête, mais qu’avaient détourné de son but revendicatif les adversaires du Front populaire, prenait pour cible les élus communistes du conseil municipal et en particulier Ramier. En dépit de ces incidents, le bloc du Front populaire se montrait encore sans faille apparente devant les électeurs des cantonales de 1937 où le PC présentait au conseil général dans le canton Sud-Est de Saint-Étienne, en la personne de Barthélémy Ramier, une figure typique de ce quartier d’armuriers. Ramier obtint 4 807 voix sur 10 989 suffrages exprimés contre 5 657 à l’URD Verge et 516 à l’URD Aulagnier. Battu une fois de plus, B. Ramier exhala, avec plus de violence encore qu’en 1936, son amertume de voir un département ouvrier comme la Loire, au passé "si républicain, si socialiste", avoir des conseillers généraux et d’arrondissement à majorité conservatrice. Barthélémy Ramier fut délégué au IXe congrès national du PC (Arles, 25-29 décembre 1937). Reconduit comme suppléant au comité central, il fut élu, avec Gabriel Roucaute et Louis Ollier, secrétaire régional par la Ve conférence de la région de la Loire et Haute-Loire du PC. Après Munich, Louis Soulié proposa d’envoyer un télégramme de félicitation à Daladier, mais finalement ce fut une motion de Ramier prônant le maintien de l’unité du Front populaire qui fut votée par le conseil municipal.

Mobilisé en 1939, Ramier passa l’hiver 1939-1940 en première ligne, sur les cols des Alpes. Son unité se battit avec acharnement en Haute-Marne, lors de l’attaque allemande de mai 1940. Fait prisonnier en juin, il s’évada d’Allemagne, en décembre de la même année, pour rejoindre la France et entra dans la Résistance en Ardèche. Franc-Tireur et Partisan, il fut nommé commissaire responsable aux effectifs pour les départements de l’Ardèche, du Gard et de la Lozère. Il était domicilié à Annonay.

Il fut arrêté non pas le 5 juillet 1944 à Alès, en même temps que Gabriel Guiraud, mais le 3 juillet au restaurant où il se trouvait en compagnie d’Eugène Bertand, commissaire aux effectifs régional (CER), et Max Bertrand, commissaire technique régional (CTR). Ce dernier put s’enfuir ; en revanche, Ramier et Eugène Bertrand furent pris et frappés à coups de crosse de pistolet par Jean Danflou, l’un des hommes de la 8e compagnie de la division Brandebourg (communément désignés comme Waffen SS) et par un milicien. Auparavant, ces deux personnages avaient arrêtés Roger Pascal et Robert Pillon place de la République et les avaient roué de coups. Comme eux, Ramier et Bertrand furent emprisonnés au fort Vauban et torturés. Ils furent exécutés le 12 juillet 1944, et leurs corps précipités, avec ceux de vingt-neuf autres victimes, patriotes mais également collaborationnistes accusés d’avoir eu des rapports avec la Résistance, dans un puits de mine désaffecté, le puits Célas, commune de Servas (Gard).

Barthélemy Ramier, ouvrier métallurgiste à la "Manu", a toujours été présenté par son parti comme le représentant typique de ces "métallos", ouvriers qualifiés de la grande industrie, dont le PC semble avoir voulu faire sa base sociale privilégiée. C’était, lit-on dans le Cri du peuple du 7 octobre 1937, "le type même de l’ouvrier français d’élite", de l’autodidacte "qui s’est formé lui-même à la rude école de la vie". Son souvenir reste attaché surtout à son œuvre d’organisateur, à la tête de la région Loire-Haute-Loire. Une rue de Saint-Étienne porte son nom.
Son frère, Joseph Ramier, également métallurgiste et communiste à Saint-Étienne, fut arrêté pour communisme en 1941, condamné aux travaux forcés et est mort en déportation.

Voir Servas, Puits de Célas (9, 10, 27 juin 1944 ; 11, 12 juillet 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128045, notice RAMIER Barthélemy, Pierre, Louis [alias "Eugène" pseudonyme de Résistance] par Jean Lorcin, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 7 août 2022.

Par Jean Lorcin

Alès (Gard). Plaque commémorative de l'arrestation de Barthélemy Ramier et de Gabriel Guiraud
Alès (Gard). Plaque commémorative de l’arrestation de Barthélemy Ramier et de Gabriel Guiraud
Photo : Musée de la Résistance en ligne

SOURCES : RGASPI, 495 270 1736, autobiographie, 12 mars 1932. — Arch. Nat. F7/13035, 13090, 13105, 13106, 13110, 13113, 13116, 13121, 13125, 13129. — Arch. justice militaire, Tribunal militaire de Marseille jugement n°43/7136 du 15/02/1951, Affaire Richter Karl, Strieffler Ernst, X… (déposition Marcel Guiraud, 10 mais 1946). — Arch. Dép. Loire, 3 M 71, 3 M 73, 3 M 75, 3 M 77, 4 M 123, 4 M 125, 4 M 127, 6 M 62. — Arch. com. d’Alès, tableau synoptique des victimes du Puits de Célas (Servas) et de Saint-Hilaire-de-Brethmas identifiées le 4 juin 1945. — Notices de U. Thévenon et de la BMP — Le Cri du peuple, 19 mai 1927, 17 août 1935, 6, 21, 26 décembre 1935, 18 janvier, 25 avril, 9 mai 1936, 28 mai 1937, 6, 20 janvier, 7 octobre, 1er décembre 1938. — La Tribune républicaine 1930-1939. — Le Mémorial de la Loire, 11 et 12 octobre 1934, 14 mars, 26 avril 1936. — P. Faure, Histoire du Mouvement ouvrier dans le département de la Loire, Saint-Étienne, Imp. Dumas, 1956. — H. Destour, Les Syndicalistes révolutionnaires et le mouvement syndical dans la Loire entre les deux guerres mondiales, Mémoire de maitrise, Saint-Étienne. — Notes d’André Balent et de Jean-Marie Guillon.

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